tag:blogger.com,1999:blog-35128150324486051002024-02-20T03:03:16.395+01:00Les Féeries IntérieuresBeaucoup des billets qui paraîtront sur ce blog seront consacrés au poète Saint-Pol-Roux, à son oeuvre, à ses contemporains et à leur actualité vivante. Leur seul objet - donc - la poésie.Mikaël Luganhttp://www.blogger.com/profile/02030100149703591043noreply@blogger.comBlogger274125tag:blogger.com,1999:blog-3512815032448605100.post-69966024762880493662017-12-30T21:10:00.001+01:002017-12-30T21:10:56.450+01:00Le blog cède la place au site de la Société des amis de Saint-Pol-Roux<div style="text-align: justify;">
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On aura constaté que le blog des <i><a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.fr/" target="_blank">Féeries intérieures</a></i>, qui fut à l'origine d'une belle aventure, n'est plus guère enrichi depuis maintenant de longs mois. Pour autant, nos travaux sur l'oeuvre et la vie du Magnifique n'ont pas cessé. Certes, non. Mais il faut bien avouer qu'il nous est devenu difficile d'animer à la fois l'association et un blog réclamant des publications - sinon quotidiennes - au moins régulières. C'est pour cela que nous fermons définitivement aujourd'hui, dix ans après l'avoir ouverte, la porte des <i><a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.fr/" target="_blank">Féeries intérieures</a>. </i>Que l'on ne soit pas trop triste néanmoins, car les billets publiés demeureront accessibles ; car, surtout, si une porte vient de se fermer, une autre vient de s'ouvrir, celle du site de la <i><a href="https://saspr.hypotheses.org/" target="_blank">Société des amis de Saint-Pol-Roux</a></i>, que nous incitons tous les amateurs du poète à venir pousser. Quand le blog était un long corridor aux murs tapissés de portraits et de paysages, le site nouveau, bien qu'encore jeune, est une maison aux pièces déjà nombreuses, à l'ameublement progressif, où les visiteurs, espérons-le, aimeront flâner et s'égarer.</blockquote>
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<a href="https://saspr.hypotheses.org/" target="_blank"><img border="0" data-original-height="659" data-original-width="1095" height="312" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgHM82jVqNceVrQ8bNzj0l6CpVGsyDKgHnDn0tiMg_2ElG890uTolbqN64DIsbQDZg2Whb3y2Z3CeYs-PV-JuFbTjs0cBY9ludVI6aifYyH8pDCtuc-fiJlJUsc6jcjE3YfoKQ-mcAEog6_/s640/Site.png" width="519" /></a></div>
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Le blog est mort ! Vive le <a href="https://saspr.hypotheses.org/" target="_blank">site</a> !</blockquote>
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Mikaël Luganhttp://www.blogger.com/profile/02030100149703591043noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3512815032448605100.post-66563358437725737262015-10-27T12:17:00.000+01:002015-10-27T12:17:27.874+01:00LE BULLETIN DES AMIS DE SAINT-POL-ROUX N° 5-6 VIENT DE PARAÎTRE<blockquote class="tr_bq">
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhHA6JS21sT8EejjLuN16ey0_y1xEiSdOwA44XioHiTxcn3qVl15WW6w0WRvDShNI5VwWszPBp0IuQRKG6qgdpRYka2VaI0uPlvZbWcVLJ_vV9O2U6Qs2cfRdBsPabwNGcAAaRX2AMtYEQw/s1600/BON+DE+COMMANDE+%2528BASPR+5-6%2529.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="640" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhHA6JS21sT8EejjLuN16ey0_y1xEiSdOwA44XioHiTxcn3qVl15WW6w0WRvDShNI5VwWszPBp0IuQRKG6qgdpRYka2VaI0uPlvZbWcVLJ_vV9O2U6Qs2cfRdBsPabwNGcAAaRX2AMtYEQw/s640/BON+DE+COMMANDE+%2528BASPR+5-6%2529.jpg" width="452" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Cliquez sur l'image pour l'agrandir</td></tr>
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Pour commander un ou plusieurs exemplaires du <i>Bulletin des Amis de Saint-Pol-Roux</i> n° 5-6, imprimez le bon de commande affiché ou demandez-en un au format pdf en envoyant un courriel à harcoland(at)gmail.com.</div>
Mikaël Luganhttp://www.blogger.com/profile/02030100149703591043noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3512815032448605100.post-11266348973629232752014-08-25T17:09:00.000+02:002014-08-25T17:09:53.505+02:00Saint-Pol-Roux à l'honneur dans le dernier numéro d'Avel Gornog<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj25JNwENH2tJyRfhnnVNdmhmGN88FH6rriRLDdR6gBA_MGOpzp1CPCH7RaCATT-GY454kCAZFJA2Ws9EU45ZduTyHDCCSabuKmpBZy96VYkyTXjMLE3ZL9-mO4au9rLIYUohY4uaSLrpHG/s1600/AVEL+GORNOG+(n%C2%B0%2B23%2C%2Bjuillet%2B2014).JPG" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj25JNwENH2tJyRfhnnVNdmhmGN88FH6rriRLDdR6gBA_MGOpzp1CPCH7RaCATT-GY454kCAZFJA2Ws9EU45ZduTyHDCCSabuKmpBZy96VYkyTXjMLE3ZL9-mO4au9rLIYUohY4uaSLrpHG/s1600/AVEL+GORNOG+(n%C2%B0%2B23%2C%2Bjuillet%2B2014).JPG" height="320" width="225" /></a></div>
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Il y a un peu moins d'un mois, est parue la dernière livraison d'<i>Avel Gornog</i>, jolie revue entièrement dédiée à l'histoire de la Presqu'île de Crozon, et rédigée par des passionnés, soucieux de rigueur et de qualité. Ce n° 23 composé, pour l'essentiel, d'un copieux dossier consacré à Camaret-sur-Mer, réserve naturellement une place de choix à Saint-Pol-Roux. Ainsi est-il au centre de trois des dix-sept articles qui constituent le sommaire de la livraison.</div>
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Notre ami Marcel Burel, pilier de la revue et grand connaisseur de la période bretonne du Magnifique, en a signé deux. Le premier revient sur "l'incendie de la chapelle Notre-Dame de Rocamadour" qui survint le 25 février 1910 et dévasta le bâtiment. Très engagé dans la vie camarétoise, dans ses joies comme dans ses malheurs, Saint-Pol-Roux lança des souscriptions et fut nommé président du Comité de Restauration. Marcel Burel détaille les efforts effectués par le poète et les personnalités du petit port breton pour récolter l'argent nécessaire (pas moins de 10.000 francs), et nous apprend que la générosité du Magnifique prit pour l'occasion des masques bien surprenants...</div>
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Dans son deuxième article, Marcel Burel retrace "la guerre 1914-1918 [vue] à travers la correspondance de Saint-Pol-Roux à André Antoine". Ayant ici même consacré une série de billets aux relations entre les deux hommes, je ne m'attarderai pas sur les nombreux et passionnants détails que donne l'auteur sur la façon dont se renforça l'amitié entre le poète et le metteur en scène au cours de cette période tragique, et qui font un merveilleux complément à l'article en cinq parties que je publiai l'an dernier.</div>
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Si le nom de Saint-Pol-Roux n'apparaît pas dans la longue étude de Jean-Jacques Kerdreux sur "les conserveries de Camaret", je ne l'ai pas lu avec moins d'intérêt. Car la biographie du poète n'est pas sans rapport avec l'histoire de l'industrie sardinière de Camaret. On peut même affirmer que cette dernière joua un rôle capital dans l'existence du Magnifique. On se souvient, en effet, que Saint-Pol-Roux s'installa à Roscanvel - provisoirement, pensait-il alors - afin de se documenter pour l'écriture des <i>Pêcheurs de sardines</i>, pièce qu'il destinait à Antoine et qui avait justement pour toile de fond la grève des patrons pêcheurs qui entendaient ainsi protester contre les bas prix pratiqués par les usiniers. L'arrivée du poète sur la pointe de la Presqu'île, à la mi-juillet 1898, coïncide justement avec la reprise du conflit social. Il est amusant de voir l'auteur de <i>La Dame à la Faulx</i> agir ainsi en écrivain naturaliste. Le manuscrit du premier acte du drame - le seul que nous ayons pu retrouver à ce jour - truffé çà et là de références à des articles de <i>La Dépêche</i>, prouve que Saint-Pol-Roux s'était également mêlé aux pêcheurs, pour qui il prend manifestement parti, afin d'en rendre le pittoresque et le langage si particulier. Il sera intéressant de relire ce premier acte en le confrontant à l'article de Kerdreux et aux documents qui l'illustre... ce que je ferai prochainement.</div>
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Pour ma part, j'ai donné à la revue, "Saint-Pol-Roux, Divine et le C.A.M. de Camaret", article qui reprend avec quelques remaniements un ancien billet, et qui prouve une nouvelle fois l'engagement du poète dans la vie camarétoise et dans la guerre. Il y est question, notamment, des relations de Saint-Pol-Roux avec les pilotes du Centre d'Aviation Maritime installé sur le Sillon. Là encore, je ne ferai pas plus de commentaires, et me contenterai d'offrir, en addendum, un document retrouvé grâce à <a href="http://www.crozon-bretagne.com/histoire/ok/projet.php" target="_blank">cet excellent site sur la Presqu'île</a>. Il s'agit d'un hommage de Saint-Pol-Roux, publié dans <i>La Dépêche</i> du 18 juin 1917, au lieutenant Helluin et au quartier-maître Salaun, pilote et mécanicien du C.A.M. dont l'avion s'était écrasé le 9 juin.</div>
<blockquote class="tr_bq" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgyWeMhMi-1bLKsHFBTfgYaQRgAmW4Fo2HbOuP19CXJeKX9mR183hUT-p6EWrscIzpH1vGR-rgi45AJmeSbTsoyU_q45juwy9a4g5-AaFs0LJhRCkKqPC-7cJkrXKW8iLmn19aQD0VSPT0X/s1600/Comm%C3%A9moration+(D%C3%A9p%C3%AAche%2Bde%2BBrest%2C%2Bn%C2%B011641%2C%2Blundi%2B18%2Bjuin%2B1917%2C%2Bp.%2B2).jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgyWeMhMi-1bLKsHFBTfgYaQRgAmW4Fo2HbOuP19CXJeKX9mR183hUT-p6EWrscIzpH1vGR-rgi45AJmeSbTsoyU_q45juwy9a4g5-AaFs0LJhRCkKqPC-7cJkrXKW8iLmn19aQD0VSPT0X/s1600/Comm%C3%A9moration+(D%C3%A9p%C3%AAche%2Bde%2BBrest%2C%2Bn%C2%B011641%2C%2Blundi%2B18%2Bjuin%2B1917%2C%2Bp.%2B2).jpg" height="400" width="221" /></a></blockquote>
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On l'aura compris, je recommande vivement l'acquisition et la lecture de cette riche livraison d'<i>Avel Gornog</i>, dans laquelle l'amateur de Saint-Pol-Roux ne manquera pas de trouver matière à enrichir sa connaissance du poète. On pourra trouver le sommaire complet du numéro et le commander sur le site de la revue : <a href="http://www.avel-gornog.fr/">http://www.avel-gornog.fr/</a>.</div>
Mikaël Luganhttp://www.blogger.com/profile/02030100149703591043noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-3512815032448605100.post-88654969454201446092013-08-07T00:18:00.001+02:002013-08-07T00:19:57.398+02:00Saint-Pol-Roux & André Antoine : l'amitié de deux citoyens de Camaret (V)<u>LES DIFFICULTÉS D’APRÈS GUERRE</u><br />
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<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgJGis86X8vzIZiDXn4tyc0_59sJTYX4uaSvquUQ_fPC0178mHT5AlOPqgy-a5nIlbj0jYjrs8-3Hsj2Cg0-juOTL3GT2EGNsjgbQaxbxNUmR4zboxe_RXK84oHNnpyKVTe00jxG81Te4O7/s1600/Andr%C3%A9+Antoine.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgJGis86X8vzIZiDXn4tyc0_59sJTYX4uaSvquUQ_fPC0178mHT5AlOPqgy-a5nIlbj0jYjrs8-3Hsj2Cg0-juOTL3GT2EGNsjgbQaxbxNUmR4zboxe_RXK84oHNnpyKVTe00jxG81Te4O7/s1600/Andr%C3%A9+Antoine.jpg" height="400" width="290" /></a></div>
</blockquote>
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L’une des solutions sérieusement envisagées par Saint-Pol-Roux pour régler ses problèmes financiers et améliorer l’état de santé de sa femme fut de vendre le Manoir et de quitter Camaret pour des cieux plus cléments. Il avait espéré, dès 1917, trouver un appartement à Paris où s’installer, mais cet espoir fut rapidement déçu. Au cours de l’année 1920, il décide d’abord de mettre en vente partie de son mobilier et de ses œuvres d’art à Drouot, aidé dans son entreprise par Jean Royère? avec le concours de Me Hubert ; puis, apprenant la vacance de la conservation du Musée des Beaux-Arts de Pau, il tente de trouver acquéreur pour le Manoir et présente sa candidature paloise. Dans ces deux entreprises, il peut compter sur l’assistance du fidèle Royère, et bien sûr, de son ami André Antoine, dont les relations dans les milieux d’influence peuvent s’avérer décisives. Le 28 septembre, Saint-Pol-Roux écrit donc à Antoine pour lui apprendre son souhait d’exil béarnais et lui demander d’appuyer sa candidature :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Outre que la destinée me pousse à vendre immeuble et meubles pour me libérer de passifs accrus par cette satanée après-guerre et pour doter un peu mes gosses auxquels il est temps de songer, il m’est indispensable de quitter un climat devenu dangereux pour ma femme dont la santé m’inquiète terriblement : son salut est dans le Soleil. Aussi – et c’est le motif de cette lettre – m’occupé-je d’aller dans le Midi. Pour cela, car il faut vivre, et des amis littéraires m’ayant avisé de la prochaine vacance de la "conservation" du Musée national de Pau (château où naquit Henri IV), je viens de solliciter ce poste de conservateur par une lettre à M. Honnorat, ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts. Les émoluments sans être énormes (6.000 fr, je crois) pourraient me suffire avec ce qui me resterait, et l’on a le logement, cela dans un climat fort recherché par les malades, station hivernale, etc… Mais il y aura maints compétiteurs, tu penses, et des parrainages me sont archinécessaires. J’ose faire appel à ton grand renom. Ne daignerais-tu me recommander au Ministre et, par surcroît, me faire chaperonner par tes amis Léon (<i>sic</i>) Barthou et Léon Bérard, anciens ministres, lesquels étant béarnais, donc de là-bas, me paraissent indiqués au chapitre ? Ainsi mes chances s’accroîtraient. Mon passé littéraire et peut-être encore mon activité en Bretagne serviraient à l’occasion d’arguments utiles, de garants, comme quoi je servirais décemment Henri IV et le Béarn. Après tout les poëtes sont des sortes d’ambassadeurs à ne pas négliger tout à fait. D’Esparbès, Haraucourt, Ajalbert et autres font plus pour leurs musées que les fonctionnaires de carrière. Ceux-ci gardent, ceux-là animent, ressuscitent, prolongent. Enfin tu vois le thème à développer, si tu veux bien m’assister dans ma tentative.</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Nous n’avons pas la réponse d’Antoine, mais une lettre du Magnifique, datée du 2 octobre, ne laisse aucun doute sur sa collaboration au projet. Quatre jours plus tard, Saint-Pol-Roux reçoit une lettre du cabinet du Ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts lui stipulant que la demande doit être adressée directement au Maire de Pau. Le poète écrit donc à la mairie, mais ce sera pour apprendre finalement, par retour de courrier, que le musée n’est pas vacant. Encore un espoir déçu. Quelques semaines plus tard, la déception sera plus grande encore, la vente du 22 décembre à Drouot donnant un résultat bien en-deçà des espérances. Et, malgré l’implication d’Antoine, le Manoir demeurera propriété de Saint-Pol-Roux.</div>
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<br /></div>
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Plusieurs années noires suivront, les dettes succédant aux dettes, alors même que Camaret se développe avec l’essor du tourisme ; et le poète pourra prophétiser, en 1921, devant l’afflux des estivants qui "s’annoncent comme devant bonder les hôtels du quai", et les "trois vapeurs fret par jour" que : "Camaret va se lawn-tenniser, et l’auto remplacer le mouton". En 1923, un nouveau deuil frappe Saint-Pol-Roux : <a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.fr/search/label/Am%C3%A9lie" target="_blank">Amélie</a> meurt le 4 novembre à 54 ans. Elle repose au cimetière de Camaret où fut également enterrée la première femme d’Antoine. Après avoir reçu les condoléances de son ami, le Magnifique lui adresse une belle lettre toute à la gloire de leurs amours défuntes :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Mon vieil Ami, mon adorable Amélie dort à jamais, tout près de ta chère Pauline dont la tombe reçut, par Divine, le jour des funérailles, une des gerbes du cercueil maternel, comme un bonjour entre nos deux compagnes réunies. Après, ce sera nous, nous qu’elles ont servis, consolés, aimés. Ah ! ces veillées sur la dune par une tempête effroyable qui renversait les braves gens apportant leurs prières !.. C’était Toute la Mort, en vérité, dans et sur l’exquise fille de Paris qui charma, de sa grâce jolie, toutes mes solitudes : deux ans dans les Ardennes Luxembourgeoises, sept ans dans la Chaumière où naquit ta filleule, enfin depuis vingt ans bientôt sur notre tragique falaise. Comme tu parles admirablement du "départ de nos compagnes" et de "nos couchers de soleil" ! Elles n’auront su jamais combien nous les adorions à travers nos caprices et nos égoïsmes. La mienne m’avait suivi pour servir de son sourire merveilleux mon destin de poëte, mais au fond, va, c’était moi qui marchais dans son miraculeux sillage, et je souscris à cette phrase que m’adresse le grand cœur de Rachilde : "N’aviez-vous pas, en quelque sorte, sacrifié la gloire du poëte à votre cher amour et à votre belle famille dont la France pouvait être fière !" Si, quelque jour, parmi tes "pages" du matin, où j’ai déjà noté de véritables poëmes en prose, l’occasion t’est donnée de saluer les douces compagnes des chercheurs de beauté, n’omets point celle, si modeste, dont tu fus l’illustre témoin-de-mariage : la haute fierté de sa vie. Certes, ces compagnes effacées ne mourront point puisque, insensiblement, irrésistiblement, elles s’infiltrent dans nos travaux sous des expressions variées, et que les chefs-d’œuvre ne sont faits en somme que de leurs caresses.</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
