mardi 23 juin 2009

Quand Saint-Pol-Roux vend ses meubles, Royère et Fénéon lui font un peu de réclame

Si Félix Fénéon n'avait pas vécu, lui, dont les volumes anthumes pourtant se comptent sur les doigts d'une main digitalement incomplète, le monde des arts et des lettres en aurait été tout autre qu'il ne fut et qu'il n'est. Car il fut un homme d'influence et un aimant de la modernité. Un épris de liberté. Un homme libre. Le symbolisme et l'anarchie firent se rencontrer Saint-Pol-Roux et Fénéon, autour de Zo d'Axa et des autres rédacteurs de l'En-dehors, aussi, deux ou trois années plus tard, au 1 rue Laffitte, siège de la Revue Blanche. Je ne désespère pas de localiser, un de ces jours, les lettres de l'un à l'autre qui, infailliblement, ont dû exister. On trouve des traces de cette relation, qui fut d'estime réciproque, dans la correspondance du poète réunie jusqu'ici. Dans une lettre à Gabriel Randon, du 25 décembre 1895 :
"Si pouvez voir Fénéon (...), veuillez lui dire que je lirais volontiers la Revue Blanche que je ne reçois plus depuis des éternités."
Puis, vingt ans plus tard, lorsque poussé à de rudes extrémités par la guerre, Saint-Pol-Roux dut se résoudre à vendre les bois de la Maison du Jouir de Gauguin, que Segalen lui avait rapportés de Tahiti. Fénéon était alors directeur artistique de la section d'art moderne de la Galerie Bernheim Jeune. Une lettre du Magnifique à André Antoine nous renseigne sur le rôle que joua "celui qui silence" dans cette affaire :
"Lorsqu’en novembre je ne fis que passer à Paris, (...) je laissai en grand’hâte mes bois sculptés de Gauguin (tu sais, la décoration des Iles Marquises où mourut le grand peintre) à notre ami Félix Fénéon, directeur artistique de la galerie Bernheim – laquelle se trouve presque en face de la Madeleine, comme tu sais, et donne aussi dans la rue Richepanse – avec prière de trouver acquéreur pour trois mille francs, prix fort. Fénéon m’écrivit depuis que, vu guerre, difficile découvrir l’amateur ad hoc." (Camaret, 22 mai 1916)
Preuve qu'il y eut échange de lettres entre les deux hommes. Saint-Pol-Roux priait ensuite Antoine de récupérer les bois et de les héberger jusqu'à ce qu'ils trouvent acquéreurs. Quelques mois plus tard, à Segalen, qui, préparant la correspondance Gauguin-Monfreid, avait voulu temporairement récupérer pour se repayser les bois offerts, il avouait :
"Je me rendis Galerie Bernheim (...), voir le gérant, mon ami Félix Fénéon et lui dire : « Voici les fameux bois de la maison du grand Gauguin. Un sot, ignorant, n’en donnerait pas cent sous, mais un pieux du Maître (et j’évoquais les milliards que vaudrait pour des fidèles le bois de la véritable croix du Golgotha) peut les désirer pour vingt mille francs et plus. Eh bien veuillez simplement en trouver acquéreur pour trois mille francs. Ne baissez à deux mille cinq, et même deux mille que si forcé. » La commission pour la maison devait être de 20 %. Cela soit dit pour que tu n’ignores aucun détail. Des mois passèrent. Finalement, Félix Fénéon m’écrit que, vu la guerre, les absences, il fallait attendre." (Camaret, 18 octobre 1916)
Le récit est plus détaillé, plus romancé aussi peut-être... La suite de la lettre nous apprend qu'Antoine ne put les récupérer. Ce qui permit à Segalen de les retirer de chez Bernheim et de les laisser en dépôt chez Monfreid. Finalement, Segalen achètera deux des quatre bois, "Soyez Amoureuse" et la plus petite des femmes, pour 500 francs, et Claude Farrère les deux autres, dont "Soyez Mystérieuse", pour 600 francs, "sans les avoir vus".


Félix Fénéon réapparaît dans la vie de Saint-Pol-Roux, après-guerre, en 1920. Très affaibli financièrement par les événements, et notamment par l'impression, à fonds perdus, de la feuille locale, La France Immortelle, qu'il publia au début des hostilités et qui ne connut que huit numéros, le poète cherchait à vendre son manoir et quelques-uns de ses biens. Lors de sa communication au colloque de Brest, Nicolas Tocquer nous apprit qu'il avait notamment proposé, parmi d'autres objets hétéroclites, des fétiches de l'ouest et du centre de l'Afrique à l'avisé directeur de la galerie Bernheim. La vente lui rapporta 200 francs. C'était peu comparé à ce que devait lui rapporter, du moins l'espérait-il, la vente autrement plus importante de ses meubles et objets d'art, qui allait avoir lieu le mercredi 22 décembre à Drouot. Il put compter sur le fidèle Jean Royère, pour faire un peu de réclame à cet événement, mais aussi sur l'ami Fénéon, qui offrit à ce dernier la page "Curiosité" de son Bulletin de la Vie artistique du 15 décembre 1920(1) :
LA CURIOSITE

La vente Saint-Pol Roux

Mardi 21 et mercredi 22 décembre, salle 7 de l'Hôtel Drouot, auront lieu l'exposition et la vente volontaire de meubles d'époque et de style, porcelaines, faïences et objets d'art appartenant au poète Saint-Pol-Roux, par le ministère de Me Victor Hubert, commissaire-priseur, 19, rue de la Reynie, assisté de M. Guillaume, expert, 13, rue d'Aumale.

Cette circonstance rappellera l'attention sur une des figures extraordinaires de notre littérature.

Personnalité des temps héroïques du symbolisme, il prit part à toutes les tentatives, même les plus audacieuses, du groupement d'antan : il fut de la fondation du Mercure de France, où il publia les Reposoirs de la Procession. Avec l'ardeur et l'enthousiasme de son tempérament où flambe le soleil de Marseille, on le retrouve mêlé à toutes les luttes du début, parmi Villiers de l'Isle-Adam, Verlaine, Mallarmé, Samain, Moréas, Mirbeau, Adam, Renard, Kahn, Rachilde, Barrès, Maeterlinck, Régnier, Gourmont, etc., et il fut surnommé "le Magnifique".
Depuis, il s'est exilé non seulement des cénacles, mais de la Ville où tourbillonnent les gloires éphémères pour, dans la solitude et dans la rêverie, mener la vie qui convient à un grand poète. Il s'enferma d'abord au plus profond de la forêt des Ardennes, où il réalisa cette Dame à la Faulx, qui est non seulement son chef-d'oeuvre, mais le chef-d'oeuvre du théâtre symboliste.
Des Ardennes, Saint-Pol-Roux gagna la Bretagne, où il passa d'abord sept années dans une chaumière d'un tout petit hameau. Enfin, il fit construire à Camaret, sur une falaise de l'Océan, un château à huit tourelles, qu'il habite depuis bientôt seize ans. Le 25 décembre 1909, dans ce port de Camaret, il apparut en père Noël, la hotte sur le dos, arrivant du large dans une barque pleine de jouets pour les enfants des pêcheurs.
Si jamais Saint-Pol-Roux retourne chez les hommes, sans nul doute regrettera-t-il les douces bêtes si fidèles de sa longue solitude, et, parmi tant d'autres, l'étrange Thalassa, merveilleux oiseau de mer élevé par la fille du poète, qui après ses randonnées entre Ouessant et Sein revient du large, à travers la tempête, demander sa caresse aux hôtes du manoir où il entre, en s'annonçant d'un cri et en plein vol, par la fenêtre...
JEAN ROYERE.
(1) Le Bulletin de la Vie artistique (paraissant deux fois par mois), Paris, MM. Bernheim-Jeune & Cie, Editeurs. Rédacteurs : MM. Félix Fénéon, Guillaume Janneau, Pascal Forthuny. Chef de l'Illustration : M. André Marty.

