mercredi 28 septembre 2011

GARÇON D'HONNEUR !

Lorsque je mentionnai, dans le billet précédent, l'existence de cette mince plaquette, qui fait partie des juvenilia du poète, j'étais loin de penser que, trois jours plus tard, elle aurait rejoint ma bibliothèque. Et pourtant, la voici, qui m'arrive d'une librairie parisienne où je l'ai localisée, après avoir, sans conviction, tapoté sur mon moteur de recherche, dans les minutes qui suivirent la mise en ligne du dernier post, le titre et le nom de l'éditeur. Il faut dire qu'elles sont rares les premières plaquettes, éditées à compte d'auteur chez Ollendorff et Ghio, entre 1882 et 1884, par Saint-Pol-Roux qui ne signait alors que de son vrai nom. Sans doute parce que leur tirage en était relativement limité. Sans doute aussi parce que relevant presque toutes d'un genre à la mode et florissant, le monologue, elles n'avaient pas vocation à être conservées et à devenir des objets bibliophiliques, sauf pour quelques monomaniaques. Voici donc ce Garçon d'Honneur !, in-12 de 24 pages, que le poète a sub-intitulé "Odyssée en vers". On pourra trouver légitimement présomptueuse telle précision générique pour désigner les treize courtes pages d'octosyllabes que dure ce monologue ; mais quand on sait ou quand on lit que ladite "odyssée" est "racontée par M. E. Homerville", premier comique du Théâtre du Gymnase à Marseille, on subodore la galéjade qui mue l'histrion en aède - son patronyme aidant - et le conte-pour-rire en farce épique.

Disons-le tout de suite : cette œuvre de jeunesse est une œuvrette et on y décèlerait difficilement des prémices d'idéoréalisme. Au moins nous renseigne-t-elle sur les ambitions dramatiques du jeune Marseillais qui n'a pas encore découvert le Symbolisme et qui "ne rêva[i]t qu'Odéon et Comédie Française", comme s'en souviendra Jean Ajalbert. L'intrigue tient en peu de lignes : Raphaël, le narrateur, à peine rentré d'Alger où il a passé un an de service militaire, est réquisitionné, quasi de force, par son ami Pichenet pour servir de garçon d'honneur à son mariage ; après avoir surmonté deux ou trois situations cocasses, il découvrira que la mariée n'est autre que sa propre femme ; n'ayant donné de ses nouvelles, on l'avait déclaré mort ; bien entendu, Raphaël se réjouit de sa liberté retrouvée.
L'originalité de la plaquette, comme nous l'avons écrit dans le billet précédent, tient plutôt à ce qu'elle est illustrée de dix dessins de Ricaud. Répétons-le, les collaborations de Saint-Pol-Roux avec les artistes furent rares et méritent d'être recensées. Qui fut ce Ricaud ? Nos recherches, jusqu'ici, n'ont donné aucun résultat. Peut-être un illustrateur marseillais. Paul Roux, après tout, en était originaire ; Homerville y jouait et y créa probablement Garçon d'Honneur ! ainsi que le laisse entendre la dédicace imprimée : "A Monsieur E. Homerville / Souvenir bien reconnaissant et bien affectueux" ; la plaquette, même, y fut imprimée, "chez Blanc et Bernard". L'avenir, sûrement, nous en dira plus sur ce Ricaud.

L'avenir, tout aussi sûrement, nous fournira d'autres occasions de nous réjouir, des occasions - chi lo sa ? - mignonnes comme des plaquettes du prodigue Paul Roux.

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