L’horizon de Saint-Pol-Roux, en ces années d’après-guerre, apparaît donc bien sombre ; mais il n’est pas dans la nature du poète de s’abandonner au désespoir. L’admiration que lui professe, à cette époque, la génération nouvelle en la personne d’<a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.fr/search/label/Andr%C3%A9%20Breton" target="_blank">André Breton</a>, autour duquel s’agrègent les jeunes écrivains du mouvement surréaliste en gestation, lui laisse entrevoir un avenir plus radieux. Dans les mois qui suivent le décès d’Amélie, Saint-Pol-Roux s’impliquera davantage encore dans la vie bretonne, fondant « "Les <a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.fr/search/label/Chevaliers%20de%20la%20Table%20Ronde" target="_blank">Chevaliers de la Table Ronde</a>", appuyant le projet de Magda Tarquis ambitieusement intitulé "La Renaissance des Métiers de Bretagne", ou plus localement, en plaidant, avec succès, la clémence auprès d’Antoine pour deux jeunes cambrioleurs d’Armor Braz "manifestement égarés, précise-t-il, par le 7e art" ; quelques années plus tard, lors d’un nouveau cambriolage, autrement plus important, de la villa de son ami, Saint-Pol-Roux n’hésitera pas à endosser le costume de Sherlock Holmes.</div>
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<br /></div>
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<a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.fr/search/label/Litanies%20de%20la%20Mer" target="_blank"><u>LES LITANIES DE LA MER</u></a></div>
<div style="text-align: justify;">
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<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgPZW3mWfvtZfvxULDyG9wQxAl5q-8gJ4HVF9nRZgsMtb2AJiSJP1xcpiy95t-nkLVImXsMYMzpbvPNlYKJPHie-6Nr4Ecda8w6BwKwrPoLga8sE2flIpnNBVDY7vlmrV6peZGkW0n2T26n/s1600/SAINT-POL-ROUX+%2528LES+LITANIES+DE+LA+MER%252C+ROUGERIE%252C+2010%2529.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgPZW3mWfvtZfvxULDyG9wQxAl5q-8gJ4HVF9nRZgsMtb2AJiSJP1xcpiy95t-nkLVImXsMYMzpbvPNlYKJPHie-6Nr4Ecda8w6BwKwrPoLga8sE2flIpnNBVDY7vlmrV6peZGkW0n2T26n/s1600/SAINT-POL-ROUX+%2528LES+LITANIES+DE+LA+MER%252C+ROUGERIE%252C+2010%2529.jpg" height="320" width="232" /></a></div>
<div style="text-align: justify;">
Parallèlement à son investissement brestois et camarétois, le poète travaille à sa <i>Répoétique </i>dont la première manifestation poétique majeure sera ces <a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.fr/2010/03/vient-de-paraitre-litanies-de-la-mer.html" target="_blank"><i>Litanies de la Mer</i></a> que René Rougerie vient de publier. C’est une œuvre sans précédent, même si elle présente des similitudes avec certains essais simultanéistes d’avant-guerre : une synthèse verbale pour orchestre vivant qui accomplit le vœu mallarméen de <i>"</i>reprendre à la musique son bien". Saint-Pol-Roux dirigera sa symphonie, interprétée par 250 récitants amateurs et bénévoles, le 12 juin 1927, sur la pointe Saint-Mathieu à l’occasion de l’inauguration du monument aux Marins morts pour la France. Il ne faut pourtant pas y voir une œuvre de circonstance, essentiellement locale, car le projet du Magnifique était de la produire devant de vastes auditoires. Il s’en ouvre à Antoine le 30 avril 1926 :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Je m’occupe des répétitions d’une sorte de "symphonie verbale" que j’espère bien diriger, l’hiver prochain, au grand amphithéâtre de la Sorbonne si par le doyen Brunot et le Musée de la Parole je puis obtenir cinq cent sinon mille récitants. Créer le Verbe total, le rendre vivant, voilà le gros avènement auquel s’attachera peut-être le nom du vieux Solitaire de tes dunes.</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Les répétitions à Brest sont longues et difficiles, le poète n’ayant pu réunir aucun comédien professionnel mais seulement quelques dizaines d’amateurs. La première réalisation a lieu dans la salle des concerts Sangra, le 30 juin, où elle est bien accueillie :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Cette sorte de symphonie parlée, confie-t-il à son ami, a bien marché, et l’on a fort apprécié cette tentative neuve de Verbe massif. Ce fut laborieux, car je n’avais pas de vrais professionnels, mais uniquement des bonnes volontés profondément dévouées. J’espère présenter la chose à Paris, Lyon, Genève cet hiver.</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Très rapidement, Saint-Pol-Roux associe Antoine à son ambition. On se rappelle que les « "Litanies de la Mer", extrait des <i>Pêcheurs de Sardine</i> qui figurera dans l’œuvre nouvelle, lui fut dédiée en 1903. Il lui demande, en prévision de l’audition à la Sorbonne, une conférence qu’Antoine, bien volontiers, accepte de donner. On en a confirmation dans une lettre datée du 25 octobre :
« </div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Certes, je ne perds pas de vue ma séance symphonique Paris-Lyon-Genève. Pour des raisons impérieuses de finances familiales à ma disposition et aussi, ma foi, de température moins hostile, je préfère situer ce mouvement sérieux fin février pour Paris, mars pour Lyon et Genève. J’irai à Paris un mois avant pour les très méticuleuses répétitions, d’abord pupitre par pupitre, puis demi-ensemble, puis ensemble général. C’est alors que je t’apporterai mes notes sur le Verbe intégral, lesquelles serviront à étayer la conférence que tu as bien voulu me promettre. Tu auras donc un grand mois devant toi. Je ne pressentirai qu’en novembre Ferdinand Brunot, doyen des Lettres à la Sorbonne pour lui proposer cette sorte d’apothéose verbale. Ce sera neuf et, j’espère, magistral si nous pouvons réunir quelques protagonistes de marque et d’imposantes masses de récitants. Il faut une bonne fois dresser le Verbe total et vivant en face des grandes Symphonies de Beethoven et autres dieux-musiciens. Le Verbe absolu n’a pas encore existé ! Je travaille cette affaire.</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
On le voit, l’aventure des<i> Litanies de la Mer </i>s’accompagne d’une riche réflexion théorique et poétique sur le Verbe, celle-là même que développera la <i>Répoétique</i>. Hélas, les éternelles difficultés pécuniaires du poète vont compromettre la concrétisation de ce beau rêve qui, réalisé, aurait fait probablement sensation dans la petite République des Lettres et des Arts. En effet, « "Brunot, doyen des Lettres, à la Sorbonne" lui a appris qu’il aurait à "payer tous les frais du grand amphithéâtre (éclairage, chauffage, gardiennage, etc.) si le Recteur en dernier ressort consentait à [lui] accorder la salle" ; Saint-Pol-Roux ajoute, le 28 novembre, pour Antoine :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">D’autre part, les entrées doivent être gratuites. Je réfléchis donc au chemin à prendre. D’ailleurs j’ai d’abord à travailler, ayant lâché ma symphonie depuis près de deux mois. Je verrais plutôt la séance en mai si toutefois j’obtiens la permission du Recteur et surtout la possibilité des frais, point fichtrement importants.</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Antoine, plus pragmatique, lui conseillera de réserver une autre salle, moins coûteuse, celle du Trocadéro, mais Saint-Pol-Roux, qui attend la conclusion d’un héritage, prend conscience que le moment est peu propice à une tournée ; il l’avoue dans une lettre, non datée, mais probablement de décembre 1926 ou de janvier 1927 :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Il me paraît plus sage de différer à la saison prochaine l’Audition précédée de ta fraternelle conférence. La chose n’en sera d’ailleurs que mieux au point, et ce n’est pas une mince affaire, tu penses.</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
La suite est connue : faute de l’argent nécessaire pour financer la tournée prévue, Saint-Pol-Roux devra se contenter de donner son œuvre à Brest où il reprendra les répétitions, dès le printemps 1927, avec cinq fois plus de récitants amateurs : "gens de Brest, lycéens, lycéennes, marins de l’<i>Armorique</i> et du 2ème Dépôt". La création aura lieu, comme nous l’avons dit, le jour de l’inauguration du monument aux Marins morts pour la France, conçu par Quillivic, en présence de Georges Leygues. La presse, dans son ensemble, rendra compte de l’événement politique, mais en passant sous silence la "symphonie verbale" de Saint-Pol-Roux ou en ne lui accordant que de maigres lignes, lui préférant les discours officiels. Le recueillement patriotique n’avait sans doute pas favorisé l’audition de ce poème formidable qui passa, pour ainsi dire, inaperçu.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<u>LES DERNIÈRES LETTRES</u></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Les dernières lettres conservées confirment l’amicale intimité qui s’était établie, au fil des années et des épreuves, entre les deux "citoyens de Camaret". Saint-Pol-Roux continue de veiller sur les villas d’Antoine et de suivre, à distance, sa carrière de journaliste et d’homme de théâtre ; il entreprend une nouvelle œuvre, <i>Un soleil sur des épaules</i>, qu’il destine à son ami, quand il apprend que Rothschild vient de le nommer directeur du Théâtre Pigalle. Il voit souvent André-Paul, son fils, avec qui il effectuera une randonnée automobile dont le poète fera le récit poétique publié dans un numéro spécial de la <i>Revue de l’Ouest</i> en été 1932. Il vient alors de recevoir la légion d’honneur, qu’Antoine, à bien des occasions, tenta de lui obtenir. Cette reconnaissance officielle, plusieurs fois espérée, est bien tardive et il s’en amuse, dans une lettre du 29 juillet : </div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Cette décoration à la Mathusalem m’a valu une fort précieuse autant que nombreuse réception de messages charmants et quelques âneries dans de pauvres canards, âneries qui me courent après depuis 40 ans et m’ont par là-même rajeuni.</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
L’ultime lettre conservée, adressée par Saint-Pol-Roux à Antoine, date du 7 mars 1935, alors que ce dernier a vendu ses deux maisons de Camaret et villégiature désormais du côté de Brest. Elle constitue un beau témoignage de cette vieille amitié. Comme à son habitude, le poète y évoque les difficiles conditions climatiques :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Nous venons ici d’éprouver des tempêtes à côté desquelles ta tempête du <i>Roi Lear</i> n’est qu’un mécanique amusement de Noël. Tout sautait, tout s’enlaçait, tout dansait… ah si encore il y avait eu de jolies jambes comme dans votre Cité, mais il n’y a jamais de jolies jambes quand il faudrait sur notre dune, hélas !..</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Il le renseigne sur l’état de ses désormais anciennes propriétés :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Tes deux villas n’ont tout de même pas flanché. Dans notre chagrin de leur cession nous avons toutefois la consolation de les voir en bonnes mains. Alcover et Colo les habitent avec une sorte de respect, je t’assure ; pour eux ta présence y est sensible toujours, elle et lui ayant pour toi un véritable culte.</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Et il termine sa lettre par un vœu qui, malgré les différends et leurs natures opposées, scelle leur belle amitié humaine :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Lundi, anniversaire de la mort de mon <a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.fr/search/label/Coecilian" target="_blank">Cœcilian</a> qui repose à Verdun je suis allé m’incliner devant la Stèle des Combattants au petit cimetière ; au passage (et cela généralement) j’ai offert une prière à ta chère Femme qui t’espère comme m’espère la Mienne. Sans doute n’abandonneras-tu pas cette troisième villa, la suprême ! Nous pourrons ainsi nous rencontrer plus tard dans les pensées profondes de la Nature. Le plus tard possible, n’est-ce pas, en dépit du réel plaisir que nous aurions à nous revoir…</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Le vœu de Saint-Pol-Roux se réalisera. Le poète mourra le 18 octobre 1940 et le metteur en scène, trois ans plus tard, presque jour pour jour, le 19 octobre 1943. Tous deux reposent, éternels citoyens du petit port breton, au cimetière de Camaret.</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhFjoKd5ZlxQA_bjayxCl83C7h3ZWQgjDw9EF3qZNvPuHKdAft-gd5pI_n__VaNZwdj7TbitwiGXe77VFNJCwvO9Uwn3jyYop-vtawLnftM-vMf2D1iS_iAAl9ClMwMJuI4vcvoq9wJoBmZ/s1600/TOMBE+ANTOINE.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhFjoKd5ZlxQA_bjayxCl83C7h3ZWQgjDw9EF3qZNvPuHKdAft-gd5pI_n__VaNZwdj7TbitwiGXe77VFNJCwvO9Uwn3jyYop-vtawLnftM-vMf2D1iS_iAAl9ClMwMJuI4vcvoq9wJoBmZ/s1600/TOMBE+ANTOINE.JPG" height="276" width="400" /></a></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Pour lire le texte de la conférence "Saint-Pol-Roux & André Antoine : l'amitié de deux citoyens de Camaret", suivez les liens ci-dessous :</span></div>
<ul>
<li><span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;"><a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.fr/2013/08/saint-pol-roux-andre-antoine-lamitie-de.html" target="_blank">Saint-Pol-Roux & André Antoine : l'amitié de deux citoyens de Camaret (I)</a></span></li>
<li><span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;"><a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.fr/2013/08/saint-pol-roux-andre-antoine-lamitie-de_4.html" target="_blank">Saint-Pol-Roux & André Antoine : l'amitié de deux citoyens de Camaret (II)</a></span></li>
<li><span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;"><a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.fr/2013/08/saint-pol-roux-andre-antoine-lamitie-de_251.html" target="_blank">Saint-Pol-Roux & André Antoine : l'amitié de deux citoyens de Camaret (III)</a></span></li>
<li><span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;"><a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.fr/2013/08/saint-pol-roux-andre-antoine-lamitie-de_5.html" target="_blank">Saint-Pol-Roux & André Antoine : l'amitié de deux citoyens de Camaret (IV)</a></span></li>
<li><a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.fr/2013/08/saint-pol-roux-andre-antoine-lamitie-de_7.html" target="_blank"><span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Saint-Pol-Roux & André Antoine : l'amitié de deux citoyens de Camaret (V)</span></a></li>
</ul>
Mikaël Luganhttp://www.blogger.com/profile/02030100149703591043noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3512815032448605100.post-32206352518282446312013-08-05T00:54:00.000+02:002013-08-05T00:54:15.377+02:00Saint-Pol-Roux & André Antoine : l'amitié de deux citoyens de Camaret (IV)<u>1914-1918 : UNE AMITIÉ RENFORCÉE</u><br />
