lundi 13 juin 2011

Lettre à M. Guy Allix pour répondre à sa gentille note me concernant...

Monsieur,
On m'apprend que vous me faites le doux honneur de consacrer aux Féeries Intérieures une note de votre contribution au recueil collectif d'Hommage à René Rougerie paru ce printemps, la même note sans doute que vous publiâtes sur votre site le 12 mars dernier, et que je ne lis qu'aujourd'hui. Certes, j'aurais apprécié - l'orgueil que vous flattez en eût été moins gonflé - un petit mot de vous me signifiant sa mise en ligne ; mais vous vouliez sans doute me laisser la joyeuse surprise de me découvrir insulté sur papier bouffant afnor 5.

Cette note, quelle est-elle ? Vous me permettrez - l'honnêteté le commande - de la reproduire pour empêcher mon manque de rigueur de déformer vos propos. La voici donc :
Au sujet de ces ânes à qui René faisait la fête, je signale le site suivant :
Site d'un "doctorant" au beau nom de Spiritus... Ce ne peut être qu'une antiphrase.

Spiritus donc, appelons-le ainsi par ironie voltairienne, nous "apprend" que René était d'une précocité incroyable :

"C'est une belle histoire que celle de René Rougerie. Il avait débuté dans les lettres comme poète naturellement. J'ai de lui un recueil, préfacé par A.-M. Gossez, Sous les figuiers aux mains pâlies... (Éditions Provinciales et Grande Librairie Universelle), qui date de 1931. Il avait déjà donné A l'ombre de la dune (Gloria, 1928) et Clarines et Bourdons - Choix de poésies mises en musique par l'auteur (Éditions des Roses, 1930). Le volume de poèmes en ma possession témoigne déjà d'un goût prononcé pour le beau livre, pour cet artisanat d'art que sait être encore, parfois, l'édition. Rougerie n'avait laissé à personne d'autre qu'à lui-même le soin d'illustrer Sous les figuiers aux mains pâlies... et il est vrai que ses bois sont charmants." Suit une glose sur Saint-Pol-Roux...

Un premier livre publié à 2 ans (René est né en 1926...) ! A côté de cela, Mozart fait figure d'attardé indécrottable. Sous les Figuiers aux mains pâlies (ça sent le mirliton) est même illustré par l'auteur... âgé alors de 5 ans !!! De même René aurait mis en musique ses poèmes à 4 ans !!! Ah, oui alors, pauvre Mozart !

Apparemment, notre ami Spiritus n'est pas doctorant en maths... Quel crédit accorder alors à sa glose sur Saint-Pol-Roux qui suit dans ce même article quand ce "chercheur" ne s'embarrasse guère de la plus élémentaire vigilance ?

René a pourtant maintes fois rétabli la vérité au sujet de cet homonyme qui n'avait rien à voir avec la poésie qu'il défendait et qui était de la génération d'un Char si ce n'est de Breton sans en avoir assurément le génie.

C'est ainsi, il y en a qui envahissent nos medias en citant Botul, d'autres qui font de René Rougerie un auteur à deux ans ! Comme disait Ph. Meyer, "nous vivons une époque moderne".
En voilà une belle note, Monsieur, qui vous honore au moins autant qu'elle m'honore. Le dernier paragraphe m'enchante, surtout. SPiRitus et ses Féeries Intérieures colonisent donc l'espace médiatique ! Sapristoche, la bonne nouvelle pour Saint-Pol-Roux ! La joie que vous me faites, cher poète ès-médiamétrie ! Comme il est dommage que vous la tempériez, cette joie, par l'injure. Ah, poète - non pas doctorant, mais doctoral - vous connaissez vos tropes ! Le pur esprit que je suis s'en émeut, vraiment...