samedi 20 juin 2009

Le Coin des Conteurs : "L'Amour tragique" de Camille Mauclair (Calmann-Lévy, Paris; 1908), par Eric Vauthier

LES FEERIES INTERIEURES fêtent (avec deux jours de retard) leur deuxième anniversaire. Mais plutôt que de nous attarder à jeter de rétrospectives et autosatisfaites oeillades au passé - ce qui ne nous aurait pas déplu et que nous avons d'ailleurs déjà fait -, ouvrons une nouvelle rubrique, promise à un bel avenir. Voici donc "LE COIN DES CONTEURS", animé par l'excellent docteur ès-lettres Eric Vauthier, que les assidus lecteurs du blog connaissent et avec qui les autres peuvent faire un début de connaissance ici et . J'aime que ces pages deviennent avec le temps de plus en plus, de mieux en mieux, collaboratives et collectives. Eric Poindron, Stéphane Beau, Bernard Barral intervinrent - ponctuellement, il est vrai. "LE COIN DES CONTEURS" sera plus régulièrement fréquenté, trimestriellement sans doute. Mais qu'est-ce donc que "LE COIN DES CONTEURS" ? Ce que c'est : la fine présentation, par Eric Vauthier, d'un recueil de contes ou de nouvelles, issu des flancs cérébraux d'un contemporain de Saint-Pol-Roux, suivie d'un extrait dudit recueil. Le hasard a voulu que ce soit un des plus proches et des plus fidèles amis du Magnifique, qui inaugurât cette rubrique nouvelle. Je m'efface donc et souhaite aux visiteurs venus m'aider à souffler cette deuxième bougie, un agréable billet en compagnie d'Eric Vauthier & Camille Mauclair.
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A propos de L'Amour tragique de Camille Mauclair
Des conteurs de quelque importance du tournant du XXe siècle, Camille Mauclair (1872-1945) figure sans doute, aujourd’hui, parmi les plus méconnus. Tandis que Jean Lorrain, Remy de Gourmont et plus encore Marcel Schwob, régulièrement réédités, ont enfin accédé à une pleine reconnaissance en tant que nouvellistes, il en est malheureusement autrement de celui qui demeure avant tout comme l’auteur du Soleil des morts. Une injustice que Simoneta Valenti, dans son importante monographie, Camille Mauclair, homme de lettres fin-de-siècle (1), n’a su qu’imparfaitement réparer. Si l’universitaire reconnaît effectivement que c’est surtout dans ses fictions brèves que notre écrivain « révèle au mieux son habilité [sic] de narrateur (2) », on peut regretter qu’elle ne propose pas une étude spécifique des différents recueils de nouvelles de l’écrivain, indépendamment de celle des romans. Or, pour un lecteur assidu d’Edgar Poe tel que Camille Mauclair, qui lui consacra d’ailleurs un très bel ouvrage (3), le choix du récit court pour une part non négligeable de son œuvre fictionnelle (4) prend une valeur toute particulière. Et ce n’est certes pas un hasard s’il ancre clairement son premier livre de nouvelles, Les Clefs d’Or (1897), sous le signe du grand écrivain américain en inscrivant en exergue une citation extraite de « Bérénice » (5). Selon Mauclair, il ne fait aucun doute en effet que l’auteur des Histoires extraordinaires est, ainsi qu’il l’écrit en 1924 à André Fage, « le maître incomparable du conte (6) ». Un maître dont il convient bien sûr de suivre l’enseignement.

Cependant, rien apparemment de plus éloigné de l’univers de Poe que l’inspiration qui préside à un recueil plus tardif comme L’Amour tragique (7), si ce n’est peut-être un conte au titre et à l’atmosphère très baudelairienne intitulé « L’Amateur d’émotions (8) ». La dimension surnaturelle qui prévalait en des ouvrages tels que Les Clés d’Or ou Les Danaïdes tendrait plutôt ici à laisser place au réel le plus ordinaire. De fait, c’est essentiellement à la lecture de récits psychologiques à dominante sentimentale que semble nous convier le nouvelliste, des histoires d’amour vues sous l’angle de la souffrance et du sacrifice. Dans sa préface, Camille Mauclair expose clairement le sujet de son livre : mettre en scène « un [seul] héros abstrait qui s’appelle tantôt l’amour et tantôt la mort, tantôt le chagrin et tantôt la joie, et dont tous ces noms ne sont que les pseudonymes », et ce à travers la peinture d’« une série d’êtres violents ou résignés dont chacun a sa façon d’être conduit à la haine par l’amour, ou de se faire haïr pour avoir voulu aimer (9). »

Ces histoires de couples et d’adultères, qui pourraient n’être que d’énièmes vignettes sentimentales, se révèlent en fait, sous la plume sensible et pénétrante de Mauclair, autant de « drame[s] d’âmes (10) » aussi mystérieux et insondables que le sentiment amoureux. Le propos s’élève alors bien au-dessus de la simple étude psychologique, pour atteindre à une vision proprement Idéaliste héritée du Symbolisme. On en verra une preuve des plus convaincantes avec une nouvelle comme « L’Adieu nocturne (11) », sans doute une des meilleures réussites du recueil. On y découvre Ellen Méreuse, une célèbre cantatrice, interpréter sur la terrasse de sa villa, pour un petit cercle d’amis intimes, le Tristan et Iseult de Wagner. Mais à la surprise de tous, soudain émerge du fond de la nuit un autre piano, une autre voix, masculine celle-ci, qui vient répondre à la colère d’Iseult. Ce « chant […] surnaturel et terrible », qui semble surgir de la nature environnante, « parvenant dans l’épaisseur des feuillages comme si l’ombre elle-même se fût fait vivante (12) », est celui du compositeur Maxime Hersent, un ancien amant de la chanteuse, qui vient ainsi communier une dernière fois avec l’âme de la femme qui l’a jadis cruellement abandonné.

En quelques pages, le conteur réussit non seulement à installer une atmosphère d’étrangeté et de mystère proche du fantastique, mais surtout il rend parfaitement sensible le tragique de la scène. En cela, la référence au poème musical de Wagner dépasse largement l'ordinaire artifice d’esthète symboliste : la musique ici, à la fois exécutée et théâtralisée par les deux principaux interprètes, confère au contraire au récit sa pleine dimension dramatique (13). Sous les yeux du lecteur, tout comme face aux amis de la chanteuse, ces « rêveurs frémissants (14) », se joue une « scène sublime » –, le dialogue de deux âmes déchirées qui, en mêlant leurs deux voix, parviennent à atteindre à ce « degré où la beauté, l’amour et la douleur ne sont plus qu’un même ange (15) » – puis finissent par se perdre à jamais. Ce qui aurait pu n’être qu’un récit désincarné, devient grâce à la musique, que doublent les grondements menaçants d’un orage, une aventure à la fois spirituelle et sensuelle qui, telle une joute amoureuse, « s’achèv[e] dans un spasme », laissant la chanteuse complètement défaite, « les cheveux épars, le visage convulsé, épuisée (16) ».