<blockquote class="tr_bq">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgLWrWtshoRD2BNchu0Ll9mpVq0PLOPMXcbCEUdl2E2eTq6xSLeZhgvCyNTQW2OPMvMVNHZKjgsvd7JA4kiPTo11lYLg906W7aE6FlRCcq5TMJ1RlFrYq6jHFIq5Gdc7wtZKKblllnOqrHU/s1600/LA+FRANCE+IMMORTELLE.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgLWrWtshoRD2BNchu0Ll9mpVq0PLOPMXcbCEUdl2E2eTq6xSLeZhgvCyNTQW2OPMvMVNHZKjgsvd7JA4kiPTo11lYLg906W7aE6FlRCcq5TMJ1RlFrYq6jHFIq5Gdc7wtZKKblllnOqrHU/s1600/LA+FRANCE+IMMORTELLE.jpg" height="340" width="467" /></a></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Les lettres adressées à Antoine entre 1914 et 1918 sont parmi les plus nombreuses et les plus circonstanciellement intéressantes. Les deux hommes ont envoyé, chacun, dès le début du conflit, deux garçons sur le front. Saint-Pol-Roux a lui-même demandé à s’engager - "les vieux grognards ont du bon" écrit-il à Antoine - mais sans succès ; il fonde alors un journal, <i>La France immortelle</i>, à destination des Camarétois. Les huit numéros qu’il rédige seul contribueront à ruiner le poète. Les événements vont en effet très rapidement, à tous points de vue, affecter le Magnifique. Ainsi, l’espoir patriotique qui se lit sous la plume du poète, le 28 août 1914 : "Courage ! Nos gosses reviendront victorieux, et c’est moi qui ferai la bouillabaisse avec pour tablier un drapeau de Boche" est rapidement endeuillé par <a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.fr/2013/07/ccilian-ou-le-fils-heroique-troisieme.html" target="_blank">la mort de Cœcilian</a>, tombé sur le champ de bataille à Vauquois le 4 mars 1915 ; mort suivie de près par celle d’Henri, le fils aîné d’Antoine, tué au cours de la bataille de la Somme. Saint-Pol-Roux adresse ses condoléances à son ami le 20 juin 1915 :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Dans cette époque formidablement tragique, que ces glorieux enfants se dévoilent admirables, et quel exemple de splendeur morale ne nous donnent-ils pas ?! Faite de leur sang généreux, comment veux-tu que la Victoire ne soit pas radieuse ? Ils s’en vont dans l’Immortalité, nos vaillants gosses, et nous restons à pleurer…</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
D’autres amis sont touchés, comme Georges Billotte, le notaire brestois du poète qui perd coup sur coup ses deux enfants, Georges et Roger. On sait que la Bretagne versa un lourd tribut humain à la France. Saint-Pol-Roux rend compte régulièrement à Antoine des pertes camarétoises. Le 20 juin 1915, "les Morts pour la Patrie à Camaret se chiffrent déjà par vingt !" ; le 20 octobre de la même année : "Camaret atteint, sinon dépasse, la trentaine" ; le 22 mai 1916 : "Ici les Morts pour la Patrie dépassent maintenant la soixantaine !"</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Il renseigne également son ami assez régulièrement sur la situation économique du petit port breton et de la hausse des prix qui rendent l’existence des habitants, et la sienne, de plus en plus difficiles :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Inéluctablement, <i>annonce-t-il à Antoine le 22 mai 1916</i>, la vie a fort chérifié ici, mais à côté de Paris ça doit être Lavallière en regard de Jeanne Bloch. Néanmoins voici un vague aperçu :</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Charbons (les 50 kilos) ––– 7 fr 50 au lieu de 2 fr 50.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Pétrole (le bidon de 5 litres) ––– 3 fr 30 au lieu de 2 fr 40.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Livre de veau ––– 22 sous au lieu de 14 et 16 sous.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Livre de beurre ––– 40-46-48 sous au lieu de 25 sous
(mais il tend à baisser)</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Livre de vieux oignons et de vieilles carottes ––– 9 sous.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Litre de lait ––– 5 et parfois 6 sous.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Litre d’alcool <u>à brûler</u> ––– 48 sous au lieu de 13 sous.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Kilo sucre ––– 29 sous au lieu de 16.</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Et l’année suivante :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Tu dois savoir que la vie enchérit chaque jour davantage, comme partout, dans notre patelin. Hausses et difficultés diverses, cela pour ta gouverne. Un exemple : Camaret s’est trouvé <i>sans pain</i> hier dimanche. D’ici les moissons il n’est pas impossible que ce cas se renouvelle. Bientôt la vie sera plus coûteuse en province qu’à Paris.</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Dans cette crise, Saint-Pol-Roux se plaint assez peu, alors même qu’il "nage" - ce sont ses termes - "dans un pétrin inexprimable". Et s’il demande à Antoine de lui trouver un acquéreur pour les bois de Gauguin que Segalen lui avait rapportés de Tahiti et qu’il a mis en dépôt à la galerie Bernheim, vente qui lui coûte, affectivement, beaucoup et qui prouve "l’absolue misère" dans laquelle il se trouve à cette époque, cela ne l’empêche pas de s’engager activement, sur l’initiative de son ami, pour les Orphelins de la guerre.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Les rares distractions que Saint-Pol-Roux connaît alors lui sont fournies par les tournages de films qui se multiplient à Camaret, encouragés par la politique culturelle de la France alliée à l’effort de guerre. André Antoine a d’ailleurs été engagé comme réalisateur par la société Pathé et projette de tourner <i>Les Travailleurs de la Mer</i>, adapté de l’œuvre de Victor Hugo. Il a parlé de son projet à Saint-Pol-Roux qui lui apporte son aide de résident :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Ton idée est excellente, lui écrit-il le 22 mai 1916, de profiter de l’été pour tourner ici. Seulement, <i>conseil important</i>, arme-toi d’une autorisation des ministères de la Marine et de la Guerre pour ta troupe <i>aux papiers bien en règle</i>, aux fins d’éviter un tas de vetos, voire même d’arrestations au moindre déplacement. D’autant plus que les <i>Travailleurs de la Mer</i> et la <i>Roche-aux-Mouettes</i> vous appelleront à des endroits quasi défendus comme le Lion, les Tas de Pois, etc. Tu n’ignores pas que les sous-marins boches paragifient non loin…</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Antoine ne tournera son film que l’année suivante. Entre temps, Saint-Pol-Roux aura assisté à la réalisation de <i>Poisson d’or</i>, adaptation par Paul Féval fils d’un roman de son père, et dans lequel, à moins que la scène ne fût coupée au montage, apparaît le Manoir. :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">M. Féval me l’ayant gentiment fait demander pour une scène extérieure de son <i>Poisson d’or</i>, j’ai accédé par pure camaraderie. Sa troupe se montre d’ailleurs fort polie. Cela me permit de voir opérer une troupe de ciné.</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
C’est au cours de l’été 1917 qu’Antoine viendra à Camaret, avec son équipe, tourner <i>Les Travailleurs de la Mer</i>, mais sans la comédienne Louise Marion, que Saint-Pol-Roux avait vainement tenté de faire engager par le réalisateur, prétextant que "son type brun typerait admirablement très bien dans les <i>Travailleurs</i>, étant presque type camarétois, à moins qu’espagnol, ce qui est kif-kif". La présentation du film à la presse parisienne aura lieu le 26 février 1918 à l’Artistic. Antoine y invitera son ami, qui fera une élogieuse critique de l’œuvre dans une lettre du 28 février :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Cher Ami, la présence de mon poilu permissionnaire et la soudaine maladie de ma femme m’ont empêché de t’écrire plus tôt l’admiration causée par ta religieuse translation des <i>Travailleurs de la Mer</i>. Tu as réalisé une incomparable icôno-symphonie où tout s’exprime, les vents transitoires, les pierres éternelles, les oiseaux, les poissons même, enfin la grande frissonneuse – la Mer – que dominent l’anglicane joliesse de Brabant et la beauté nazaréenne de Joubé. La classique scène de la Pieuvre eût enthousiasmé Victor Hugo. Ton chef-d’œuvre est digne du sien. Et je me rappelle, témoin parfois indiscret, ton mal terrible et charmant à te concilier, l’été dernier, les éléments si exceptionnellement rebelles alors. J’ai pensé que ces lignes du poëte camarétois te seraient agréables : elles veulent être un hommage de plus au Grand-Père, à André Antoine et à Camaret.</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Malgré ces récréations cinématographiques, le bilan de la guerre sera terrible pour Saint-Pol-Roux : <a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.fr/search/label/Coecilian" target="_blank">Cœcilian</a> mort ; <a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.fr/search/label/Am%C3%A9lie" target="_blank">Amélie</a>, sa femme, physiquement très-affaiblie ; une situation financière des plus précaires, aggravée par la hausse des prix et le développement militaire de la petite ville, devenue base arrière de nombreux soldats français et alliés.</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">On nous annonce pour ces jours-ci, écrivait Saint-Pol-Roux à Antoine le 30 mai 1917, un détachement de soldats américains amenés par des paquebots qui passèrent ce matin devant nos falaises. Ah, Camaret se transforme ! D’où réalisation prochaine de mon discours aux écoliers d’ici il y a huit ans : <i>Camaret sera une ville américaine</i>.</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Cette situation durera plusieurs années après la fin du conflit, et l’aide d’Antoine, dont la famille ne fut pas épargnée par la tragédie, sera, en cette longue et noire période, précieuse.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: right;">
(A suivre) </div>
Mikaël Luganhttp://www.blogger.com/profile/02030100149703591043noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3512815032448605100.post-52038357302753494002013-08-04T10:46:00.000+02:002013-08-04T10:46:22.001+02:00Saint-Pol-Roux & André Antoine : l'amitié de deux citoyens de Camaret (III)<u>SAINT-POL-ROUX & ANTOINE, SCÉNOGRAPHES DE CAMARET</u><br />
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj6cJuJbason1QywRmn2RWUanv2P6rR7qAK1ACKA15S_A8H3LN57JM7rE43tnNipwKqfs5JF7zA_lYL_T5cH1oxJcGiCKYzaTi4s0K05c4A05rAdgrgFy5fihbkv7rgTx4I2E0qqZtjNtM2/s1600/Hommage+%C3%A0+la+Victoire.jpg" imageanchor="1" style="clear: right; float: right; margin-bottom: 1em; margin-left: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj6cJuJbason1QywRmn2RWUanv2P6rR7qAK1ACKA15S_A8H3LN57JM7rE43tnNipwKqfs5JF7zA_lYL_T5cH1oxJcGiCKYzaTi4s0K05c4A05rAdgrgFy5fihbkv7rgTx4I2E0qqZtjNtM2/s1600/Hommage+%C3%A0+la+Victoire.jpg" height="320" width="211" /></a>Néanmoins, Antoine et Saint-Pol-Roux collaboreront ensemble à d’autres projets scénographiques, non plus parisiens, mais camarétois. Nous en retiendrons deux, que la correspondance permet d’éclairer, et particulièrement symboliques des relations des deux hommes avec leur port d’adoption. Le premier concerne la réalisation de cette belle légende que tous les habitants de Camaret connaissent, celle de Saint-Pol-Roux incarnant, le 25 décembre 1909, <a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.fr/2007/12/et-saint-pol-roux-fut-aussi-pre-nol.html" target="_blank">le Père Noël</a>, sous les traits duquel il vint offrir des jouets aux enfants. La veille, ces derniers avaient pu lire ce célestogramme, signé par l’illustre bonhomme :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Mes chers enfants, apprenant votre souhait de ma venue en vos écoles le jour qui porte mon nom, je souscris avec joie à ce vœu gracieux. Donc, prière à vous tous, filles et garçons, de m’espérer sur le quai – chacun une branche de pin, de houx, de laurier, de tamaris ou de genêt à la main – vers trois heures un quart de l’après-midi, ce présent samedi vingt-cinq décembre de l’an mil neuf cent neuf : chiffre de mon âge. Ma hotte merveilleuse sur l’échine, j’arriverai par mer, par terre ou par ciel. Gloire aux enfants de Camaret !</span></div>
</blockquote>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
Le poète ne pouvait ignorer le désir des petits Camarétois puisqu’il avait été nommé deux ans auparavant délégué de l’Enseignement primaire pour le canton de Crozon et qu’il prenait ce rôle très à cœur. Pour sa noble imposture, Saint-Pol-Roux bénéficia de l’aide logistique de son ami Antoine à qui il avait écrit le 14 décembre :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Mon cher Ami, […] j’ai formé le puéril projet, à l’occasion de la Noël, d’offrir agrès de gymnastique et jouets aux enfants des Écoles de Camaret et de les leur distribuer "sous les apparences" du Père Noël arrivant sur une barque – avec poëmes à l’appui, etc… Faut bien amuser les gosses, surtout quand on a assumé la naïve et charmante fonction d’être leur officiel délégué. Père, tu me comprendras. Donc il me faudrait un costume de Père Noël (soit un long bonnet à poils ou bien une tiare de grand-prêtre, et une robe de bure ou une simarre d’astrologue azur, selon que tu décideras un Père Noël réaliste ou de légende). Plus une perruque blanche, sans front autant que possible (pour éviter trop de maquillage en plein jour sur le quai), et une très longue barbe blanche de burgrave. Or je compte sur ta bienveillance pour mettre à ma disposition ce costume et ces postiches que je te renverrais en <u><i>colis postal</i></u>, dès la cérémonie finie. Je ne trouverai jamais ça à Brest. Bien entendu, je paierai les frais de location que tu fixeras. Si tu peux, envoie le tout en colis postal […] et ce le plus tôt possible. Sinon veuille me télégraphier : impossible. Car je ne voudrais pas décevoir les enfants. Tout cela, entre nous, confidentiellement, comme il sied entre gensss de théâtre !..</span></div>
</blockquote>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
Bien entendu, Antoine ne manqua pas de fournir le costume et les postiches et Saint-Pol-Roux fut un merveilleux Père Noël dont le souvenir resta longtemps gravé dans le cœur de Camaret. C’était un geste de poète et d’homme de théâtre, comme on l’a lu, mais d’un dramaturge qui considère son art comme en prise directe sur la vie et sur son public, muant celui-ci en participant actif. Cette initiative contribua très-certainement à l’intégration de "Monsieur Saint-Pol" dans la population camarétoise, et deux ans et demi plus tard, il fut sollicité pour organiser la fête des Régates, dont il fit une somptueuse commémoration de la Victoire du 18 juin 1694 contre les Anglais. Là encore, avec l’aide d’Antoine, qui insista pour rester dans l’ombre et à l’écart, allant jusqu’à reprocher à son ami, le 26 juillet 1912, d’avoir éventé son concours :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Tu sais déjà mon ferme propos de ne me mêler jamais des affaires du village. Je ne suis pas comme toi citoyen d’ici, et je reste un étranger. Je pense que pour nous autres, visiteurs d’été, ne jamais intervenir dans leurs affaires, est la meilleure façon de vivre en paix. Cela m’a fort bien réussi jusqu’à présent, et je désire continuer tout en leur rendant, chemin faisant, et sans qu’ils le sachent trop, tous les petits services que je puis.</span></div>
</blockquote>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
A quoi, Saint-Pol-Roux répondit le lendemain :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">L’excessive ardeur des Camarétois te semblera toute naturelle chez de braves gens, peu gâtés par les dieux, et que la moindre surprise heureuse enthousiasme au-delà du possible.</span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">A ton sujet je n’ai parlé qu’avec la prudence recommandée, crois le bien, sans toutefois dissimuler ma gratitude.</span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">J’ai simplement et textuellement dit à trois membres du Comité que, ne pouvant rien retirer de l’Odéon, puisque théâtre de l’État, tu tâcherais de nous procurer généreusement des costumes chez un costumier de Paris ou d’ailleurs.</span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Aussitôt cris de reconnaissance envers toi, bavardages, etc..</span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Je conçois tes scrupules de réserve et de tranquillité, mais rien n’ira contre.