Car que me vaut cette saillie ? Une erreur naïve, concédons bête, concernant René Rougerie dans un billet du 11 août 2007, et que vous rappelez. J'ai eu le tort de déduire une identité d'une homonymie parfaite. J'ai eu le tort de ne pas me renseigner sur la date de naissance de l'éditeur - donnée qui m'aurait été nécessaire pour effectuer le calcul que vous me reprochez de ne pas avoir su faire. J'ai eu le tort de conclure que Rougerie avait pu être aussi poète, musicien, dessinateur. J'ai eu bien des torts... et j'ai souvenir que cela m'avait valu déjà, de vous, un mail, le 23 septembre 2008, un mail charmant comme on s'en doute, dans lequel vous me reprochiez d'abord la parution du Bulletin des Amis de Saint-Pol-Roux et m'écriviez : "Connaissez-vous Monsieur René Rougerie ? (...) Je vous rappelle que (...) contrairement à ce qui a pu être écrit, il ne publiait pas en 1931 "à l'automne de sa vie" puisqu'il n'avait que cinq ans !". Naturellement, je vous répondis, le soir même. En voici un extrait pour vous rafraîchir l'oublieuse mémoire :
"Je crois n'avoir jamais fait montre d'aigreur ou d'irrespect envers René Rougerie dans mes billets de blog. Je suis même l'un des rares - vous pardonnerez cette vanité - à avoir publiquement célébré le 60e anniversaire des éditions Rougerie : http://lesfeeriesinterieures.blogspot.com/2008/04/cest-le-100e-billet-joyeux-anniversaire.html. Quant au premier billet où il est question d'un René Rougerie poète publiant un recueil en 1931, c'est une erreur qu'on ne m'a signalée que récemment et que je n'ai pas encore eu le temps de corriger ; le lien entre les deux homonymes était si manifeste que je n'ai pas cherché plus loin, bêtement, j'en conviens."
De ma bourde, donc, vous aviez déjà l'explication, mais vous n'en eûtes cure à l'évidence. C'était votre droit, comme il était de votre droit de manquer aussi de cette vigilance - Ah, cher voyant, comme vous vous mettez le doigt dans l’œil ! - qui, selon vous, me fait tant défaut, car vous auriez alors pu au moins préciser dans votre note que, suite à votre mail si sympathique, j'avais apporté, dans mon billet du 10 novembre, une rectification qui dissociait les deux homonymes. Cela eût été faire preuve d'honnêteté. Au lieu de cela, vous avez préféré, trois ans plus tard, publier sans les nuancer de ma réponse et de la rectification qui s'en suivit, les reproches que vous me fîtes si délicatement en privé ce 23 septembre 2008. Et avec quelle mauvaise foi ! Car enfin, non seulement j'étais censé ne pas ignorer l'année de naissance de René Rougerie, mais j'aurais dû aussi lire tous ses entretiens, tous ses articles, dans lesquels "maintes fois [il] rétabli[t] la vérité au sujet de cet homonyme" ! Où donc avez-vous vu, Monsieur, que ce blog était dédié à la vie et à l’œuvre de René Rougerie ? Il n'aura pas échappé à votre vigilance que le nom de Saint-Pol-Roux y apparaît bien davantage ; ainsi va ma nature, je m'attache beaucoup plus à la vie et à l’œuvre des poètes qu'à celles des éditeurs - vous m'excuserez, en passant, de me désintéresser de votre date de naissance.

Que vous mettiez en cause ma rigueur et ma vigilance concernant M. René Rougerie, soit ! la raison est pour vous, puisque l'erreur était mienne. Mais que vous usiez de cette confusion pour jeter le discrédit sur les lignes qui la suivent et concernent l'essentiel, voilà qui est un peu rude ! "Quel crédit accorder alors à sa glose sur Saint-Pol-Roux... ?" demandez-vous. Et dans cette interrogation, sans doute, réside le véritable enjeu de votre mépris. Car que trouve-t-on dans cette glose ? Rien de moins que quelques retours sur des approximations ou erreurs commises par René Rougerie dans sa préface aux Ombres tutélaires. Crime de lèse-majesté, mais en quoi la fidélité - pour vous -, le respect - pour moi -, doivent-ils rendre aveugles ? Oui, Monsieur le poète Guy Allix, lisez-la cette glose, relisez-la, donnez-la à lire et à relire à tous les spécialistes que vous voudrez, étudiez-la, retournez-la dans tous les sens, ayez cette honnêteté-là de la mettre à l'épreuve de votre feu, si prompt à surgir et à bégayer, et lorsque vous en serez venu à bout, vous conclurez peut-être que j'ai mis dans cette glose un peu de la rigueur et de la vigilance qui manquèrent à René Rougerie lorsqu'il rédigea sa préface.

J'ai bien peur, hélas, que vous n'en vouliez rien voir. Au moins aurais-je répondu publiquement à votre public mépris. Âne, je suis, et ne m'en offense pas - "Guy Allix le croit bête / Parce qu'il est poète". Âne je suis, et croyant me faire ma fête, vous, vous n'en êtes que le coup de pied.
SPiRitus

Aristide Bruant, imitateur de Saint-Pol-Roux

Ne quittons pas trop vite La Revue de France et des Pays français, qui recèle bien des pages intéressantes. Voici, par exemple, un "écho" trouvé dans le n°4 de mai 1912, où l'on apprend en toute simplicité que le grand Aristide Bruant emprunta son style vestimentaire au Magnifique !
ARISTIDE BRUANT ET SAINT-POL-ROUX
On sait que M. Aristide Bruant a intenté l'an dernier un procès à un chanteur montmartrois coupable d'avoir plagié son costume.