Cette union des puissances de l’esprit et de celles des sens, on peut en voir une autre parfaite illustration dans « Le Poison des Pierreries (17) », long récit qui figure au centre du recueil. Si ce conte encore très marqué par l’esthétique décadente tranche avec ceux qui l’entourent, que ce soit par son étendue qui en fait presque un petit roman, ou par son cadre exotique et intemporel qui semble inspiré à la fois de l’Orient des Mille et une Nuits et de celui du Vatheck de Beckford, il en rejoint et prolonge néanmoins le propos. Ce qui se joue dans cette histoire dans laquelle une princesse initiée à la sorcellerie, Allilat, brise par ses charmes et ses maléfices l’amitié qui jusque-là unissait étroitement deux frères-princes, le guerrier Cimmérion et l’esthète Sparyanthis, c’est une fois encore la tragique aspiration à une forme d’Idéal, où se joignent étroitement l’amour, la haine et les savoirs occultes. Ainsi voit-on le jeune Sparyanthis, cet être épris de rêve, de beauté, de volupté et de magie, convoiter son étrange belle-sœur qui, en s’invitant dans ses songes érotiques, a su éveiller en lui « le vertige de l’absolu (18) » qui excède de loin le banal désir de possession charnelle, et qui le poussera d’abord à l’adultère puis à l’acceptation du meurtre de son frère.

Les fidèles lecteurs du Bulletin des Amis de Saint-Pol-Roux savent la sincère et fidèle amitié qui unissait Mauclair au Magnifique (19). Même si le conteur dans cet Amour tragique s’écarte déjà sensiblement des flamboiements du Symbolisme, il convient de voir dans ce recueil tardif une réussite indéniable dans l’art d’approcher en poète, mais par la prose, les splendeurs toujours inatteignables de l’Idéal.
(1) Simonetta Valenti, Camille Mauclair, homme de lettres fin-de-siècle. Critique littéraire, œuvre narrative, création poétique et théâtrale, Milano, Vita e Pensiero, Università, 2003.

(2) Ibid., p. 6.
(3) Voir Camille Mauclair, Le Génie d’Edgar Poe, Paris, Albin Michel, 1925.
(4) On doit à Camille Mauclair huit livres de contes – Les Clefs d’Or, 1897 ; Les Danaîdes, 1903 ; Le Poison des Pierreries, 1903 ; Le Mystère du visage, 1906 ; Âmes bretonnes, 1907 ; L’Amour tragique, 1908 ; Les Passionnés, 1911 ; Au pays des blondes, 1924 – pour seulement sept romans.
(5) On peut ainsi lire en page de titre ces lignes : « Les réalités du monde m’affectaient comme des visions, et seulement comme des visions, pendant que les idées folles du pays des songes devenaient, non seulement la pâture de mon existence quotidienne, mais positivement cette unique et entière existence elle-même. » (Camille Mauclair, Les Clefs d’Or, Paris, Paul Ollendorff, 1897, n. p.)
(6) Cité dans André Fage (sous la direction de), Anthologie des Conteurs d’aujourd’hui, textes choisis accompagnés de notices bio-bibliographiques par André Fage, Paris, Librairie Delagrave, collection « Pallias », 1924, p. 316.
(7) Camille Mauclair, L’Amour tragique, Paris, Calmann-Lévy, 1908.
(8) Camille Mauclair, « L’Amateur d’émotions », ibid., p. 171-180. Comment ne pas voir un hommage à la fois à Poe et à Baudelaire à travers ce personnage qui avoue au
narrateur : « j’adore la rue, j’y espère toujours quelque chose. Et puis je suis maniaque d’observations » ? (Ibid., p. 173.)
(9) Camille Mauclair, « Préface », ibid., p. II.
(10) Camille Mauclair, « Le Cœur illogique », ibid., p. 229.
(11) Camille Mauclair, « L’Adieu nocturne », L’Amour tragique, op. cit., p. 233-240.
(12) Ibid., p. 236.
(13) On ne saurait mettre en doute en effet la profonde sensibilité musicale de Mauclair, ni sa réelle admiration pour l’œuvre de Richard Wagner, comme peuvent en témoigner les différentes études et réflexions rassemblées dans : La Religion de la Musique, 19009 ; édition définitive : Paris, Librairie Fischbacher, 1928, 350 p. Dans sa préface, l’auteur se définit lui-même comme « un auditeur passionné », un poète pour qui « la musique est une passion ». (Camille Mauclair, « Préface », ibid., p. III.)
(14) Camille Mauclair, « L’Adieu nocturne », op. cit., p. 236.
(15) Ibid., p. 239.
(16) Ibid., p. 240.
(17) Camille Mauclair, « Le Poison des pierreries », ibid., p. 97-170. Ce conte fit d’abord l’objet, en 1903, d’une publication indépendante, sous forme d’un livre luxueusement illustré par Georges Rochegrosse.
(18) Ibid., p. 131.
(19) Cf. Mikaël Lugan (éd.), Les Reposoirs de la Procession (Deuxième série) et la critique, Bulletin des Amis de Saint-Pol-Roux, n° 3, 2009, p. IX-XII & LVIII.

Portrait de Camille Mauclair,
par Lucien Lévy-Dhurmer
***

L'ADIEU NOCTURNE

(p. 233-240)

par Camille MAUCLAIR

Sur la terrasse de la villa, par les bougies, l’étincellement de l’argenterie, des broderies et des cristaux ; la table était une grande floraison de lumière jaillie et perdue au sein des feuillées ténébreuses. Le ciel pâle et presque indiscernable, après cette chaleureuse journée et cet ardent crépuscule, recélait un orage dont les rumeurs lointaines tressaillaient au fond de l’horizon avec une douloureuse beauté. Au delà de la balustrade, on distinguait vaguement l’amoncellement des bois qui descendaient jusqu’à la Seine, et une lueur à l’Est, immense et morne, évoquait Paris étendu derrière les collines. L’odeur et la saveur de la nuit pénétraient les âmes, et les convives ne parlaient presque plus.

Ils étaient là quelques-uns, écrivains ou artistes, groupés autour de la brune Ellen Méreuse, la cantatrice aux yeux tragiques qui venait de triompher une fois de plus, la veille, à l’Opéra, et dont l’étrange génie avivait leur goût de mélomanes. A demi renversée dans un fauteuil, Ellen, nue en des satins clairs, était admirable ; en silence ils la regardaient avec ferveur, sans troubler la songerie amère que révélait le pli de ses lèvres. L’oppression de l’atmosphère électrique était profonde, et avec l’or des vins dans les coupes fragiles, un peu de rêve, dédaigné, miroitait. La solennité de l’obscurité était si poignante, que nul des convives n’avait pensé à la profaner par des anecdotes ou des ironies : tous étaient rendus à la beauté, à eux-mêmes, par le spectacle de cette femme scintillante dans le mystère de la nature et de la nuit. L’un d’eux venait de dire quelques poèmes mélancoliques et subtils dont l’impression planait encore, lorsque Ellen Méreuse se redressa :

– Je veux chanter, dit-elle.