[…]</span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Grâce à ton excellent cœur, la légère nuance historique de la Tour Dorée attirera plus de monde à Camaret : n’est-ce pas un point très important pour la fête et aussi pour le bénéfice local. Deux raisons qui t’expliquent davantage encore, de la part de tous, une reconnaissance logique et, tu le devines, respectueuse. Habitués aux déboires et parfois aux misères, les marins sont très sensibles à tous plaisirs offerts, et si gracieusement.</span></div>
</blockquote>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
Avec l’aide d’Henri-Gabriel Ibels, le costumier d’Antoine à l’Odéon, Saint-Pol-Roux obtint les costumes nécessaires et la fête, malgré la pluie, fut une réussite, dont parla même la presse parisienne, <i>Le Figaro </i>et le <i>Journal des débats politiques et littéraires</i>, entre autres. En voici un extrait, tiré de ce dernier :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Le poète Saint-Pol Roux, qui passe tous ses étés à Camaret, a décidé d'illustrer les régates camarétoises, dont il a été nommé président, et qui ont lieu aujourd'hui dimanche, en commémorant cet important événement historique.</span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Il a imaginé, pour réaliser son idée, un éblouissant programme de fêtes, qui n'a pas manqué d'obtenir un très grand succès.</span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Cette "Victoire de Camaret" était personnifiée par une belle jeune fille camarétoise, Mlle Lisette Duédal, âgée de dix-neuf ans.</span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Portant les armes de France, elle était entourée par deux compagnes d'honneur portant l'une les couleurs d'Angleterre, l'autre les couleurs de Hollande.</span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Le fond décoratif sur lequel évoluait cette gracieuse trinité était constitué par des régates fleuries dans le port, celles-ci faisant face au corso fleuri du quai.</span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Ce qui donnait à cette fête sa véritable signification, c'est qu'elle avait été conçue dans un sens pacifique.</span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">S.M. George V, roi d'Angleterre, a fait écrire par son ambassadeur à M. Saint-Pol Roux, pour lui témoigner sa joie personnelle de voir commémorer la journée historique du 18 juin 1694.</span></div>
</blockquote>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
Les régates s’achevèrent par la récitation de poèmes, écrits pour l’occasion, par Saint-Pol-Roux, Jeanne Perdriel-Vaissière et Cœcilian, le fils aîné du Magnifique. Ces textes d’<a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.fr/2011/06/un-article-retrouve-de-ccilian-saint.html" target="_blank"><i>Hommage à la Victoire</i></a> furent publiés en plaquette par la <i>Dépêche de Brest</i>.</div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
Les premières années de Saint-Pol-Roux à Camaret furent donc actives et heureuses, les habitants bénéficiant de sa générosité personnelle et de celle, pudique, d’Antoine. Mais la guerre allait enténébrer ce bonheur, tout en renforçant l’amitié entre le directeur de théâtre et le poète.
</div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: right;">
(A suivre)</div>
Mikaël Luganhttp://www.blogger.com/profile/02030100149703591043noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3512815032448605100.post-22814788884816667022013-08-04T00:14:00.000+02:002013-08-04T00:14:12.331+02:00Saint-Pol-Roux & André Antoine : l'amitié de deux citoyens de Camaret (II)<u>LE RETOUR DE <a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.fr/search/label/La%20Dame%20%C3%A0%20la%20Faulx" target="_blank"><i>LA DAME A LA FAULX</i></a></u> <span style="font-size: x-small;">(1)</span><br />
<blockquote class="tr_bq">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.fr/2009/07/bulletin-des-amis-de-saint-pol-roux-n4.html" target="_blank"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg5tg6uXOsbvC8lf3s-Xr8dj6UOKR7sO4U7ft4igL2D6SNQAzM_ZBATfSQ_rI0yDo5w4g5qk-nqra2DEAxmDy9N7RWHJKc8xWLzepLx93611uOwEqJYGvdyY0AcBYnjeZIkCeL2f5ZleBdN/s1600/BASPR4.jpg" height="400" width="262" /></a></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
Après avoir quitté Paris pour séjourner à Roscanvel et y écrire sa pièce pour Antoine, le voici prêt à quitter Roscanvel pour s’installer à Camaret et devenir le voisin direct du metteur en scène. Rapprochement géographique qui avait été précédé de quelques signes de relations plus amicales. Saint-Pol-Roux avait en effet demandé à Antoine d’être le témoin d’Amélie à leur mariage qui fut célébré le 5 février 1903 à la mairie du XIe arrondissement de Paris. Antoine accepta. Puis, quelques mois plus tard, le 23 avril, il deviendra, sans assister en personne au baptême, le parrain de Divine. Entre ces deux événements, le tutoiement aura fait son apparition.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Saint-Pol-Roux n’emménagera au Boultous qu’en juin 1905, le futur châtelain ayant décidé "par mesure d’abri contre les tempêtes et aussi ou plutôt d’enjolivement" de faire entoureller son manoir. De son bout du monde, il suit les affaires d’Antoine qui brigue la direction du deuxième théâtre français : </div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">J’ai suivi avec une ferveur extrême, lui écrit-il le 1er février, les nouvelles sensationnelles touchant l’<a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.fr/search/label/Od%C3%A9on" target="_blank">Odéon</a>, mais je crois deviner à travers les journaux d’aujourd’hui que l’heure n’est pas mûre encore, hélas, d’avoir notre Antoine à l’Odéon. Décidément que c’est compliqué d’arriver à un résultat logique ! Mais ne désespérons point, la justice vaincra les marchands du Temple. Voilà des <i>siècles</i>, il me semble, que l’Odéon est clos à la Beauté. Par ce mot j’ai tenu à t’assurer de mon inébranlable confiance en l’avenir. Courage donc !</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Sans doute pense-t-il que la réussite de son imminent voisin lui permettra de réaliser sur une grande scène quelques projets dramatiques, et notamment sa <i>Dame à la Faulx</i> qui attend depuis presque dix ans. Le 20 mai 1906, Antoine entre à l’Odéon, et Saint-Pol-Roux envoie à son ami un télégramme de félicitations :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">APPRENONS TÉLÉGRAPHIQUEMENT TA NOMINATION DIRECTEUR ODÉON QUI SERA PAR TOUS APPROUVÉE CAR MIEUX QUE PERSONNE TU SAURAS FAIRE TRIOMPHER L ÉTERNELLE BEAUTÉ FÉLICITATIONS CORDIALITÉS</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Cinq jours à peine après l’annonce de la nomination, il lui soumet <i>La Dame à la Faulx</i> :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Je ne veux pas différer à plus tard ma promesse de te présenter officiellement mon drame <i>La Dame à la faulx</i>. […] Je serais grandement heureux que cette œuvre d’éternelle humanité vît enfin le jour, grâce à ta providentielle hardiesse. Avec, si possible, de Max dans le rôle de Magnus, et un tempérament à la Brandès pour incarner la Mort, nous vaincrions indiscutablement.</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Sans nouvelles du directeur de l’Odéon, Saint-Pol-Roux lui annonce, le 16 septembre, sa visite à Armor Braz, une des deux villas d’Antoine à Camaret :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Mon bien cher Ami, si mes défauts sont nombreux, du moins ne me refuseras-tu pas la vertu de discrétion. Respectueux de tes premiers travaux de directeur, j’évitai de t’importuner à Camaret, me privant ainsi du plaisir de te voir. Pardonne-moi donc de venir à la dernière heure, en obéissance à ma destinée, te demander si tu adoptes enfin la fille de mon âme et de ma chair : <i>La Dame à la faulx</i>. Ton silence jusqu’ici n’a pas désarmé le poëte, soutenu qu’il est par son espérance en ta glorieuse amitié et aussi par la flatteuse confiance des poëtes, ses frères en la Beauté, qui presque chaque jour s’enquièrent si par la réception de <i>La Dame</i> leur génération pourra s’enorgueillir d’une bataille à l’Odéon. Cette réception me serait une suprême joie certes, – et je n’ose envisager le découragement qui suivrait un refus ! […] <i>La Dame à la faulx</i> se dresse devant toi qui fus créé pour les audaces. Que ne la saisis-tu ? Ta vaillance saura faire une révélation de ce drame de formule nouvelle et d’intérêt constant, et j’ai l’absolue conviction que le peuple, attiré par mon cri d’éternelle vérité, te dédommagera au centuple. Courage, frère, les dieux sont avec nous !</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Étrangement, Antoine ne semble avoir donné aucune réponse à son ami lors de cette visite, ni dans les semaines qui suivent. Saint-Pol-Roux s’en plaint, le 8 octobre à Victor Segalen : "J’attends toujours la réponse d’Antoine touchant <i>la Dame à la Faulx</i>", précisant le même jour à Gabriel Randon : "Antoine m’avait d’ailleurs promis de l’adapter, mais je le crois encore hésitant devant les frais, quoique dans un théâtre comme l’Odéon les décors, ne manquent pas. Espérons." Puis le 29 octobre à Alfred Vallette : « "Toujours sans nouvelles d’Antoine. <i>La Dame à la faulx</i> passera-t’elle dans les spectacles d’avant-garde ? Chi lo sa !!!" Le lendemain, il adresse un nouveau télégramme au directeur de l’Odéon :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">PENSES TU UN PEU A LA DAME A LA FAULX DE TON VIEUX SAINT POL ROUX</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Antoine refusa la pièce. Ce refus fut-il à l’origine d’une brouille entre les deux voisins ? C’est possible. Toujours est-il que la correspondance s’interrompt jusqu’en 1909 et que le Magnifique aura gardé quelques rancœurs envers son ami, rancœurs dont témoigne une lettre du 25 juin 1908 à Charles Gillet :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Il paraît qu’Antoine est de plus en plus mauvaise posture à l’Odéon. Le mal vient de ce qu’il dédaigne les poëtes. Ce qui arrive lui fut bien prédit par moi. Mais il n’est pire sourd… Il serait, paraît-il, question de sa démission et de son remplacement par Lugné-Poë, avec qui peut-être y aurait-il moyen d’entrer en composition.</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Antoine, alors en difficultés, avait menacé de démissionner et Saint-Pol-Roux avait alors écrit à Régis Gignoux, rédacteur au <i>Figaro</i>, pour lui exprimer son sentiment :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Au cas où, Antoine ayant maintenu sa démission, des vœux s’exprimeraient autour de sa succession, mon suffrage irait à Lugné-Poë assurément élu déjà par la reconnaissance des poètes novateurs. Successeur légitime d’un Antoine, Lugné sera le parfait directeur d’un Odéon hardiment consacré à la Beauté Nouvelle hors laquelle point de salut possible. Vive Antoine et vive Lugné-Poë !
Si la <a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.fr/search/label/Com%C3%A9die%20Fran%C3%A7aise" target="_blank">Comédie Française</a> veut être l’avant-garde, l’Odéon doit être l’avant-garde.</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Mais Antoine ne quittera le deuxième théâtre français qu’en 1914. Entre temps, les deux hommes se seront réconciliés et Saint-Pol-Roux reviendra à la charge à deux reprises, en 1912 et 1913, essuyant de nouveaux refus. Il sera encore question de <a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.fr/2009/07/bulletin-des-amis-de-saint-pol-roux-n4.html" target="_blank"><i>La Dame à la Faulx</i></a>, des années plus tard, lorsque Antoine prendra l’éphémère direction artistique du Théâtre Pigalle, fondé par Henri de Rostchild ; le metteur en scène se dira prêt à monter la pièce de son ami, mais il quittera, faute d’une entente avec les propriétaires, ses fonctions au bout de deux mois. Les espoirs de Saint-Pol-Roux de réaliser scéniquement ses pièces grâce à l’amitié d’Antoine auront donc fait long feu.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: right;">
(A suivre)<br />
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-size: x-small;">(1) Pour lire la première partie, cliquez <b><a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.fr/2013/08/saint-pol-roux-andre-antoine-lamitie-de.html" target="_blank">ici</a></b>. </span></div>
</blockquote>
</div>
Mikaël Luganhttp://www.blogger.com/profile/02030100149703591043noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3512815032448605100.post-31517637279149783922013-08-03T10:06:00.002+02:002013-08-03T10:07:56.456+02:00Saint-Pol-Roux & André Antoine : l'amitié de deux citoyens de Camaret<div style="text-align: justify;">
<i>Je retrouve, en rangeant mes papiers, le texte d'une conférence que l'association des amis du quartier Saint-Thomas m'avait invité à donner, le 31 juillet 2010, à l'occasion des festivités organisées par la municipalité de Camaret pour commémorer le soixante-dixième anniversaire de la mort du poète. Avant qu'il ne disparaisse dans un carton, je le confie aux <a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.fr/" target="_blank">Féeries Intérieures</a>, découpé en trois ou quatre billets, dans l'espoir qu'il intéressera les lecteurs du blog.</i></div>
<blockquote class="tr_bq">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh31OuNoBe2u5PvXB7v5pb9DiFUxhU9WfReGwmE8js1uyJ4YUJoku5sum2alD5fbUrRUIVOWUe7pLQdKR7ruhlhzH8nctthQfndwvuHN-qBQ3BzFazFCHN2cIHql_UtZu57ZkNtAL-VYTNH/s1600/Affiche+Camaret+%C3%A9t%C3%A9+2010.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh31OuNoBe2u5PvXB7v5pb9DiFUxhU9WfReGwmE8js1uyJ4YUJoku5sum2alD5fbUrRUIVOWUe7pLQdKR7ruhlhzH8nctthQfndwvuHN-qBQ3BzFazFCHN2cIHql_UtZu57ZkNtAL-VYTNH/s1600/Affiche+Camaret+%C3%A9t%C3%A9+2010.jpg" height="400" width="282" /></a></div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: center;">
<b>SAINT-POL-ROUX & ANDRÉ ANTOINE : L’AMITIÉ DE DEUX "CITOYENS DE CAMARET"</b></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
Lorsque l’association des Amis du Quartier de Saint-Thomas m’a aimablement invité à conférencier en ces lieux, je ne pouvais imaginer de ne point parler de Camaret, que Saint-Pol-Roux adopta en 1905 et où il mourut dans les circonstances qu’on connaît. Et, parlant de Camaret, je ne pouvais ignorer cette autre personnalité, qui contribua à la célébrité du petit port breton et qui ne fut pas pour rien dans le choix du poète de s’établir sur la dune ; je veux dire : André Antoine.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Or, la correspondance échangée entre le Magnifique et l’homme de théâtre est quantitativement l’une des plus importantes que nous ayons pu réunir. Elle se compose de 100 lettres de Saint-Pol-Roux, conservées pour l’essentiel à la BNF, et de 4, seulement, d’Antoine. Elle s’étend sur près de quarante ans, de 1898 à 1935, et nous permet de mieux comprendre ce que furent les relations entre ces deux hommes de nature si opposée, et de mieux appréhender la vie du poète à Camaret. C’est donc à une lecture sommaire et choisie de cette correspondance que je vous convie aujourd’hui.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<u>A PARIS : RENCONTRES AUTOUR DU THÉÂTRE ET PREMIÈRES OPPOSITIONS</u></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Parler d’amitié à propos des relations d’André Antoine et de Saint-Pol-Roux peut <i>a priori </i>étonner tant leurs conceptions du théâtre les opposent. On oublie, en effet, que le théâtre, aussi certainement qu’il fut la vie d’Antoine, fut la grande ambition du poète. Certes, lorsqu’il arrive en 1882, à Paris, sous prétexte de suivre des études de Droit, qu’il abandonnera bientôt, ses vues sur le théâtre n’ont rien de révolutionnaires et le jeune poète sacrifie très volontiers aux genres à la mode, comme le monologue. <i>Un drôle de mort</i>, qui paraît chez Ghio en 1884, a même les honneurs d’une création par le célèbre Félix Galipaux, du Palais-Royal. C’est à cette époque, sans doute, qu’il découvre Mallarmé et la littérature décadente, pas encore symboliste, dans les petites revues, mais aussi dans les cafés et les cabarets.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
En 1886, il fonde, avec Ephraïm Mikhaël, Pierre Quillard, Rodolphe Darzens, la <a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.com/2007/07/de-ma-bibliothque-6-la-pliade-de-1886.html" target="_blank"><i>Pléiade</i></a>, dont sortira le <i>Mercure de France</i>, et où ses vers et proses sont particulièrement remarqués par la critique, qui en moque l’outrance et l’incompréhensible nouveauté. Paul Roux, dès lors, s’engage dans l’aventure poétique et dans la bataille symboliste. Il continue néanmoins de fréquenter les théâtres et on le voit notamment au Théâtre-Libre, que vient de créer André Antoine, un jeune employé de la Compagnie du Gaz, avec une audace et une volonté incroyables. Prenant à contre-pied les scènes officielles, il joue les naturalistes, Zola et ses disciples, des parnassiens. Avec une vérité à laquelle les spectateurs étaient peu accoutumés. On sait que notre poète assista à plusieurs représentations en 1888, grâce à Rodolphe Darzens, ancien de <a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.com/2007/07/de-ma-bibliothque-6-la-pliade-de-1886.html" target="_blank"><i>La Pléiade</i></a> et collaborateur d’Antoine, qui lui fournissait des places ; il verra également, parmi les pièces importantes, <i>les Revenants</i> d’Ibsen en mai 1890 et <i>les Tisserands</i> de Gerhart Hauptmann le 27 mai 1893. Il ne fait pas de doute qu’Antoine et Saint-Pol-Roux se sont croisés à plusieurs occasions, mais les deux hommes, le "zolaïque" et le disciple de Mallarmé, se tiennent à respectueuse distance l’un de l’autre. Aux innovations du directeur du Théâtre-Libre, le poète préfère celles de Paul Fort qui vient de fonder le Théâtre d’Art, entreprise entièrement dévolue aux symbolistes. L’ambitieuse mission que Saint-Pol-Roux confie au théâtre s’accorde en effet assez mal aux goûts pragmatiques d’Antoine. Qu’on en juge par telle définition lyrique qui clôt sa réponse à l’enquête de Jules Huret en juin 1891 :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">La réhabilitation du Théâtre sera la grande ambition des Magnifiques.