Mais on n'a pas dit que ce costume n'était pas du tout une création de Bruant au bruyant toupet.

Jadis le poète Saint-Pol-Roux s'habillait ainsi. Bruant l'ayant vu lui dit : "- Tu es admirable" et le lendemain parut au café dans un uniforme identique. Le poète dès lors se vêtit à Paris comme tout le monde.

dimanche 12 juin 2011

UN ARTICLE RETROUVÉ DE CŒCILIAN SAINT-POL-ROUX

C'est dans l'éphémère et belle Revue de France et des Pays français co-dirigée par Olivier-Hourcade et Carlos Larronde, à laquelle collaborèrent notamment Ricciotto Canudo, Paul Claudel, René Ghil, Francis Jammes, Paul-Napoléon Roinard, Émile Verhaeren, Francis Vielé-Griffin, que j'ai récemment retrouvé un court article du fils aîné de Saint-Pol-Roux, incontestablement l'un des maîtres des deux jeunes directeurs bordelais. Fédérant plusieurs groupes régionalistes, rendant compte des manifestations artistiques et littéraires des provinces de France, la revue accueillit, dans son ultime livraison de juillet 1912, quelques lignes de Cœcilian annonçant les prochaines festivités camarétoises.

J'avais, l'an dernier, consacré un billet à ces fêtes, dont Saint-Pol-Roux fut le grand ordonnateur, billet à la fin duquel nous reproduisions déjà un poème du jeune homme, alors âgé de 20 ans.
Voici donc, après les vers, la prose de Cœcilian :
La Fête de la Victoire
à Camaret
par CŒCILIAN
Camaret, 13 juillet
En offrant cette année, à M. Saint-Pol-Roux, la présidence de leurs régates, les membre du comité de Camaret semblaient signifier qu'ils attendaient de ce poète une collaboration toute particulière pour la journée nautique du 11 août.

Se considérant, de ce fait, comme invité à réaliser "quelque chose" le nouveau président décida de faire appel au sentiment populaire, afin d'associer toutes les bonnes volontés en vue d'une fête à la fois d'expression locale et de portée générale : il établit donc un projet que le comité des régates vient d'adopter à l'unanimité.

Sachez que le fond décoratif, sur lequel se détachera la fête prochaine, sera constitué par des Régates Fleuries dans le port, celles-ci faisant face et pendant au Corso fleuri du quai, dont les maisons seront, elles aussi, décorées.

- Mais un fond, fût-il de fleurs, ne suffit point, émet l'auteur du projet. Il sied de l'animer au moyen d'un sujet principal, d'un motif central ; en un mot, il faut un thème. Eh bien ! ce thème, extrayons-le résolument des annales camarétoises. Cherchons un symbole local, le plus significatif, puis dressons-le en force directrice de la fête, afin que, sous son invocation, toutes ces barques et tous ces chars fleuris puissent s'exalter dans un enthousiasme commun. Ce symbole, il existe au premier rang de votre propre histoire, Camarétois, mais nous aurons soin de l'emprunter dans un sens pacifique, de le traduire dans un but de fraternisation générale. J'estime avoir suffisamment désigné la Victoire - la Victoire de Camaret.

Alors, comme les symboles doivent être réalisés pour être saisissables au peuple, de même que les idées ne nous apparaissent pleinement accessibles que sous la forme humaine, le poète propose de réaliser le symbole de la Victoire au moyen d'une jeune fille laborieuse et sage de Camaret, élue par le comité.

L'élue incarnera la Victoire.

Bonne chance à la sensationnelle journée du 11 août ! Elle ne manquera pas d'attirer une affluence considérable de visiteurs, heureux d'admirer le miracle d'une féerie de fleurs, jonchant les tragiques rochers de cette vaillante cité de pêcheurs qui, hier encore, s'appelait Camaret, mais qui, demain, sur la carte comme dans l'histoire, portera son nom véritable et qui est tout son nom, le seul vraiment sien et qu'elle a mérité, l'ayant reçu au baptême du feu ! Camaret-la-Victoire !