Certains protestèrent discrètement :

– Vous allez vous fatiguer, chère amie. Vous êtes surmenée. II était bien convenu que nous ne serions ici, ce soir, que pour vous seule, et non pour votre voix...

Elle sourit :

– Je sais, oui, mais je veux... Je sens qu’il faut... Bussère, accompagnez-moi Tristan. Je resterai ici, devant l’ombre, pour chanter...

Le jeune homme se dirigea vers la baie du hall qui s'ouvrait de plain-pied sur la terrasse. Les autres se reculèrent, laissant libre la cantatrice, statue de clarté aux yeux sombres, tournée vers les ténèbres, près de la balustrade qui dominait le paysage invisible. On entendit l'ardent et furieux prélude du piano, ou haletait la rumeur marine : Isolde jeta son cri de colère souveraine :

Qui me fait cette injure? Brangaine, est-ce toi?…

Et le magnétisme du chef-d’œuvre, s’accordant à celui de l’orage lointain, étreignit les cœurs, tandis qu'Ellen Méreuse s’abandonnait aux vertiges de la sauvage et grandiose harmonie. Oubliant tout, elle se mit à marcher sur la terrasse comme sur le pont du navire de Cornouailles, et le groupe des rêveurs frémissants regardait errer cette grande forme marbrée de tremblants reflets sur laquelle, selon les hasards et les sursauts de la marche, les bougeoirs jetaient des alternatives de ténèbres et d’or.

C’était à Tristan de parler et, après une pause, Bussère allait en transposer le récit, lorsqu'on entendit au loin, distinctement, la sonorité d’un autre piano qui préludait.

Tous frissonnèrent. C’était comme une réponse. Le son venait de quelque autre villa située dans les bois descendant jusqu’au fleuve. Les accords très nettement apportés par l'atmosphère surchargée d’effluves prononcèrent les premières notes qui soulignent les paroles de Tristan. Puis une voix d’homme chanta – et ce chant, parvenant dans l’épaisseur des feuillages comme si l’ombre elle-même se fut fait vivante, parut surnaturel et terrible. Tous les convives regardèrent devant eux dans l’opaque noirceur, puis reportèrent leurs yeux sur Ellen Méreuse. Elle s’était avancée jusqu’au balcon de pierre, et, les deux mains crispées, le buste penché, au moment où commence l’immortel dialogue, elle jeta au gouffre nocturne la réponse. Le duo extraordinaire commença entre Isolde et son invisible amant.

Un vent frais s’éleva tout à coup, si brusque qu'il souffla plusieurs bougies: d’autres se mouraient déjà, on n’y vit presque plus. Ellen, dans le bouleversement de ses draperies, sembla une reine farouche révoltée contre elle-même et sentant gronder en son âme le noroit qui pleurait sur la mer. Tristan, au fond de la nuit, parlait : le philtre versé les conviait à mourir, mais subitement c’était l’amour, plus effrayant, plus total que le néant, qui les enveloppait de sa vague où ils s’effondrèrent avec un grand cri !

Les amis d’Ellen, immobiles, glacés par l’émotion nerveuse, songeaient muettement. L’interprète inconnu était un maitre. Il ne chantait pas comme un professionnel, mais comme un compositeur doué d’une voix. Qui pouvait-il être ? Ils cherchaient à reconnaitre le timbre, ou a présumer, d’après la direction, l’artiste habitant dans les villas d’alentour. Mais peut-être n’était-il que de passage, pour ce seul soir où le caprice de leur amie, consentant à son audacieuse invite, lui donnait la réplique au delà des ombres. Soudain, comme elle venait de chanter à se briser la poitrine et se tournait vers eux, livide de sa fiévreuse frénésie, profitant d’une pause, plusieurs osèrent parler :

– Arrêtez-vous, amie, vous vous tuez. Cette belle fantaisie doit finir...

Elle les considérait, roidie, transfigurée. Avec un rire aigu elle répliqua :

– Mais non, je le suivrai tant qu’il voudra ! Il chante et s’accompagne admirablement, cet inconnu. Et puis cette aventure bizarre et belle me plait...

Le piano continuait au loin. Elle saisit le bras de Bussère et, penchée, dit très bas :

– Ils ne savent pas, mais à vous je puis dire... Vous ne reconnaissez donc pas cette voix, vous ne comprenez donc pas que c’est lui qui chante... lui, Maxime... Nul chanteur au monde ne serait un tel Tristan... Et je sais bien qu’il m’a reconnue, lui, qu’il me sait là...

Bussière recula, pensif, troublé. Des souvenirs en lui revécurent. Maxime Hersent, le grand musicien, avait été l’amant d’Ellen Méreuse. Quatre ans auparavant, ils s’étaient séparés. Ellen avait été cruelle : très jalouse, révoltée par une trahison passagère, elle avait rompu silencieusement, laissant une lettre brève et méprisante, sourde aux supplications d’Hersent. Jamais ils ne s’étaient revus, jamais elle n’avait aimé depuis, mais l’orgueil avait prévalu : l’infidèle repentant n’avait même pas eu la consolation déchirante d’un adieu. Bussère se rappelait maintenant les intonations spéciales de cette voix dont Hersent joignait le prestige à son génie de pianiste. Ellen l’avait tout de suite reconnue. Le hasard, ce soir, remettait en présence non leurs corps mais leurs âmes : elles se réconciliaient dans la beauté, la nuit les purifiait des anciennes rancunes...

Et la scène sublime ainsi continua. Les deux voix éperdument atteignirent au degré où la beauté, l’amour et la douleur ne sont plus qu’un même ange. Stupéfaits, les amis d’Ellen Méreuse la croyaient séduite par l’aventure romanesque, emportée par la passion du wagnérisme, énervée et exaltée par l’oppressante nuit. Mais elle ne soupçonnait plus leur présence, et seul Bussère savait la vraie raison de cette délirante volupté qui la jetait vers l’insondable néant de la forêt. Dans la splendeur de la passion, elle communiait avec Hersent, elle lui criait désespérément l’adieu qu’il avait mendié vainement jadis, au delà du temps, de l’espace et de leur vie mortelle.

Tous deux en vinrent enfin à l’inoubliable question : « Tristan, faut-il vivre ? » Sanglotée par Ellen, elle s’acheva dans un spasme, et ce fut un grondement de tonnerre qui répondit. L’orage s’était brusquement rapproché, les lumières moururent toutes, on s’empressa, dans la crainte de l’averse imminente, parmi le désordre des ténèbres et de minuit.

Comme tous, vibrants, courbés sous la compréhension d’une puissance insolite, rentraient dans le hall sans oser parler de l’artiste inconnu, ni féliciter ou blâmer leur amie, Ellen Méreuse, les cheveux épars, le visage convulsé, leur apparut, épuisée, farouche, avec sa tête baissée et ses bras minces et blancs qui tremblaient étendus et elle leur dit, d’une voix rauque et basse :

– Plus rien... ne parlez plus maintenant... Je ne puis plus, je ne sais plus... Allez-vous-en...