O le Drame, expression capitale de la Poésie ! O le Théâtre défini par Hegel la représentation de l’univers !... O cette création, seconde devant Dieu, première devant les hommes !... Étincelante Minerve à la fois sortie du front et des entrailles du poète !... O le Théâtre vivant, diocèse des idées, synthèse des synthèses !... Symphonie humaine, où babilleront la saveur, le parfum, la sonorité, la flamme, la ligne !... O ces êtres qui seront les formes glacées de l’eau fuyante du Rêve !... O ces vendanges idéales au vignoble de la Vérité !... Ce dialogue du sexe et de l’âme ! Ce duel de la viande vive et de la pensée nue !</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Et en pleine croisade magnifique et symboliste, le jugement de Saint-Pol-Roux sur le directeur du Théâtre-Libre se fera sévère. Ainsi, lorsqu’il tentera de faire représenter <i>La Dame à la Faulx</i>, achevée dans les Ardennes, il aura des mots cruels contre les deux représentants de l’avant-garde dramaturgique, Lugné-Poe et Antoine, dans une lettre adressée à Jules Huret et publiée dans le <i>Figaro </i>:</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">La vie est un devenir, Antoine a passé, Lugné passe… Accordez une larme pieuse à ces glorieux débris, ô poètes qui pour vous avez l’éternité, puis souriez !</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Jugement cruel qui aurait pu être définitif. Mais il n’en sera rien. Car la Bretagne va rapprocher les deux hommes.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<u>DE ROSCANVEL A CAMARET : <i>LES PÊCHEURS DE SARDINES</i>, UN PROJET POUR ANTOINE.</u></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Saint-Pol-Roux s’installe à Roscanvel, avec Amélie enceinte de Divine et leurs deux fils, durant l’été 1898. La légende, transmise par le poète lui-même, explique ce déménagement finistérien par la mystérieuse rencontre d’une belle musulmane à la foire de Montmartre, qui lui aurait conseillé de se rendre à Camaret. La réalité est quelque peu différente : le Magnifique n’avait pas l’intention de s’installer à demeure dans la presqu’île ; il avait d’ailleurs conservé son appartement parisien de la place Monge, dans lequel il passera une partie de l’année 1899. Il est donc faux de parler, à cette date, d’installation ; il s’agit plutôt, pour Saint-Pol-Roux, d’un séjour de travail. Il est venu s’imprégner de l’air breton pour une pièce qu’il destine justement à Antoine. La première lettre conservée de la correspondance, écrite de Roscanvel dans les premiers jours de septembre 1898, nous renseigne sur ce projet :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">J’ai fort avancé mon drame qui n’est plus <i>La Borde Noire</i> (titre trop restreint). Je reprends mon premier titre :</span></div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: center;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;"><i>LES PÊCHEURS DE SARDINE</i></span></div>
<div style="text-align: center;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;"><i>pièce en quatre actes
précédée d’un prologue et suivie d’un épilogue</i></span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Mon projet est de passer octobre et novembre à Camaret pour documentations essentielles. Sans doute mon modeste mais sincère travail conciliera-t’il vos difficiles suffrages. L’œuvre en pleine réalité contient néanmoins une large part de rêve. Et j’y politique aussi, légèrement, pour aller de pair avec Méline qui, vous le savez, a dans ses cartons un projet de loi pour les pêcheurs de la côte – qu’il visitait en juillet. S’il rentre dans vos possibilités d’annoncer ma pièce dans votre déjà chargé programme, me feriez grand plaisir. D’abord ça ne vous engagerait à rien, puisque c’est entre nous, et puis cette simple annonce me fortifierait aux yeux de mon père qui est justement en train d’arranger mes affaires pécuniaires. Ce serait un bel appoint moral pour moi.</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Antoine, qui n’était donc pas de nature rancunière, inscrivit bien Saint-Pol-Roux parmi les auteurs des pièces nouvelles au programme de la saison 1898-1899 du Théâtre qui portait désormais son nom. L’écriture de la pièce prendra, malheureusement, plus de temps que prévu, et si on ne possède pas de lettres au metteur en scène entre cette première et 1903, on sait grâce à des confidences que le poète fait à d’autres correspondants que le projet le tient pendant plus de trois ans. Le 3 octobre 1898, il écrit à Gustave Kahn : "Nous vivons ici - pour un temps encore - dans une adorable bicoque, sur une côte naïve de Bretagne. Mes deux diables passent leurs heures dans le Sel Éternel, et moi je parachève pour mon ex-voisin Antoine une pièce sur les Pêcheurs de Camaret…" L’appellation "ex-voisin" s’explique par le fait qu’Antoine, qui villégiature l’été depuis près d’une décennie à Camaret est rentré à Paris. Un an plus tard, le 6 janvier 1900, le Magnifique confie à Gabriel Randon, alias Jehan Rictus : "Me voici Breton pour quelques mois, aux fins de parachever pour Antoine mes <i>Pêcheurs de Camaret</i> si délaissés depuis des temps et des temps." Une telle citation, comme le "pour un temps encore" de la précédente, prouve que l’intention première de Saint-Pol-Roux n’était pas de s’installer sur la presqu’île. La décision n’est peut-être pas encore prise lorsqu’il écrit à Victor Segalen, le 12 novembre 1901 : "Suis en train de terminer ma pièce pour Antoine : <i>Les Pêcheurs de Sardines</i>."</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Le poète achèvera l’œuvre probablement au cours de l’année suivante mais, aura-t-elle déplu à Antoine ou viendra-t-elle trop tard, pas plus que <i>La Dame à la Faulx</i>, le chef-d’œuvre symboliste, elle ne sera représentée ; et, bien qu’annoncée à paraître en 1904 dans <i>De la Colombe au Corbeau par le Paon</i>, elle ne connaîtra pas davantage de réalisation livresque. Un extrait, intitulé "Les litanies de la mer", en fut toutefois publié par le <i>Mercure de France</i> de décembre 1903, emprunté à l’acte III et dédié "à Antoine, citoyen de Camaret". Passage que Saint-Pol-Roux reprendra vingt ans plus tard pour l’insérer dans sa <a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.com/2010/03/vient-de-paraitre-litanies-de-la-mer.html" target="_blank">synthèse verbale pour orchestre vivant</a>, éditée il y a quelques mois par René Rougerie. De quoi était-il question dans cette pièce, très-éloignée de l’inspiration symboliste ? La Bibliothèque Littéraire Jacques Doucet en conserve le premier acte, entièrement rédigé sur un cahier d’écolier, et Saint-Pol-Roux donne, avant l’extrait du <i>Mercure de France</i>, un long paragraphe situant ces "Litanies de la mer". Il est donc possible d’en restituer l’argument jusqu’à la fin de l’acte III. Les pêcheurs, "las des bas prix imposés par les Sardineries", se mettent en grève le jour du Pardon. Un jeune marin, If, "sorte d’apôtre à l’âme de héros, chef apparent des pêcheurs qui le chérissent pour son dévouement à leur cause et le considèrent pour son esprit orienté vers le progrès", conduit les équipages, accompagnés de leurs famille, au large pour glorifier la mer, qu’ils aimaient jusqu’ici "pour sa nécessité seulement, et non pour sa beauté".</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Nous ignorons, hélas, le dénouement de ce drame, qui nous révèle un Saint-Pol-Roux préoccupé par les difficultés sociales de son temps, et dont la gestation lui permit d’aimer davantage la Bretagne et les Bretons. Car en 1903, il a choisi de s’installer définitivement et de bâtir à Camaret sa <a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.com/2011/08/par-la-cage-des-escaliers-mon.html" target="_blank">demeure irrévocable</a>, qui n’est pas sans lien avec la pièce :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Vous savez peut-être, écrit-il à Victor Segalen le 15 octobre, que j’ai fait construire un petit château à Camaret, sur les hauteurs du Toulinguet. On le parachève en ce moment. Ça s’appellera <i>Le Manoir du Boultous</i>, d’après la scène principale de mes <i>Pêcheurs de Sardines</i>, qui se passe dans la vieille petite maison originale que j’ai encastrée dans la construction.</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: right;">
(A suivre) </div>
Mikaël Luganhttp://www.blogger.com/profile/02030100149703591043noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3512815032448605100.post-11530161721797713692013-08-01T14:52:00.000+02:002013-08-01T14:52:02.303+02:00Saint-Pol-Roux, précurseur du Créationnisme<div style="text-align: justify;">
Le Chilien Vicente Huidobro (1893-1948) est probablement le plus injustement méconnu des aventuriers de la poésie moderne. Son œuvre mériterait pourtant qu'on lui accorde une place non négligeable dans les histoires de la littérature du XXe siècle, aux côtés d'Apollinaire, de Reverdy, de Max Jacob, de Cendrars. Est-ce son cosmopolitisme - car il partageait sa vie entre son pays natal, la France et l'Espagne - qui l'empêcha d'obtenir cette place dans nos mémoires ? Ou est-ce simplement parce que ses théories poétiques, qu'il développa à partir de 1912 et qu'il baptisa "créationnisme", ne firent pas école ? Sans doute les "ismes" étaient-ils bien trop nombreux avant guerre pour qu'une théorie, en particulier, dans ce cacophonique et passionnant concert, sortît du lot et dirigeât l'ensemble. Après 1918, l'espace poétique fut pris d'assaut par les dadaïstes suivis de près par les surréalistes, isolant davantage l'avant-gardiste Huidobro, dont l’œuvre avait, à l'évidence, contribué à rendre le terrain favorable à l'apparition de cette génération nouvelle. Cet isolement aura poussé le Chilien à publier en 1925, quelques mois seulement après la parution du <i>Manifeste du Surréalisme</i>, ses propres <i>Manifestes</i>.</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg8DuZt8LyObYVovH-pPmwuoJglozdZVyNQyNFqsuRocl64BektlgTBJ4vwTV6gOLFtpheuKRzo6eWR369DploS5H_uDzkznHbq_bfxMA_RmcyCy3K9hyphenhyphenCtXyy7xBd_7NRqs-a0PrzwuWXZ/s1600/HUIDOBRO+(MANIFESTES,+Revue+Mondiale,+1925).JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg8DuZt8LyObYVovH-pPmwuoJglozdZVyNQyNFqsuRocl64BektlgTBJ4vwTV6gOLFtpheuKRzo6eWR369DploS5H_uDzkznHbq_bfxMA_RmcyCy3K9hyphenhyphenCtXyy7xBd_7NRqs-a0PrzwuWXZ/s1600/HUIDOBRO+(MANIFESTES,+Revue+Mondiale,+1925).JPG" height="400" width="251" /></a></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Il s'agit pour Huidobro d'affirmer la primauté du Créationnisme en instaurant un dialogue critique entre ses théories et les nouvelles avant-gardes : "J'ai sous les yeux les manifestes dadas de Tristan Tzara, trois manifestes surréalistes et mes articles et manifestes personnels. La première chose que je constate, c'est que nous avons tous certains points communs, une surestimation logique de la poésie et un mépris aussi logique du réalisme." Rapidement rappelés les points de rencontre, l'auteur s'évertue surtout à signaler combien les découvertes surréalistes (écriture automatique, importance de l'image, etc.) s'inscrivent dans une tradition - Huidobro note notamment qu'il inventa le jeu du cadavre exquis dans l'atelier de Juan Gris avec Picasso - et développe une critique de fond contre le mouvement défini par Breton. C'est à l'automatisme, tel qu'il définit le Surréalisme de 1924, que s'en prend le Chilien. Pour lui, en effet, il n'est ni possible ni souhaitable d'abolir le contrôle de la raison dans le travail poétique : "Alors, si votre surréalisme prétend nous faire écrire comme le médium automatiquement, à la vitesse d'un crayon sur la piste des motocyclettes sans le jeu profond de toutes nos facultés mises sous pression, nous n'accepterons jamais vos formules. [...] La poésie doit être créée par le poète, avec toute la force de ses sens plus éveillés que jamais et le poète tient son rôle actif et non passif dans le rassemblement et l'engrenage de son poème." Il s'agit d'atteindre une "superconscience", moment particulièrement intense, qui confine au délire, où la raison et l'imagination, poussées à leur plus haut période, travaillent de pair pour donner forme au poème. A un poème qui soit inouï, invu, inédit ; qui soit une réalité nouvelle. C'est ce que Huidobro nomme Créationnisme. Le poète ne décrit pas, pas plus qu'il ne chante ou qu'il ne commente le monde ; il produit du nouveau. Il crée de la vie supplémentaire : "un poème dans lequel chaque partie constitutive et tout l'ensemble présente un fait nouveau, indépendant du monde externe détaché de toute réalité autre que lui-même, car il prend sa place dans le monde comme un phénomène particulier à part et différent des autres phénomènes." L'image est, bien entendu, le ressort essentiel de cette poésie. La définition qu'en donne Huidobro précède historiquement celle qu'en donne Breton, mais s'accorde avec elle sur le fait qu'elle rapproche "deux réalités distantes" : "L'image est l'agrafe qui les attache, l'agrafe de lumière." Coïncidence. Saint-Pol-Roux avait donné, dans des termes similaires, une définition métaphorique, non pas de l'image mais des Choses, à la fin du "Liminaire" des <i>Reposoirs de la Procession</i> (1893) : "O Choses : agrafes de cil sur les lumières !" Coïncidence, car Huidobro précise n'avoir découvert l’œuvre théorique du Magnifique que tardivement, au moment où il organise ses réflexions et ses manifestes en volume. Le Créationniste n'hésite pas, pour autant, à reconnaître une parenté certaine entre ses postulats et l'idéoréalisme saint-pol-roussin :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">"A l'époque où j'inscrivais mes méditations sur la poésie, je ne connaissais pas les théories du poètes Saint-Pol-Roux, mais un fluide secret m'attirait vers lui. C'est ainsi que j'ai parlé de lui très souvent, que j'ai cité plusieurs fois ses poèmes lus dans des anthologies, surtout je m'indignais contre Remy de Gourmont lequel avec un manque de respect unique traduisait ces images en langage vulgaire et osait établir une table de ces mêmes images avec un <i>égal à</i> d'une naïveté et d'une impertinence intolérable.</span></div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Il faut le proclamer hautement Saint-Pol-Roux a été un des rares artistes à vouloir donner au poète tout le prestige de ce mot magique.</span></div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">J'applaudis ici de tout mon cœur les jeunes poètes qui ont fait ressortir le Magnifique, avec toute sa magnificence naturelle, d'un presque oubli horriblement injuste.</span></div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Moi-même, je me sens honteux de le déclarer, moi-même, je n'avais pas pensé, en dix ans que je suis à Paris, à acheter ses œuvres, et c'est seulement au mois de janvier de cette année que je suis allé au "Mercure de France" les demander, malheureusement elles sont épuisées et on ne pense pas à les rééditer.</span></div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">(N'y aurait-il pas un moyen de les faire rééditer ?)</span></div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Cet homme admirable a dit déjà, en 1913, des choses que j'ai la plus grande joie à transcrire ici :</span></div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;"><i>Géomètre dans l'absolu, l'art va maintenant fonder des pays, pays participant par l'unique souvenir de base à l'univers traditionnel, pays en quelque sorte cadastré d'un paraphe d'auteur, et ces pays originaux où l'heure sera marquée par les battements de cœur du poète, où la vapeur sera faite de son haleine, où les tempêtes et les printemps seront ses joies et ses peines à lui, où l'atmosphère résultera de son fluide, où les ondes exprimeront son émotion, où les forces seront les muscles de son énergie, et des énergies subjuguées, ces pays, dis-je, le poète dans un pathétique enfantement, les meublera de la population spontanée, de ses types personnels.</i></span></div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;"><i>La science proprement dite n'aura rien à prétendre en ces miracles, la poésie se déclarant soudain science en soi, science des sciences, capable de se suffire, en possession de règles capricieuses, lesquelles se différencient selon chaque poète, mais ressortissent à une loi primordiale, la loi des dieux.</i>"</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
C'est par cette longue citation de "La réponse périe en mer" du Magnifique, que s'achève le texte liminaire des <i>Manifestes </i>de Huidobro, comme pour introduire le suivant qui définit "Le Créationnisme". On voit combien les conceptions des deux hommes sont proches. Saint-Pol-Roux et Huidobro auront passé leur vie à rappeler l'étymologie du poète : il est le créateur. Aussi Idéoréalisme et Créationnisme sont-elles des théories sœurs. J'ignore si les deux hommes correspondirent, si Huidobro envoya un exemplaire de ses <i>Manifestes </i>et s'il continua à s'intéresser aux publications en revues du Magnifique ; mais il semble évident qu'il n'aurait pas manqué alors d'applaudir, de nouveau et "de tout son cœur", la parution, en 1932, du "Liminaire de la <i>Répoétique</i>".</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;"><u><b>Nota</b></u> : Dans le texte "Futurisme et Machinisme", Huidobro mentionne encore le nom de Saint-Pol-Roux : "Et si j'ai dit que le futurisme n'a rien apporté c'est parce que j'ai ici devant mes yeux vos poèmes et que même les plus modernes sont bien plus vieux que Rimbaud, que Mallarmé, que Lautréamont, que Saint-Pol-Roux." Un <i>si étonnant précurseur</i>, disait Camille Mauclair du Magnifique ! On le vit à l'origine du Naturisme, de l'Unanimisme, du Dramatisme, du Futurisme, du Surréalisme. Peut-être Saint-Pol-Roux s'était-il simplement contenté de lancer, fidèle au programme énoncé dans sa jeunesse, la poésie <i>en avant</i>.</span></div>
Mikaël Luganhttp://www.blogger.com/profile/02030100149703591043noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3512815032448605100.post-62454544459274727602013-07-27T17:10:00.000+02:002013-07-27T21:57:01.109+02:00CŒCILIAN ou LE FILS HÉROÏQUE (Troisième partie)<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: center;">
<b><span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Mort au champ d'honneur</span></b></div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Cœcilian Roux, sergent au 141e de ligne, fils aîné du poète Saint-Pol-Roux, est tombé glorieusement à la prise de V..., jeudi 4 mars.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Frappé mortellement au cours de la journée, il fut transporté à l'hôpital, où il mourait quelques heures après.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Cœcilian Roux, sur la ligne de feu depuis le début de la guerre, avait pris part à des combats sans nombre, toujours se signalant par cette bravoure exemplaire qui l'avait fait nommer caporal puis sergent à quelques jours de distance et allait lui mériter le grade de sous-lieutenant.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">La <i>Dépêche </i>publiera quelques lettres de ce jeune héros qui part, à l'âge de 23 ans, pleuré par tous ceux qui connurent son âme si généreuse et fraternellement salué par ses chefs et ses compagnons d'armes.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Un service, dont nous ferons connaître la date, sera célébré à l'église de Camaret, la semaine prochaine.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Dans cette douloureuse circonstance, nous prions notre ami Saint-Pol-Roux et madame Saint-Pol-Roux d'agréer nos plus affectueuses condoléances.</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
C'est en ces termes que le quotidien, qui avait régulièrement rendu compte des exploits sportifs de Cœcilian et publié son premier et - à ce jour - seul article connu, saluait la mort du jeune homme. Six mois après la déclaration de guerre, Cœcilian était donc mortellement blessé à Vauquois et succombait à l'hôpital au bout de quelques heures. Il avait devancé l'appel, choisissant de s'engager, le 18 juin 1913, pour trois ans - alors que la loi augmentant la durée du service de deux à trois ans ne devait entrer en application que deux mois plus tard - au 141e Régiment d'Infanterie, l'ancien régiment de son père, au sein duquel ce dernier participa à "la sotte guerre de Tunisie". Lorédan, s'était lui engagé six mois plus tôt chez les dragons (3e R. I.), le 13 janvier, et se trouvait stationné à Nantes.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Le registre matricule (n° 1966), conservé aux archives départementales du Finistère donne de Cœcilian le signalement suivant :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Cheveux : châtains</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Yeux : roux</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Front : haut</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Nez : moyen</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Visage : ovale</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Taille : 1 mètre 65 centimètres</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Degré d'instruction : 4 [<i>a obtenu le brevet de l'enseignement primaire</i>]</span> </div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi96No83dG21pT7hGuAPl2M9RdK1JVQ5SjMZg66fEgSOUQOU56rjoTAQfSXhaonN13jC0Rpn3nD5wp33VKxGF4Gpnxl06NG3NsOHs0L72RxE4rLkDbmPRcBHL6W52_4B1aK4-322YYZ1LBg/s1600/Coecilian.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi96No83dG21pT7hGuAPl2M9RdK1JVQ5SjMZg66fEgSOUQOU56rjoTAQfSXhaonN13jC0Rpn3nD5wp33VKxGF4Gpnxl06NG3NsOHs0L72RxE4rLkDbmPRcBHL6W52_4B1aK4-322YYZ1LBg/s1600/Coecilian.JPG" height="640" width="454" /></a></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
On peut y lire aussi la rapide progression du jeune homme au sein de son régiment. Soldat de première classe, le 15 juillet 1914, il est nommé caporal le 25 août, puis sergent le 10 octobre. Ses qualités physiques et son intelligence lui auront probablement permis de gravir les échelons assez rapidement. L'article nécrologique cité plus haut nous apprend par ailleurs qu'il n'allait pas tarder à devenir officier. Les combats ne lui en laissèrent pas le temps, et, maigre consolation, lui obtinrent, de façon posthume, la croix de guerre avec palme et une citation à l'ordre de l'armée.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Saint-Pol-Roux et Amélie furent, on s'en doute, profondément affectés par la mort de Cœcilian. Sa mère devait tomber gravement malade et après de nombreuses rechutes mourir en 1923. En ce qui concerne le poète, une lettre qu'il adressa à Victor Segalen le 17 avril 1915 dira mieux que nous pourrions le faire comment il vécut son deuil :</div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
<blockquote class="tr_bq">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Mon très cher, soyez tendrement remerciés, le bon ami Quédec et toi pour les résultats acquis à Verdun touchant les moments suprêmes de mon adoré Cœcilian. De tous les renseignements parvenus par vous, par Auffret et par un autre, il résulte que le glorieux enfant arriva à l’hôpital dans le coma. Nul ne put recevoir de lui une parole. "Il mourut sans souffrance", résume le Docteur Auffret. Je veux le croire, et je le crois fermement. Donc Auffret m’a répondu, selon ta prévision, après s’être allé documenter auprès de Sheilter, l’officier gestionnaire ; par retour je l’ai prié de fleurir la tombe de mon héros, que j’irai religieusement prendre après la guerre. Ma femme, ma fille et moi reprenons quelque sérénité devant tant de lettres affectueuses, mais, en dépit de la fierté, la blessure reste ouverte… Excuse mon retard, mais, j’avais prié notre exquise Jeanne Perdriel de t’aviser de la réception ici de ta lettre. Égoïstement, je t’ai fait passer après quelques autres : les premiers seront les derniers. Entre temps, pour ne pas sortir du cadre filial ou paternel, je termine une<i> Berceuse héroïque des Morts pour la Patrie</i>. Sinon je n’eusse rien pu réaliser, tant je me sens dépossédé. Le travail, même imparfait, me réintègre en moi-même. Et puis on est poète et, bien ou mal, il nous faut signer nos douleurs comme nos joies. Cœcilian vient d’être officiellement cité à l’ordre de l’armée : nous conserverons donc sa "croix de guerre". Enfin, que son frère cadet nous revienne ! Il est si fier, ce gars, d’être là-bas pour venger son frère. [...] A toi, à vous, en mon Cœcilian ! Dis à Quédec que je le remercie de toute mon âme.</span></blockquote>
La poésie, tournée vers le <i>signe ascendant</i>, reprenait naturellement sa place pour illuminer de vie ces temps particulièrement sombres. Cœcilian continuerait à vivre dans les écrits de guerre et dans le quotidien du Magnifique, qui allait rebaptiser son Manoir du Boultous, Manoir de Cœcilian.<br />
<br />
Mais rendons, une dernière fois, la parole au fils héroïque, en reproduisant les extraits de ses lettres de guerre que la <i>Dépêche de Brest</i> publia dans son numéro du 17 mars 1915.<br />
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: center;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;"><b>"LA VICTOIRE QUAND MÊME !"</b></span></div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">(Les notes suivantes, communiquées par le poète Saint-Pol-Roux, sont extraites de lettres de son fils aîné Cœcilian Roux, sergent au 141e de ligne, blessé mortellement à la prise de V... Son capitaine, M. Combalot, qui fit un rapport, pour une citation, relate que Cœcilian, dans l'exaltation de son sacrifice, s'écria face à l'ennemi : <i>C'est pour la Patrie !... Nous aurons la Victoire quand même !... Vive la France !</i> L'héroïque sergent, pour le repos de l'âme de qui un service sera célébré demain jeudi à Camaret, à dix heures du matin, se trouvait sur le front depuis le début des hostilités, comme d'ailleurs son jeune frère Lorédan qui est cavalier au 3e dragons.)</span></blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;"><i>- 29 janvier</i>. - Bien chers parents... Cette lettre est à la fois l'écho de mon pauvre cœur attristé par la mort de quatre frères d'armes, le 20 courant, dans une tranchée de petit poste, et l'apologie de la lutte idéoréaliste, entreprise par mon pays depuis bientôt six mois... De même qu'autrefois Jésus gardait son divin sourire en offrant son corps en holocauste pour l'humanité, vos petits soldats d'aujourd'hui à l'âme infiniment bonne versent gaiment le sang de leur chair juvénile pour l'honneur de leurs lois et votre indépendance...</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Je sais, aux Indes mystérieuses, un grand poète qui haussa sur un piédestal magnifique la Beauté au cours des superbes envolées d'un volume : <i>L'Offrande lyrique</i> ; or je me demande si les humbles combattants que nous sommes n'entreprenons pas d'écrire une œuvre sublime que l'on pourrait appeler : <i>L'Offrande charnelle</i> ? Allez, on y va bravement de nos beaux vingt, ans, sans relâche, heureux et fiers, car nous sentons que nous refaisons le vieux monde avec nos tout-petits printemps... Et puis, en ce qui nous concerne plus particulièrement, je ne cesserai de vous le répéter, nous voulons honorer chaque jour davantage notre cher Midi que d'embusqués menteurs tentèrent d'obscurcir. Si, le long de cette formidable guerre, nous devons mourir, nous les enfants du 141e, ce sera pour l'entière et pure gloire du 15e corps, ce sera pour le soleil sans tache de notre adorable Marseille !...</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Je m'en voudrais de ne pas vous narrer dans quelles circonstances furent tués mes braves amis que j'ai trouvés pantelants dans la boue de la tranchée. Ma section avait, à fournir, pour préserver sa première ligne, un petit, poste d'une demi-section détaché à une cinquantaine de mètres en avant entre les tranchées française et allemande. Ce petit poste devait se garder à gauche, en avant et à droite par deux sentinelles doubles pendant la nuit ; pendant le jour il devait éviter de se trop faire voir car des batteries de 77 ennemies pouvaient le prendre d'enfilade. La nuit du 19 au 20 se passa ibien pour mes pauvres héros, le début, de la matinée promettait également d'être calme lorsque, vers onze heures, une trentaine d'obus tirés à faible portée arrosa la tranchée. Le même obus, un percutant à mélinite, en tua quatre, et blessa cinq. Les malheureux survivants se cachèrent de leur mieux sans abandonner le poste, attendant jusqu'au soir la relève<br />qui demanda du secours pour dégager les morts ensevelis sous la terre.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Le lendemain, j'ai pris à mon tour avec ma demi-section. 24 heures de garde dans cette tranchée tragique ; heureusement, pour nous le canon ennemi se tut, sans doute contrarié par le feu convergent de nos 75. Par contre, nous en sommes sortis absolument transis et couverts de boue. - Le 22, j'ai rendu les derniers honneurs aux bien-aimés camarades tombés le 20 en ornant leurs tombes de branches de sapin et de bordures de mousse...</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">La nuit dernière, j'ai encore passé six heures avec une escouade, en petit poste à 20 mètres des boches, par un froid terrible et un clair de lune féerique. Une certaine fois il nous arriva d'être seulement à <i>sept mètres</i>. Si vous saviez les sensations éprouvées dans de telles circonstances ! Comme le cœur bat la charge lorsqu'on entend l'ennemi causer si près et que l'on se trouve une dizaine seulement!... Il faut y être pour comprendre enfin ce qui s'appelle un poste de confiance, - et quelle joie quand la relève arrive et qu'il n'y a pas de mal !</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Oui, quel bonheur lorsque las, épuisés par une huitaine de jours en première ligne nous allons cantonner au hameau le plus proche. On se retrouve alors presque chez soi, les colis contenant mille petites choses soigneusement empaquetées par des mains affectueuses nous sont distribués ainsi que les lettres, les <i>babillardes </i>comme Pitou les nomme, et c'est la folle noce, tous les visages si sérieux en avant-poste se dérident, enfin une universelle gaîté illumine toutes ces figures bronzées des jeunes grognards de l'an 15... Puis le soir - ô joie ineffable ! - au lieu de dormir à la brune ou de chasser le boche, chacun s'enfonce dans la<br />paille d'une grange après avoir savouré les friandises des bons parents qui prennent la guerre pour une chose sérieuse, alors que leurs petits en font une rigolade...</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Je termine ma lettre en vous embrassant, laissant le 75, qui tape dur en ce moment, mettre le sceau à ces lignes écrites à quelques 120 mètres des boches..</span></div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">- <i>30 janvier</i>. -Voyant que le calme persiste je veux vous parler des "Poilus" de l'Argonne, dont je suis...</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Ce ne sont plus les petits pioupious qui déambulent le dimanche en temps de paix sur les boulevards le visage jeunet, souriant, et les godillots cirés comme une armoire ; non, mais bien de véritables guerriers dignes des anciens héros de la Vieille Gaule, couverts comme eux de peaux de bête afin de se garantir du froid rigoureux et le visage caché par une barbe hirsute, visage dont on n'aperçoit que deux petits yeux luisants comme des étoiles et furtifs comme des cailles... C'est qu'ils en ont vu les yeux des Poilus, qu'ils sont méfiants et perçants, en un mot de véritables percutants à faire frémir les boches.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Qu'ils appartiennent aux fusiliers-marins, à la Légion Garibaldienne ou aux autres corps disséminés dans les forêts qui s'étendent de la Woëvre jusqu'aux abords de Verdun, en Argonne enfin, ils sont tous les mêmes. N'ont-ils pas, tous, les mêmes occupations, les mêmes désirs, les mêmes souffrances et les mêmes heures héroïques?... Allez, ils pourront, vous en raconter plus tard, les Poilus de l'Argonne, et vous pourrez les croire sur parole, car ils n'auront pas besoin d'inventer pour vous intéresser.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">La vie des tranchées a beau déprimer l'homme, elle ne lui enlève cependant pas sa mobilité d'esprit qui fait la force du soldat - les heures gaies succèdent ainsi sans transition aux heures tristes - et l'ingéniosité qui fait de la guerre une chose, infiniment complexe et variée on ne peut plus. C'est ainsi que, à côté des 120 et 155 longs, suprêmes bijoux du génie destructeur moderne voisinent et luttent avec succès, dans un rôle bien différent, bien entendu, les mortiers analogues aux désuètes couleuvrines qu'employaient les artilleurs de François Ier à la bataille de Pavie, et les bombes, grenades et autres projectiles que l'on se lance, les uns aux autres des tranchées de première ligne en faisant bien souvent plus de bruit que de mal. Ces mortiers, presque tous taillés dans des cœurs de chêne encerclés de fer, ou ceux-là plus modernes, tout de bronze coulés, sont surtout, employés la nuit par le génie qui, de la première, lance ainsi de grosses bombes remplies de ferrailles qui font un bruit infernal et affolent l'ennemi. - Les grenades à mains et bombes analogues à celles employées par les nihilistes sont lancées par des Poilus qui s'approchent à la faveur de l'obscurité le plus près possible des tranchées boches, les allument à l'aide d'un tire-feu et les jettent dans les tranchées.