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Nota : Les contributions d'Eric Vauthier seront recueillies dans les prochaines livraisons du Bulletin des Amis de Saint-Pol-Roux.

lundi 15 juin 2009

Une dédicace et un clin d'oeil à Eric D.

L'excellent Préfet maritime nous donnait aujourd'hui des nouvelles de l'éditeur Jacques Povolozky en son Alamblog. C'est l'occasion pour moi de présenter en vitesse une de mes dernières acquisitions, qui, dans le même temps, augmentera notre série de dédicaces amusantes ou significatives (se reporter ici & ). Il s'agit d'un recueil de Nicolas Beauduin : SIGNES DOUBLES, "achevé d'imprimer le vingt Mai mil neuf cent vingt et un par Louis Narbonne, Imprimeur à Pamiers (Ariège), pour J. POVOLOZKY, Edit. à Paris". Le volume est sous-titré "Poèmes sur 3 plans". Il ne serait sans doute pas inutile de rappeler qui fut Nicolas Beauduin, poète d'avant-garde et animateur de belles revues (Les Rubriques Nouvelles, La Vie des Lettres), animateur du paroxysme, qui s'essaya, après-guerre, au simultanéisme. Mais différemment de Fernand Divoire ou d'Henri-Martin Barzun. SIGNES DOUBLES en est un exemple assez étrange. Oui, il faudrait s'y arrêter plus longuement, mais je n'en ai guère le loisir aujourd'hui.


Je me contenterai donc d'en signaler les particularités bibliophiliques. Mon exemplaire est le n°174 des 300 tirés sur papier pur fil Lafuma (seul papier), numérotés et signés à la main par l'auteur. Il est adorné d'une dédicace tout à fait intéressante, puisque l'ouvrage fut adressé par Nicolas Beauduin "A André Breton / En sincère sympathie". L'envoi peut étonner car on ne rencontre guère, me semble-t-il, le nom de Beauduin dans les écrits de Breton, et à peine plus dans les histoires du surréalisme. Il apparaît toutefois à deux reprises dans l'incontournable Dada à Paris de Michel Sanouillet (Flammarion, 1993) ; d'abord comme directeur de La Vie des Lettres, écrivant à Picabia les 3 et 19 janvier 1921 : "J'ouvre franchement ma revue au mouvement Dada qui est le plus vivant, le plus agissant de tous. C'est un courant, ce n'est pas une école, il est mondial et il emportera toute la génération. Croyez à ma prophétie" ; puis comme signataire de la résolution de défiance à l'égard de Breton, alors maître-organisateur du congrès de Paris, le 17 février 1922. L'envoi de SIGNES DOUBLES intervient entre ces deux dates, soit dans une période au cours de laquelle l'auteur de Mont de Piété s'éloigne progressivement de Tzara et du mouvement Dada.

Que put bien penser André Breton de SIGNES DOUBLES ? Nicolas Beauduin l'intéressait-il seulement ? Une première indication : le recueil ne fut pas coupé, donc, pas lu. Deuxième indication : l'exemplaire porte l'ex-libris de Marcel Bekus, qui mourut en 1938 - sous-entendant que SIGNES DOUBLES fut cédé ou vendu au collectionneur par Breton entre 1921 et 1936. Non, décidément l'avant-gardiste Nicolas Beauduin devait avoir pour l'imminent surréaliste une avant-garde de retard. Le simultanéisme, que, d'une certaine manière, purent investir certains dadaïstes, n'était pas une voie que le Surréalisme allait à son tour emprunter.

Nota : Pour plus de renseignements sur Nicolas Beauduin (mais je ne manquerai pas d'y revenir moi-même), qu'on lise Devanciers du Surréalisme. Les groupes d'avant-garde et le mouvement poétique 1912-1925, par Léon Somville (Droz, 1971), ouvrage capital.

Nota' : Je signale, battant ma coulpe de ne pas l'avoir fait dans mon billet consacré aux bibliographies des petites revues, que l'Alamblog donna aussi d'importantes bibliographies de revues (Bizarre, Roman) et d'éditeurs, dont une, in progress, de Jacques Povolozky. SIGNES DOUBLES y figure déjà, avec Les Enfants des Hommes, mystère & L'Homme cosmogonique, mais signalons un autre recueil de Nicolas Beauduin, édité par Povolozky, qui manque au relevé effectué jusqu'ici : Rythmes et Chants dans le Renouveau (signalé dans la liste des ouvrages "du même auteur").

Nota'' : Je rappelle que vous pouvez toujours m'envoyer vos dédicaces ou envois étranges, cocasses, amusants, pertinents, etc., à harcoland(at)gmail.com.

dimanche 14 juin 2009

Deux recensions du "Bulletin des Amis de Saint-Pol-Roux" dans les derniers numéros d'HISTOIRES LITTERAIRES


Personne n'ignore ou ne devrait ignorer que la revue trimestrielle Histoires littéraires, consacrée entièrement, comme l'indique son sous-titre, "à la littérature française des XIXe et XXe siècles", est la plus essentielle des revues. J'aime que ses fondateurs, rien moins que Jean-Jacques Lefrère & Michel Pierssens, en aient pluralisé le titre, car il est aussi absurde de parler d'une Histoire littéraire que de croire en une Vérité. En ce domaine-là, comme en ce domaine-ci, qui ont partie liée, l's est de mise. L'historiographie, toute éprise d'objectivité a priori, n'est jamais qu'une raconteuse d'histoires, et à ce titre, une nécessaire simplificatrice sacrifiant à l'efficacité narrative. Ne s'agit-il pas, en fin de conte, d'enseigner quelques repères essentiels à notre lycéenne jeunesse ? Bref, les mouvements, les auteurs, les oeuvres qui comptent. Au détriment souvent de ceux qui ont compté et de la complexité même du champ littéraire, des champs littéraires. Ainsi souvent, parce qu'elle est narration, l'histoire de la littérature est-elle une succession commode d'étiquettes : romantisme, réalisme/naturalisme, parnasse, symbolisme, dada, surréalisme, etc., l'avènement de l'une sonnant la mort de l'autre. Si seulement c'était si simple. Eh bien, nous y verrions plus clair, mais avec quel ennui ! Il y a longtemps déjà, je donnais un billet sur le sort historiographique fait à Saint-Pol-Roux par quelques manuels célèbres. Que le lecteur s'y reporte s'il désire un exemple plus précis de cette complexité historiographique.

Les rédacteurs d'Histoires littéraires, eux, ne tombent pas dans le panneau ou la facilité. Non, ils sont trop exigeants. Aussi, la revue, qui propose fréquemment de beaux dossiers dédiés à un auteur, à une problématique ou à un mouvement, mêle-t-elle articles de fond et documents rares ou inédits, en plus d'un panorama assez exhaustif des publications nouvelles, des dernières ventes, etc. ; et, chose rare, trop, l'internet n'y est pas oublié. Née en 2000, la revue en est à son 37e numéro. Je ne m'y suis abonné que très-récemment et ma collection est encore fort lacunaire, mais, petit à petit, je la complète et, un jour viendra où je pourrai m'enorgueillir de posséder la plus intéressante histoire littéraire qui soit, celle qui, justement, ne m'en raconte pas.