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Un autre moyen de destruction très fréquemment, employé, c'est la sape à la mélinite qui produit des ravages effrayants. Voici brièvement, en quoi consiste ce travail assez long et pénible. Des sapeurs creusent une sape à une profondeur de deux ou trois mètres au pied de leur tranchée et la continuent par un souterrain qui va afboutir sous la tranchée ennemie ; ils y déposent, quelques centaines de kilos de mélinite et la font exploser de leur tranchée à l'aide d'un cordon Bidkford. Au moment de l'explosion, une ou deux compagnies d'infanterie massées et cachées s'élancent sur l'ennemi qui, affolé par l'explosion, fuit, en toute hâte, abandonnant ses positions. Il arrive très souvent, que l'on sape des <i>deux côtés à la fois</i>, c'est alors à qui arrivera le premier.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Voilà les petits jeux des Poilus de l'Argonne. A quand le déclic pour la frontière ? Avec quelle joie l'on quittera "Tranchée-Ville" pour le grand choc !...</span></div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">-<i> 31 janvier</i>. - Encore le temps aujourd'hui de vous écrire une babillarde !... Quel sujet attaquer, si ce n'est, celui des Poilus dont hier déjà je vous contais la vie ?... Aujourd'hui donc je vais vous parler des <i>villages nègres</i>, des <i>poilus cuisiniers</i>, des <i>poilus cantonniers</i> et des <i>poilus charbonniers</i>.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Au début de la campagne nous partions le cœur léger pour une lutte à découvert, manière de combattre qui convient bien à notre caractère primesautier et téméraire. Seulement, si une telle raçon de combattre mérite l'admiration, elle coûte cher en vies humaines et ne tarde pas d'ailleurs en dépit de ses multiples péripéties à épuiser les troupes. De plus, les boches se sentaient perdus en terrain plat, sans abris, après leur retraite de la Marne, ce qui fait qu'ils se terrèrent aussitôt, nous amenant à les imiter. Cette nouvelle tactique nous était, non pas inconnue, mais presque étrangère, ce qui nous obligea pour ainsi dire à une instruction quasi totale, à une véritable adaptation de la guerre de tranchées. Comme nous nous trouvions précisément en Argonne, aucun terrain ne pouvait mieux nous être utile pour nous mettre, en quelques jours à niveau des boches et rivaliser avec eux d'ingéniosité dans la construction d'abris de toutes sortes et de tranchées nouveau modèle dont les plans n'étaient à coup sûr point prévus sur nos manuels d'instruction.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Les gens qui visiteront l'Argonne après la guerre, verront, à tout instant de curieux vestiges de la <i>grande épopée</i> que nous écrivons en ce moment à coups de baïonnette et riront de l'ingéniosité des Robinsons gaulois et boches.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Lorsque nous nous sentons les reins solides sur une belle position, les tranchées de première ligne étant déjà faites, nous commençons la construction de huttes et cases aux formes infiniment variées avec les arbres que nous abattons sur place puisque nous sommes dans les bois. Avec des rondins aux dimensions diverses, nous faisons des tables, des chaises ; avec les branches souples, des claies que nous mettons sur les toits recouverts par la suite de terre. La forme de ces abris est laissée au goût des constructeurs, lesquels affectionnent soit la hutte du peau-rouge, soit la case genre maori ou calédonien. Il existe aussi les maisons souterraines qui ont l'avantage d'être à l'abri des obus et des balles et qui conservent mieux la chaleur.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Toutes ces cases portent des noms à faire rougir les splendides villas de la côte d'Azur et de la côte d’Émeraude : <i>Villa Joffrette</i>, <i>Villa des Pinsons</i>, <i>Au boche à la mode</i>, <i>Elysée-Palace</i>, etc..., et quoique leurs tentures soient plus modestes on y passe des heures douces lorsque l'on est relevé des tranchées de première ligne.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Comme bien vous pensez, l'on mange de bon appétit sur le front et l'on n'a pas à sa disposition les maîtres-queux de l'arrière. Aussi sont-ce de bons bougres de l'escouade, des débrouillards - les <i>cuistots </i>- qui font la popote des copains qui surveillent l'ennemi dans la première tranchée et l'apportent la nuit avec des allures de nègres échappés pour un moment de leur enfer où mijote le riz sous les regards attendris d'une vestale - lisez le cuisinier de garde - car... <i>pas de femme !</i> tel est l'ordre du colonel, comme dans l'opérette.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Les laies forestières sont en si mauvais état qu'il a fallu employer à leur entretien des poilus - les <i>poilus cantonniers</i> - qui, à coups de pioche et de pelle, enlèvent la boue pendant que les copains de la tranchée qui guignent le boche regrettent de n'avoir pu chopper cette "combine", comme ils disent.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Les <i>poilus charbonniers</i>, eux, sont les plus veinards. En effet, à deux ou trois kilomètres en arrière au fond d'un bois, ils coupent les branches qui serviront à la confection de leurs meules, recouvrent le tout de terre et allument, attendant que le charbon de bois soit prêt pour le porter aux tranchées...</span></div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">- <i>D'une lettre à ses cousines de Marseille</i>. - La guerre est une triste chose, quand même, et quand je songe aux jolis yeux semblables aux vôtres qui pleureront, je ne puis contenir mon émotion ; aussi joignez bien vos petites mains blanches pour ceux qui luttent ici pour la défense du sol sacré, et demandez à Dieu d'être clément pour leurs âmes !...</span></div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">- <i>Dernières cartes, 28 février</i>. - Heures ultraglorieuses en Argonne. Ça barde on ne peut plus et nous grignotons le boche. Bonne santé toujours et état moral de premier ordre. Gros baisers et bon courage !</span></div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">- <i>1er mars</i>. - Toujours dans les tranchées de V... où nous en faisons voir de cruelles aux boches. Bien portant et gaillard malgré la maudite pluie qui ne cesse de nous inonder. Ah ! les beaux jours et la poursuite vers le Nord !</span></blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">- <i>2 mars</i>. - Toujours dans les tranchées des abords de V..., où ça barde à perpète. Mauvais temps, mais esprit toujours aussi calme. Je vous écris de ma tranchée de poste avancé où je suis détaché pour 24 heures avec mes hommes afin d'écouter les boches et je confie ma carte au cuisinier qui viendra nous porter la cuistance une fois la nuit venue...</span></blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">- <i>3 mars</i>. - Quelques coups durs cette nuit, mais tout va bien pour moi : X... est pris après une lutte héroïque. Grande confiance dans la lutte finale...</span></div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: right;">
<b><span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Cœcilian ROUX.</span></b></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Ce sont là de beaux documents qui intéresseront autant ceux que l'histoire de la Grande Guerre passionne que les amateurs de Saint-Pol-Roux. Ces lettres ne se contentent pas de donner un assez riche aperçu de la vie dans les tranchées, elles ajoutent les dernières touches à notre portrait de Cœcilian en fils héroïque, en héros chez qui le patriotique courage le dispute ici à l'humour et à la légèreté. Sans doute, ne doit-on pas être dupe de cette légèreté et de cette confiance affichées dans une correspondance destinée aussi à rassurer des parents inquiets. Car "la guerre est une triste chose, quand même". Cet aveu, dans la "lettre à ses cousines de Marseille", cousines qu'il était probablement moins urgent de préserver, n'est-il pas le contrepoids humain au dernier cri lancé par le jeune homme : "la victoire quand même !" ?</div>
</div>
Mikaël Luganhttp://www.blogger.com/profile/02030100149703591043noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3512815032448605100.post-89732679749638150372013-07-26T23:56:00.002+02:002013-07-26T23:56:46.345+02:00CŒCILIAN ou LE FILS HÉROÏQUE (Deuxième partie)<div style="text-align: justify;">
Sportif accompli, avancé-je dans mon <a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.fr/2013/07/ccilian-ou-le-fils-heroique-premiere.html" target="_blank">précédent billet</a> pour qualifier le fils aîné de Saint-Pol-Roux, Cœcilian l'était incontestablement. On en trouve les preuves en feuilletant la collection de <i>La Dépêche de Brest</i> qui manquait rarement de donner les résultats des compétitions sportives amateurs de la presqu'île. Le sport de prédilection de l'adolescent semble avoir été le cyclisme. Sa première apparition dans les colonnes du quotidien en tant que participant à une course date du mardi 17 septembre 1907. Il a alors quinze ans. Le dimanche précédent, à l'occasion de la fête de la jeunesse sportive brestoise (J. S. B.), il prend part à une course reliant Camaret à Crozon : une dizaine de kilomètres à parcourir sur une bicyclette rudimentaire et sur une route bien moins carrossable que celle d'aujourd'hui. Lisons plutôt le bref compte rendu du correspondant de <i>La Dépêche</i> :<br />
<blockquote class="tr_bq">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">A dix heures précises, les concurrents de la course réservée à la jeunesse camarétoise se mettent en ligne et s'élancent sur Crozon à bonne allure.</span><br />
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Cette course a été exécutée, en vrai coureur professionnel, par le jeune Saint-Pol-Roux, qui a effectué le parcours en 43 minutes, battant de loin ses concurrents.</span><br />
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Voici les résultats de cette course :</span><br />
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">1er prix, M. Saint-Pol-Roux ; 2e, M.Gourmelon ; 3e, M. Moldeau ; 4e, M. Duval ; 5e, M. R. Guillou.</span></blockquote>
Trois ans plus tard, le 21 août 1910, Cœcilian participe à la course des 100 kilomètres de la J. S. B., ralliant Landerneau à Brest en passant par Morlaix. Inscrit dans la catégorie des débutants, il achève le parcours en 2 heures et 26 minutes, signant le sixième temps.et remportant un "cabaret à liqueur". Début juillet 1911, il reprend sa bicyclette pour la course organisée lors des fêtes du pardon de Crozon ; il obtient cette fois une troisième place - petit échauffement sans doute avant les annuels 100 kilomètres de la J. S. B. auxquels il s'inscrit de nouveau, mais, cette fois, dans la catégorie des indépendants ; Lorédan, lui, figure parmi les débutants. Ce dernier n'est pas mentionné parmi les arrivées. Cœcilian fait, quant à lui, 10e. Il serait fastidieux de lister ainsi toutes les compétitions cyclistes auxquelles aura pris part le jeune homme. Je me contenterai d'ajouter qu'il participa également à des matchs de football et à des concours de tirs à la carabine ; il obtint notamment une douzième place au concours fédéral du 26 mai 1912. Force, endurance, adresse, aucune qualité physique ne manquait au fils aîné de Saint-Pol-Roux.<br />
<blockquote class="tr_bq">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEge6vDio9iOv9_LbeBlNVTd19yWCA2uh34aYs7ia4CqphPuyjvYrVenRGDaYQTRSoy3k2La4PPGjZAq3pfxACo1svRzpgOYLGcFTDRjn_L3AmTi8cZR4l08HREE0HaNutskvyREJZTm_lBU/s1600/Hommage+%C3%A0+la+Victoire+(Coecilian).jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEge6vDio9iOv9_LbeBlNVTd19yWCA2uh34aYs7ia4CqphPuyjvYrVenRGDaYQTRSoy3k2La4PPGjZAq3pfxACo1svRzpgOYLGcFTDRjn_L3AmTi8cZR4l08HREE0HaNutskvyREJZTm_lBU/s1600/Hommage+%C3%A0+la+Victoire+(Coecilian).jpg" height="400" width="255" /></a></div>
</blockquote>
L'esprit n'était pas en défaut. Probablement encouragé par son père, il arrivait à Cœcilian d'écrire. J'avais déjà eu l'opportunité de reproduire le <a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.com/2010/04/saint-pol-roux-grand-ordonnateur-des.html" target="_blank">poème</a> qu'il composa pour célébrer Camaret-la-Victoire à l'occasion des grandes fêtes de l'été 1912, et, un peu plus tard, de donner un <a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.fr/2011/06/un-article-retrouve-de-ccilian-saint.html" target="_blank">article</a> du même, annonçant lesdites fêtes. Cet article, que j'avais retrouvé dans un numéro de <a href="http://petitesrevues.blogspot.com/search/label/REVUE%20DE%20FRANCE%20ET%20DES%20PAYS%20FRAN%C3%87AIS%20%28LA%29" target="_blank"><i>La Revue de France et des Pays français</i></a>, rien ne laissait penser qu'il fût amputé. Or, dans <i>La Dépêche de Brest</i>, où il avait initialement paru, il est considérablement plus long, occupant près d'une colonne et demie. Rendons-lui ses véritables dimensions :<br />
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: center;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;"><span style="font-size: x-small;"><b>GRANDES RÉGATES DE CAMARET</b></span></span></div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: center;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;"><b>Fête de la Victoire</b></span></div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: right;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Camaret, 13 juillet.</span></div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">En offrant, cette année, à M. Saint-Pol-Roux, la présidence de leurs régates les membres du comité de Camaret, semblaient signifier qu'ils attendaient de ce poète une collaboration
toute particulière pour la journée nautique
du 11 août.</span><br />
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Se considérant, de ce fait, comme invité à
réaliser "quelque chose", le nouveau président
décida de faire appel au sentiment populaire,
afin d'associer toutes les bonnes volontés
en vue d'une fête à la fois d'expression locale
et de portée générale : il établit donc un projet
que le comité des régates vient d'adopter
à l'unanimité.</span><br />
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Disons tout de suite qu'il n'est pas question
ici de la fête commémorative annoncée par la
presse voici deux ans. Il s'agissait alors d'une
vaste reconstitution historique, avec parties
lyrique et dramatique qu'eut mise en mouvement
ce génial organisateur, M. Antoine, directeur
de l'Odéon l'hiver et simple Camarétois
l'été ; mais, vu ses développements énormes
et les obligations qui en découleraient, une pareille
reconstitution ne sera possible que plus
tard, dans un Camaret où les hôtels et les
moyens de communication seront plus nombreux
: chemins de fer desservant la presqu'île,
etc. Non, la fête proposée pour le 11
août prochain est moins complexe, bien que d'un programme très copieux, ainsi qu'on en
jugera.</span><br />
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Les régates traditionnelles, si chères aux populations
maritimes, se dérouleront à travers
l'anse de Camaret, comme d'ordinaire, selon
les mêmes données et avec les mêmes récompenses ; cependant, à ce spectacle coutumier,
le projet juxtapose un spectacle nouveau, de
manière que les deux spectacles, fondus en
un, composent une manifestation exceptionnelle.</span><br />
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Sachez que le fond décoratif, sur lequel se
détachera la fête prochaine, sera constitué par
des Régates Fleuries dans le port, celles-ci faisant
face et pendant au Corso fleuri du quai,
dont les maisons seront, elles aussi, décorées.</span><br />
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;"><i>- Maïs un fond, fût-il de fleurs, ne suffit point, émet l'auteur du projet. Il sied de l'animer au
moyen d'un sujet principal, d'un motif central ; en un mot, il faut un thème. Eh
bien, ce thème, extrayons-le résolument des
annales camarétoises. Cherchons un symbole
local, le plus significatif, puis dressons-le en
force directrice de la fête, afin que, sous son
invocation, sous son inspiration, toutes ces barques
et tous ces chars fleuris puissent s'exalter
dans un enthousiasme commun. Ce symbole,
il existe au premier rang de votre propre
histoire, Camarétois, mais nous aurons soin de
l'emprunter dans un sens pacifique, de le traduire
dans un but de fraternisation générale.