On comprendra, dès lors, aisément que l'intérêt que je porte à la revue me rend particulièrement fier de trouver dans ses dernières livraisons deux encourageantes recensions du petit Bulletin des Amis de Saint-Pol-Roux. Ce fut, d'abord, dans le n°36, consacré à Jules Laforgue, Raymond Roussel, Olivier Barot, Francis Lacassin, etc., un compte rendu du premier essai. Le voici :
"Saint-Pol-Roux. Bulletin des Amis de Saint-Pol-Roux, n° 1, 2008, Les Reposoirs de la Procession (1893). Dossier de réception, (Mikaël Lugan, 33 rue Montpensier, 64000 Pau ; 18 p., 6 €). Mikaël Lugan a réuni les textes critiques ayant salué la parution du tome premier des Reposoirs de la Procession en 1893, tome qui devait être déconstruit et redistribué dans les trois volumes définitifs de l’ouvrage entre 1901 et 1907. De Lucien Muhlfeld à Gourmont, d’un rapide bulletin bibliographique dans Le Figaro à l’exposé laudatif du Mercure de France, tous saluent l’inventivité des images du « Magnifique ». Comme le note Mikaël Lugan, ses critiques n’arrivent cependant pas à sortir d’une vision rhétorique de l’image, ce qui leur rend les métaphores créatrices de Saint-Pol-Roux à jamais obscures : ces « rébus » que croient lire Marc Legrand dans L’Ermitage, d’un art « qui rappelle la virtuosité un peu sèche d’un japonais du dernier siècle », sont le signe d’une distance infranchissable entre l’auteur et son critique. On attend le dossier de réception de La Dame à la Faulx et l’essai de reconstitution de la bibliothèque de Saint-Pol-Roux que promet Mikaël Lugan dans les prochaines livraisons."
Puis, dans le suivant, qui contient un fort dossier consacré au Surréalisme, avec notamment la reproduction des lettres inédites d'André Breton au beau poète Jean-Pierre Lassalle, celui du n°2 :
"Saint-Pol-Roux. Bulletin des Amis de Saint-Pol-Roux n° 2, 2008, La Dame à la faulx (33 rue Montpensier, 64000 Pau ; 66 p., 9 €). Après celui des Reposoirs de la procession, voici le dossier de réception de La Dame à la faulx, beaucoup plus volumineux. Depuis le premier écho dû à Jules Huret dans Le Figaro jusqu’aux souvenirs d’Édouard De Max rapportés en 1917, nombre de bons esprits de l’époque ont défendu cet « énorme et éblouissant rêve d’épopée tragique » – selon les mots de Catulle Mendès – sans parvenir à l’imposer sur scène ou même en librairie. Mikaël Lugan annote avec sobriété ces comptes rendus, mais il avoue savoir « peu de choses » sur Jean Héritier, auteur, en 1912, d’un article sur La Dame à la faulx dans Les Rubriques nouvelles. Le travail entrepris par ce Bulletin est précieux et l’on en félicite le responsable."
Voilà des appréciations qui nous obligent à poursuivre nos efforts et à soigner plus encore cette publication. L'occasion est bonne, sans doute, d'annoncer la parution du prochain numéro, le quatrième, entre le 1er et le 15 juillet, et d'éventer quelques informations sur son contenu. Plus volumineux encore que les précédents, il sera dédié à "l'impossible représentation de La Dame à la Faulx", soit aux tentatives déçues de Saint-Pol-Roux pour faire représenter son drame à la Comédie Française de Jules Claretie, au Théâtre des Arts de Jacques Rouché, à l'Odéon d'Antoine ; un petit dossier suivra qui contiendra quelques pièces relatives à l'aventure du Théâtre Idéaliste de Carlos Larronde, le seul qui fera jouer deux pièces du poète, de son vivant. Le Bulletin, en outre, se verra enrichi de deux contributions de poids : celle, d'abord du peintre Tristan Bastit, qui m'a fait le réjouissant honneur d'illustrer cette livraison ; celle, ensuite, d'Eric Vauthier qui inaugurera une nouvelle rubrique : le coin des conteurs. Il y versera, en excellent spécialiste du récit bref, des articles sur des recueils de contes ou nouvelles signés de contemporains et/ou amis de Saint-Pol-Roux. Le premier d'entre eux sera ainsi consacré à L'Amour tragique de Camille Mauclair (Calmann-Lévy, Paris, 1908) ; et, une bonne nouvelle ne venant jamais seule, j'annonce dès aujourd'hui qu'on pourra le lire en avant-première d'ici la fin de la semaine prochaine sur ce blog, suivi de "L'Adieu nocturne", un des contes de ce beau recueil méconnu. En attendant, je rappelle que ce quatrième Bulletin, à moins d'avoir contracté un abonnement à compter du deuxième, sera en vente exclusivement au numéro. Pensez d'ores et déjà à réserver votre exemplaire par mail à harcoland(at)gmail.com.

samedi 6 juin 2009

Quelques outils pour le chercheur & l'amateur : les bibliographies de petites revues

On commence à connaître mon goût pour les bibliographies. Le visiteur fidèle en a rencontré quelques menues sur ce blog. Citons, pour mémoire, celle des titres de Saint-Pol-Roux parus aux éditions Rougerie, et celle des oeuvres de Jean Royère, à laquelle je viens d'ajouter deux titres. On connaît aussi mon goût pour les "petites revues" tant sont rares les billets qui n'en citent pas une ou deux, ou trois. Il est vrai qu'elles jouèrent un rôle considérable dans l'époque qui nous occupe et qu'elles se multiplièrent plus vite que la bonne parole du bonhomme aux paraboles. Ce qui rend la progression du chercheur emmi cette jungle de feuilles éphémères et de papiers fragiles bien ardue. Heureusement, de rares vaillants ont entrepris - ô double joie ! - de les répertorier dans d'indispensables volumes. Il m'a semblé qu'il serait juste et bon de leur rendre hommage en rappelant ici leurs travaux, qui, si souvent, ont facilité et facilitent les nôtres.

Le premier d'entre eux, le pionnier, n'est pas inconnu, puisqu'il s'agit de Remy de Gourmont, qui donna d'abord son "essai de bibliograhie" des petites revues dans quatre livraisons d'une... petite revue : la Revue biblio-iconographique, de mars à juin 1899. Elle parut l'année suivante en plaquette, au Mercure de France.


Les premières revues - en dehors de quelques titres précurseurs, comme cette Revue des Lettres et des Arts de Villiers de l'Isle-Adam - que Remy de Gourmont retient coïncident avec la naissance ou les premières manifestations du Symbolisme. On ne s'en étonnera guère. Et l'auteur, dans sa préface, en rappelle l'importance, exemples à l'appui : "jamais, à aucun moment de leur carrière, ni Villiers, ni Verlaine, ni Mallarmé, ni Laforgue ne publièrent leurs oeuvres que dans des revues dont quelques-unes furent si petites que leur nom est devenu une énigme." Et, au cas où ces quatre noms ne suffiraient pas à prouver que l'essentiel s'est joué dans ces audacieuses publications périodiques, Gourmont compare, pour les années 1886-1887, les collaborateurs de l'imposante et sur-officielle Revue des Deux-Mondes et ceux de la jeune Revue indépendante :
"Du côté petite revue, on trouve : Tolstoï, Bourget, Barbey d'Aurevilly, Huysmans, Wyzewa, Laforgue, Mallarmé, Anatole France, Villiers de l'Isle-Adam, Mirbeau, E. de Goncourt, H. Lavedan, L. Descaves, Th. de Banville, G. Rodenbach, E. Verhaeren, Paul Hervieu ; - et de l'autre, du côté grande revue : Rabusson, Broglie, Charmes, Lavisse, Bellaigue, Theuriet, Rousset, Jusserand, Bentzon, Du Camp, André Lemoyne, Delard, Cherbuliez, Georges Duruy, Georges Lafenestre, Vogüé, Brunetière, Ganderax, Moireau, Frédéric Houssay, Victor du Bled. Cela donne à réfléchir."
La plaquette recense près de 130 titres classés par ordre alphabétique. Pour chacun, sont précisés : le titre, le directeur et/ou le rédacteur en chef, l'adresse, la fréquence de parution, le nombre de pages, le format, la date du premier numéro, et pour certains les principaux collaborateurs. Le nom de Saint-Pol-Roux apparaît ainsi dans les notices consacrées à L'Art Littéraire de Louis Lormel, Le Livre d'Art de Paul Fort, Le Moderniste de G.-Albert Aurier, La Pléiade de Darzens. Il aurait dû figurer dans quelques autres, citées. "Il faut espérer, disait Gourmont de son essai, qu'il sera complété et continué". Il n'y eut rien avant longtemps. Il faut noter tout de même quelques tentatives de catalogue utiles : celle d'Ernest Raynaud qui, en fin de ses volumes de La mêlée symboliste, dressa des "éphémérides poétiques" répertoriant chronologiquement, avec plus ou moins de justesse et d'exhaustivité, les apparitions de revues entre 1870 et 1910. ; celle, aussi, de la revue Belles-Lettres de décembre 1924, qui, à la suite de l'intéressante enquête consacrée aux "revues littéraires d'avant-garde" en donna une liste chronologique de 1872 à 1914. Bien que ces deux essais, moindres, se contentassent de préciser directeur du périodique et année de parution, ils permettaient néanmoins de compléter un peu le travail de Remy de Gourmont. Mentionnons également la thèse de Noël Richard, Louis Le Cardonnel et les revues symbolistes (Privat, Toulouse, 1946), qui présente une vingtaine de publications rhodaniennes et parisiennes auxquelles l'abbé-poète collabora.

Il faudra attendre 1956 et le répertoire descriptif de Roméo Arbour, Les Revues Littéraires éphémères paraissant à Paris entre 1900 et 1914, pour que le chercheur entre enfin en possession d'une suite digne de la bibliographie gourmontine. On peut déplorer le double arbitraire qui a présidé à la constitution de ce répertoire : arbitraire géographique qui limite la sélection à Paris, alors que l'époque est justement à la décentralisation littéraire ; arbitraire de durée de vie qui limite la sélection aux revues n'ayant pas vécu plus de quatre ans (pourquoi quatre ans, et pas trois ou cinq ?). Mais il fallait bien que l'auteur se fixât quelques contraintes, tant la tâche qui consisterait à réaliser une bibliographie exhaustive de toutes les petites revues nationales à dominante littéraire ayant paru entre 1870 et 1940 semble herculéenne. Aussi peut-on simplement regretter, après réflexion, que Roméo Arbour n'ait pas donné à son répertoire deux autres tomes complémentaires qui se seraient intitulés : Les Revues Littéraires éphémères paraissant en Province entre 1900 et 1914 et Les Revues Littéraires durables paraissant à Paris et en Province entre 1900 et 1914.


Reste que l'auteur a répertorié 185 titres et qu'il a eu la bonne idée d'adopter la méthodologie de Remy de Gourmont et de la développer. Ainsi, en plus des précisions données précédemment, figurent date du dernier numéro, changements de rédaction et fusions s'il y a lieu, résumé générique du contenu, cotes de bibliothèque ; et la liste des collaborateurs devient plus systématique et mieux détaillée. Prenons, pour illustration, une notice au hasard - ou presque -, celle des Marches du Sud-Ouest :
79. LES MARCHES DU SUD-OUEST. Revue régionaliste d'action d'art. In-Fol. Mai 1911 (n°1) - déc. 1911. Dir. : Olivier Bag, 6, rue d'Ulm, Paris (5e). En fév. 1912, fusionne avec d'autres revues pour former LA REVUE DE FRANCE ET DES PAYS FRANCAIS.
CONTENU : Poèmes, études littéraires, artistiques et critiques, récits, chroniques. Juin 1911 : enquête sur Vielé-Griffin. Illustrations de Le Fauconnier, Albert Gleizes, Fernand Léger, Delaunay.
PRINC. COLLAB. : Roger Allard, Olivier Bag (Hourcade), Jean-Marc Bernard, Léon Deubel, Carlos Larronde, Louis Mandin, Louis Pergaud, Onésime Reclus, Han Ryner, Léon Vérane, T. de Visan.
[BN : Jo. 60140 (juin 1911)]
Et pour suivre notre fil rouge, signalons que Saint-Pol-Roux est mentionné à deux reprises, seulement : aux sommaires du Montjoie de Canudo et de La Vogue de Tristan Klingsor.

Quatorze ans plus tard, Richard L. Admussen décida de donner une suite au travail de ses prédécesseurs, dont il signale l'importance dans sa préface, en publiant, chez Nizet, son "répertoire descriptif" des Petites Revues Littéraires (1914-1939). S'il ne change rien à la méthodologie développée par Arbour, il ouvre légèrement son champ d'investigation, évaluant l'éphémérité d'une revue à cinq ans et non plus à quatre, et y intégrant "les revues de la province et de l'étranger les plus importantes".


Dès lors, ce sont 269 titres qui sont répertoriés, sur vingt-cinq ans. L'index est intéressant à observer ; on y voit clairement se dessiner un changement de génération et le bouleversement du champ littéraire avec l'entrée en force des dadaïstes et des surréalistes dans la petite république des lettres. Leurs collaborations y sont, en effet, nombreuses, qu'elles concernent leurs propres publications - car ces jeunes révolutionnaires avaient le génie de la petite revue - ou d'autres. Comptons par exemple les apparitions de : Pierre Albert-Birot, 18 ; Louis Aragon, 21 ; Céline Arnauld, 18 ; Hans Arp, 15 ; André Breton, 27 ; Robert Desnos, 14 ; Paul Eluard, 25 ; Ivan Goll, 17 ; Max Jacob, 38 ; Benjamin Péret, 13 ; Francis Picabia, 15 ; Pablo Picasso, 13 ; Pierre Reverdy, 27 ; Georges Ribemont-Dessaignes, 29 ; André Salmon, 31 ; Philippe Soupault, 29 ; Jules Supervielle, 33 ; Tristan Tzara, 28. Une nouvelle génération, qu'accompagnent quelques grands frères en poésie, et qui chasse la précédente, qu'on qualifiera par commodité de symboliste. Les Gustave Kahn, Vielé-Griffin, René Ghil, Mauclair sont bien moins sollicités par les revuistes de l'avant-garde littéraire, quand Verhaeren et Moréas disparaissent des oublieuses mémoires de la jeunesse dans le même temps que, posthumément, Apollinaire continue de collaborer suractivement aux feuilles nouvelles. Des aînés, ne surnagent plus que Han Ryner (avec 14 collaborations), dont la pensée libertaire trouva une caisse de résonnance dans la France de l'après-guerre, Paul Valéry (avec 21 collaborations), au-dessus des mêlées, et Saint-Pol-Roux (avec 11 collaborations), qui bénéficia de la percée surréaliste et put, dans les années 1920, apparaître comme l'éternel précurseur des tendances nouvelles. Ainsi, son nom se retrouve aux sommaires de : Aguedal d'Henri Bosco et alii, Le Grand Jeu de Gilbert-Lecomte, Daumal, Vaillant et Sima, Intentions de Pierre-André May, Les Lettres parisiennes de Georges Pillement, La Ligne de Coeur de Julien Lanoë, Le Mail de Marcel Abraham, Le Pain blanc de Michel Manoll, La Phalange de Jean Royère et Armand Godoy, Le Pont Mirabeau de Marcel Castay, La Revue de l'Epoque de Marcello-Fabri, Yggdrasill de Guy Lavaud.

J'ignore si la Bibliographie des Revues et Journaux littéraires des XIXe et XXe siècles, par Jean-Michel Place et André Vasseur (Editions de la Chronique des Lettres françaises, 1973-1977), ne devait comporter que les trois volumes qui ont finalement été publiés et qui couvrent les années 1840 à 1930. "Qui couvrent" n'est sans doute pas la formulation idoine, puisque les auteurs ne sont guère parvenus à l'exhaustivité qu'ils s'étaient fixés :
"Le besoin d'une bibliographie des revues se fait de plus en plus sentir, au moment où l'on prend conscience de l'importance littéraire de ces ouvrages, et de l'anarchie qui, ayant longtemps régné dans leur recensement et leur conservation, suscite aujourd'hui de très importants travaux de classement méthodique et de dépouillements systématiques.
Nous publierons, titre par titre, l'histoire, la description matérielle, la collaboration et les sommaires de chacune des revues petites et grandes que le temps a dispersées au fil des ans. Ces études constitueront, nous l'espérons, une source de documentation unique pour tous ceux qui s'intéressent à la vie littéraire."

Un ambitieux et merveilleux programme, qui, s'il ne fut pleinement réalisé, donna naissance à trois beaux volumes dont je ne possède que le premier. Ce n'est pas comme les ouvrages précédents un répertoire, mais une bibliographie descriptive scrupuleusement détaillée. On y trouve à peine quinze revues, choisies dans une période de soixante ans (1840-1898), mais analysées sur près de 350 pages, quand la plus épaisse des précédentes bibliographies ne dépassait pas les 160. Ici, point de question d'éphémère : La Jeune France vécut une bonne dizaine d'années ; ou de centralisation géographique : La Syrinx issait d'Aix-en-Provence et La Coupe de Montpellier. En plus de relever la moindre particularité, les auteurs (car c'est un travail collaboratif) ont reproduit l'intégralité des sommaires et indexé tous les collaborateurs. C'est, absolument, la voie bibliographique à suivre pour tout aventurier chercheur ou autre fol éditeur qui se risquerait à poursuivre ce titanesque labeur. Signalons en passant à nos rubéofilistes que Saint-Pol-Roux figura aux sommaires de La Jeune France de Paul Demeny (sous son nom de baptême) et du Courrier Social Illustré d'André Ibels (sous son nom canonisé).

Ce n'est pas la voie que choisirent de suivre Paul Aron et Pierre-Yves Soucy dans leur ouvrage sur Les Revues littéraires belges de langue française de 1830 à nos jours (Ed. Labor, Bruxelles, 1998). Il s'agit une nouvelle fois d'un répertoire, et une nouvelle fois de haute utilité. Considérant l'ampleur de tel recensement, je serais bien insolent de réclamer qu'on donnât dans une lointaine réédition les noms des principaux collaborateurs de chacun des 1066 titres répertoriés. Il est vrai que les auteurs ne se sont pas embarrassés de contraintes chronologiques, ce qui est louable ; mais d'autres contraintes, plus matérielles, les auront conduits à produire des notices moins détaillées. Je suis néanmoins bienheureux de posséder cet ouvrage et je veux signaler la préface qui fait un nécessaire rappel historique du revuisme belge.


Comme les collaborateurs ne sont pas mentionnés, je dois, pour tirer un peu plus loin notre saint-pol-roussin fil rouge, faire appel à ma mémoire et annoncer que le Magnifique donna de sa plume dans Le Coq Rouge de Georges Eekhoud, La Société Nouvelle de Fernand Brouez, et, plus méconnue, Flamberge.

Ce ne sont là, bien entendu, que quelques outils bibliographiques. Il y en a d'autres, et d'importance, que je me contenterai de signaler en passant :
  • Sur Les Commémorages de Tybalt, le site de Gilles Picq dédié à Laurent Tailhade, on trouve le dépouillement de 212 petites revues et une base de données téléchargeable recensant 368 revues littéraires parisiennes et plus de 2000 collaborateurs.

  • Sur Livrenblog, de nombreux billets sont d'exhaustives bibliographies de petites revues : Le Beffroi (1 & 2), Le Pierrot (1, 2 & 3), La Revue Palladienne (dix premiers numéros de 1948 à 1949), L'Image, en plus des bibliographies consacrées aux livres de souvenirs ou aux biographies.

  • Sur le site des Amateurs de Remy de Gourmont, elles sont nombreuses aussi, in progress, avec une page essentielle consacrée au Mercure de France, une autre à la Revue des Idées, et de multiples autres qu'il faut feuilleter et butiner ici.

  • Sur le blog Han Ryner, il faut lire le billet bibliographique dédié à la belle revue de Paul Redonnel, Les Partisans.

  • Sur le groupe des amis de Saint-Pol-Roux, on entoila aussi quelques pages bibliographiques, parfois incomplètes : La Pléiade de 1886, Le Livre des Légendes de 1895, L'Hémicycle de Pierre de Querlon, Poèmes de France de Paul Fort, Plume au Vent de Jean Royère, André Mora et Charles Tillac, Le Manuscrit autographe de Royère encore, Les Livrets du Mandarin de René-Louis Doyon.

  • Comment ne pas mentionner l'association ent'revues qui publie une Revue des revues des plus utiles ?

  • Signalons aussi les contributions de M. Victor Martin-Schmets à la revue Le Livre & l'Estampe : il y donna, dans les numéros 136, 138, 140, 142, 146 & 147, une Bibliographie analytique des revues littéraires belges. D'après les tables du périodique toujours, Auguste Grisay y analysa également la revue Antée dans le n°101-102, et le Disque vert dans les n°55 à 60.

  • Signalons enfin l'initiative de l'excellente revue L'OEIL BLEU, qui, depuis sa quatrième livraison, dresse la bibliographie d'une revue dont il a été question dans l'un de ses articles de fond. Ont été analysées ainsi : Le Coup de Feu (1885-1889), L'Art Social (1891-1896), Poème et Drame (1912-1914), La revue anarchiste (1893), Le Livre d'art (1896).
Ce sont là des essais, des audaces, qui mériteraient qu'un naïf intégral ou plusieurs semi-inconscients les rassemblent afin d'achever, peut-être sous une forme numérique, l'oeuvre de Jean-Michel Place et André Vasseur. La tâche, bien que folle encore, n'en est-elle pas déjà un peu plus légère ?