J'estime avoir suffisamment désigné la Victoire - la Victoire de Camaret.</i></span><br />
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Alors, comme les symboles doivent être réalisés
pour être saisissables au peuple, de même
que les idées ne nous apparaissent pleinement
accessibles que sous la forme humaine, le
poète propose de réaliser le symbole de la
Victoire au moyen d'une jeune fille laborieuse
et sage de Camaret, élue par le comité.</span><br />
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">L'élue incarnera la Victoire.</span><br />
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">C'est dire que la Victoire deviendra l'esprit,
la raison d'être, l'<i>âme</i> de la journée du 11 août, sa présence expliquant ces pavois et ces
guirlandes, puisqu'elle-même sera la représentation
des rares vertus des héros de 1694. Toute de glorification, cette figure n'apportera
donc rien du déjà vu d'une reine, d'une rosière,
voire même d'une muse. La Victoire
rayonnera d'autant plus qu'elle relèvera directement
du Roi-Soleil. Nul n'ignore que, remportée
par les troupes de Vauban, auxquelles
s'adjoignirent les habitants de Camaret, la bataille
du 18 juin 1694, fermant la France aux
étrangers coalisés, demeure, tant par son extraordinaire
héroïsme que par ses incalculables
conséquences, l'un des plus beaux faits de notre
histoire nationale.</span><br />
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Ajouter que la Victoire, portant les armes
de France, serait entourée de deux compagnes
d'honneur, élues comme elle, portant l'une
les couleurs d'Angleterre, l'autre les couleurs
hollandaises, c'est spécifier encore davantage "l'idée de fraternisation qui dominera cette fête
de "cordialité", et c'est laisser voir que toute
la colonie étrangère du littoral voudra participer
à cette journée d'accord fleuri.</span><br />
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;"><i>L'Hommage à la Victoire</i> s'effectuera, vers
une heure à la Tour Dorée enjolivée, à cette occasion, d'une légère nuance rétrospective : le corps-de-garde occupé par quelques soldats de Vauban et, sur le pont-levis, un cornette porte-étendard entouré des tambours oblongs
et des fifres de l'époque. Donc, à une heure,
salve d'artillerie, cloche de Rocamadour, hymne, poèmes, airs de Lulli et de Rameau, passe d'armes XVIIe siècle, etc.</span><br />
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">De l'esplanade du château, la Victoire aura
donné le signal des habituelles courses à la
voile dont les bateaux, pour ne pas nuire à la
vitesse recherchée par les concurrents, seront
simplement invités à courir sous grand pavois,
avec bouquet au mât.</span><br />
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">A quatre heures, les courses à la voile terminées
commencerait la partie nouvelle : les Régates Fleuries, auxquelles pourraient assister les bateaux des premières Régates, décorés en
hâte de façon que le port fût peuplé d'une innombrable
escadrille (bateaux de pêche, cotres
de plaisance, vedettes d'officiers, etc.) recouverte
de fleurs des jardins et des champs, de palmes, d'ajoncs, de bruyère, de rameaux divers
sans oublier les dentelles étranges de la flore marine.</span><br />
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;"><i>Régates fleuries</i>. Sortie de la Tour, la Victoire
s'est embarquée à la cale du Sillon, sur
une nef fleurie qui, suivie de toute une flottille de barques fleuries venues au devant d'elle, va s'embosser au milieu du port, à quatre vingts mètres du quai Gustave Toudouze, - tous ces bateaux dessinant bientôt un demi-cercle avec, pour diamètre de base, la ligne du quai, où viennent de se déployer simultanément les véhicules fleuris du Corso. Embarcations et chars formeront les limites d'un cirque d'eau, d'avance jalonné par quelques bateaux-guidon et dundees-tribunes, cirque dans lequel, durant une heure, il sera procédé à d'originaux jeux nautiques, tels que les Joutes Phocéennes avec pique et bouclier. Aux appels de fanfare, les jouteurs combattront sous les yeux de la Victoire, trônant à la proue de son navire. Puis sera courue la <i>Nage Fleurie</i>, assaut de nageurs luttant à qui portera le premier une fleur, là-bas, à la Victoire. On finira par un "épisode de mer" poignant et instructif, réglé par le poète Saint-Pol-Roux, qui tient à marquer son passage à la présidence des Régates.<br /><i>Bataille de fleurs</i>. - Après les jeux nautiques, débarquement de la Victoire sur le terreplein du Sillon historique, où se seront rendus les chars du Corso. Coup de canon. Signal d'une bataille de fleurs monstre entreprise dans et autour du château Vauban, sur les fortifications adjacentes et le môle, bataille répétée dans le port entre les barques. Branle-bas général. Et l'on se demande si, à ce moment joli, ne surgira pas quelque spontané maréchal Vauban pour organiser derechef la victoire fleurie, comme aussi pour suggérer la place où la reconnaissance devrait ériger sa légitime statue. La bataille sur terre aurait pour axe ambulant la ligne des chars, ayant au milieu d'eux ie Char de la Victoire, - celle-ci allant enfin faire son entrée dans sa bonne ville de Camaret. On a compris que, dans cette bataille, poétique réédition où la fleur remplace la balle, où la touffe de roses supplante le boulet rouge, où les prisonniers enchaînés par des rubans et des guirlandes, ne sont entraînés que vers la gavotte héréditaire, on a compris qu'il n'y aura point d'adversaires, qu'il n'y aura ni<br />vaincus ni vainqueurs, mais seulement des amis, des frères alliés dans une joie universelle, et que les hostilités s'achèveront bras-dessus bras-dessous, tous les combattants rassemblés dans le cortège suprême.<br />Est-il besoin de dire que, pour stimuler l'initiative privée, des interprétations allégoriques ou historiques seront laissées à l'inspiration des propriétaires de chars et des équipages ? - Brulôt de corsaires à la Jean Bart, char des Fées de la lande, costumes de la Vieille Bretagne, garde-côtes et mousquetaires 1694, chaise-à-porteurs, grands hommes, etc, Toutefois, il est fait appel aux scrupules et convenances, afin d'éviter tout ce qui ne tendrait pas à rendre un hommage direct et gracieux tant à l'âme ancienne de Camaret qu'à 1'époque merveilleuse de la Victoire.<br />DÉFILÉ. - <i>Apothéose</i>. - Une fois sur le quai, le Char de la Victoire s'immobilisera face à la mer, entre les deux arcs de triomphe. Dès lors, devant la Victoire, assistée de M. Toussaint Le Garrec, maire ; du conseil municipal, des présidents d'honneur et du comité des régates, devant la Victoire, dont la garde sera constituée par le si sympathique équipage du canot de sauvetage, aviron sur l'épaule, ayant à leur tête le patron Jules Le Joly, lauréat national, ce sera le très impressionnant défilé de l'immense cortège bariolé : sociétés, délégations, marins, cultivateurs, touristes, soldats, enfants des écoles, etc., parmi les sonneries de cuivre, les roulements de tambour, les airs de musique et les chants nationaux entremêlés : <i>God save the King !</i> <i>Hymne néerlandais</i> et <i>Marseillaise</i>. Chacun, en passant, lancera en offrande à la Victoire la fleur, - la dernière et la plus belle - réservée pour elle.</span><br />
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Le soir, banquet populaire, fête vénitienne, corso lumineux, feu d'artifice, embrasement des monuments historiques N.-D. de Rocamadour et Tour Dorée, retraite, danses, etc.</span><br />
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Un tel, programme, on le pressent, ne peut qu'obtenir un succès sans précédent, étant donné la communion des âmes avec un glorieux passé, et vu le rare spectacle d'adversaires d'autrefois devenus les alliés d'aujourd'hui, et se retrouvant, la main dans la main, sous les magnifiques ailes d'or d'une Victoire exemplaire soudainement jaillie des pages poudreuses du vieux temps pour nous offrir son sourire ingénu, mais aussi nous chanter sa ferme leçon d'énergie.</span><br />
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">C'est pourquoi bonne chance à la sensationnelle journée du 11 août ! Elle ne manquera pas d'attirer une affluence considérable de visiteurs, heureux d'admirer le miracle d'une féerie de fleurs, jonchant les tragiques rochers de cette vaillante cité de pêcheurs qui, hier encore, s'appelait Camaret, mais qui, demain, sur la carte comme dans l'histoire, portera son nom véritable et qui est tout son nom, le seul vraiment sien et qu'elle a mérité, l'ayant reçu au baptême du feu : Camaret-la-Victoire !</span></blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: right;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">CŒCILIAN.</span></div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">- A la dernière séance du comité des Régates, à la mairie, Mlle Lisette Duédal, âgée de 19 ans. a été élue "Victoire", à l'unanimité. Cette élection a été saluée avec enthousiasme par toute la population camarétoise.</span></blockquote>
Ce sont là, bien sûr, écrits de circonstance, et dictés par l'esprit de la fête. Mais on reconnaît dans quelques-unes des lignes de ce jeune homme de 20 ans l'influence paternelle et idéoréaliste. On se plaît alors à imaginer l'écrivain, le poète, ou le journaliste, qu'aurait pu devenir Cœcilian si la guerre, transformant la fleur, de nouveau, en balle, ne l'avait emporté dans sa boue.<br />
<div style="text-align: right;">
(A suivre.)</div>
</div>
Mikaël Luganhttp://www.blogger.com/profile/02030100149703591043noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3512815032448605100.post-89393998910097215292013-07-24T23:37:00.002+02:002013-07-24T23:58:42.344+02:00CŒCILIAN ou LE FILS HÉROÏQUE (Première partie)<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjXy1-JBdVvETsiAe_8kLpOYBtiXdoe7UiiE2Masb6AB0KgZMgFjVgwwp164CP3oDbdaWWP48jpM_5NGKxnxXvNsPpLbCtNOIgNHm5uv1lumZIKN8YGUKGXr9eZ978m9o-tRZZNQV06aTzw/s1600/Enfants+Roux.JPG" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjXy1-JBdVvETsiAe_8kLpOYBtiXdoe7UiiE2Masb6AB0KgZMgFjVgwwp164CP3oDbdaWWP48jpM_5NGKxnxXvNsPpLbCtNOIgNHm5uv1lumZIKN8YGUKGXr9eZ978m9o-tRZZNQV06aTzw/s1600/Enfants+Roux.JPG" height="320" width="225" /></a></div>
<div style="text-align: justify;">
Cœcilian fut le premier fils de Saint-Pol-Roux, qui en eut trois. Magnus, le troisième, ne vécut que quelques jours. Puis vint Divine, comme pour couronner sa poétique paternité. Les quatre enfants du Magnifique vécurent avant même que de naître. Le poète, en effet, avait déjà animé quelques-uns de ses drames de personnages baptisés des prénoms si singuliers que devaient porter ses fils et sa fille. Cœcilian fut d'abord le héros d'un drame philosophique éponyme, non publié, écrit avant 1886 ; Lorédan est le nom du prince agonisant dans l’<i>Épilogue des Saisons humaines</i> (1893) ; Magnus et Divine sont les personnages principaux de <i>La Dame à la Faulx</i>, tragédie achevée en 1895. Cette porosité entre l’œuvre et la vie de Saint-Pol-Roux aura aussi permis à ses quatre enfants de continuer à vivre longtemps après leur mort. D'autant que le poète en aura fait les protagonistes de plusieurs poèmes qui sont un peu la chronique de leur jeunesse. Avec celui de Divine, c'est incontestablement le nom de Cœcilian qui revient le plus souvent sous sa plume, alors que la présence de Lorédan se fait plus discrète.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Paul Lazare Cœcilian naquit le 9 avril 1892, au 63, rue de la Goutte d'Or, dans l'appartement que Saint-Pol-Roux partageait avec Amélie, la jeune couturière montmartroise rencontrée l'année précédente, qu'il ne devait épouser qu'onze plus tard. Le jeune enfant, à peine âgé de trois ans, est le héros de "Crucifiement", poème en prose recueilli dans <i>La Rose et les épines du Chemin</i> et daté de "Bruxelles, avenue des villas, 4 avril 1895". Le poète prend plaisir à y reproduire le langage enfantin :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Une petite croix de bois noir sur laquelle lamma-sabacthanise un christ de plomb append au mur de la chambre familiale.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Miroir salutaire où s'amendent, aux heures malignes, mes laideurs morales, ce Jésus nous a de Paris suivis en exil entre le savon et la poudre de riz ; on y tient comme à un brin de patrimoine ; et puis, alors que mon fils cadet Lorédan n'aime encore que son biberon brandi en sein arraché à une amazone qui serait de verre, Cœcilian, son frère, de deux ans plus âgé, s'est pris d'amitié pour l'icône qu'il traite en poupée.
Afin de prévenir ses pleurs, à la longue il m'a fallu décrocher le crucifix et le confier à </span><span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;"><span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Cœcilian, qui le dorlote avec des histoires, l'enjup</span>onne de chiffon, l'installe dans sa minuscule charrette de sapin pour un tour au jardin où saigne la groseille et lui demande : "As-tu bobo ?" quand, au détour prompt de l'allée de graviers, le convoi bascule et tombe – hélas, plus de trois fois !</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Tout à l'heure un incident tragique.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">La chère image, Lian l'a par mégarde laissé choir du rez-de-chaussée aux offices du sous-sol, par la cage de l'escalier.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Je bondis vers les cris puérils.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">La croix en deux, le christ décloué et tordu, le joujou sacré gît sur les dalles, en bas, parmi le trop-plein d'eau boueuse repoussée de la buanderie dans le couloir par le balai à serpillière.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">– "Petit Zésus bobo !" brame le désespéré manneke.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Le consoler, comment ?</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">– "Guéris-le, papa, guéris-le vite !"</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Je descends recueillir l'auguste désastre et m'apprête à le réparer de mon mieux. Approvisionné d'une éponge, de clous de tapissier, d'un marteau, d'un canif, me voici travaillant sous la giboulée de mon fils anxieusement penché sur moi.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">D'abord je rétablis le malléable dieu recroquevillé en scarabée foudroyé, j'étire les bras et les jambes, je repenche la tête historiquement, puis je lave le divin visage et, comme la plaie du flanc est gavée de boue, j'ôte la menue motte avec la pointe du canif.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Maintenant je cloue.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">– "Tloue bien, papa, tloue bien !"</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Le moindre jappement du marteau provoque un hoquet d'allégresse dans la gorge de Lian qui me passe, un à un, les clous légendaires.</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Le père se laisse prendre à la naïveté de son fils et jouant le jeu de l'enfant découvre une vérité qui, sans ce biais, ne se fût sans doute pas révélée. Le poète rejoue, en réduction, le drame de la passion ; le voilà qui blasphème "comme un centurion de César" et médite que l'Humanité crucifie tous les jours la Beauté.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Le fils aîné de Saint-Pol-Roux se retrouve, sept ans plus tard, au centre d'un poème en prose qui porte son nom : "Cœcilian le sauveteur" (<i>De la Colombe au Corbeau par le Paon</i>). Daté "Roscanvel, 8 août 1902", il fait le récit d'un acte héroïque du jeune garçon, âgé de dix ans, qui sauva de la noyade la jeune Mentine, "fille d'un habile batelier" du village breton. Davantage encore que dans le précédent, le Magnifique cède la parole à son fils pour dire l'exploit, comme si la voix de l'enfant se faisait l'égale de celle du poète :</div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Laissons le gamin se dire en son langage de mousse bretonnant.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">– En train de piquer à la place où gargouillaient les bouffies, je distingue un point rouge qui remuait, remuait en bas, pas bien gros d'abord… J'avance en éclair, ayant du canot pris la vitesse d'aller au fond... Le point rouge grossissait de plus en plus avec des gestes de pieuvre énorme... Et moi qui me pensais si petit !... Approché par mon élan, pardi, je reconnais une personne, une femme, Mentine enfin !... Car, tu sais papa, mon œil est si bon dans la mer que, comme les enfants du village, je descends m'asseoir au fond de l'eau avec une coquille Saint-Jacques où je dois mettre cinq pierres de couleurs différentes... Malheureusement d'avoir piqué trop fort, la vitesse m'avait fait tosser du crâne le fond et porté entre les pinces du grand homard cuit, entre les pieds de Mentine donc... Ah ! y avait pas du bigol (plaisir), ça non ! J'allais être maillé comme une sardine, probable... Mais, pas si bête, je me dégage et pft ! je remonte à la surface prendre de l'air... Sur la grève Da se tordait les mains : "Tu vas y rester, mon beau petit !" et les soldats : "Plonge encore, mon gas, plonge !"... Je souffle à la façon des marsouins, trois fois : <i>aouche ! aouche ! aouche !</i> et, une fois paré, je repique bout à Mentine qui tout au fond de la baille ne se débattait presque plus... Fallait se hâter pour que la mer descendante ne la drague pas vers les courants... Vite je lui croche dedans, aux hanches..., Si ç'avait été mon petit frère Lolo, je l'aurais pris par le dos, mais ce grand corps !... Je pouvais à peine le soulager (soulever)... Dieu merci, l'eau nous soulageait un peu, elle et moi... Le diable c'est qu'elle ouvrait la bouche, ce qui l'empêchait de monter... Alors, tel un fou, je la croche par les bras et, nageant à forts coups de jarret comme les grenouilles, je l'ahisse, je l'ahisse, je l'ahisse en la tirant désespérément parce que la respiration allait me larguer... Une fois le nez hors la plume, j'hèle le canot... Auguste et Lolo, ne pouvant dans leur effroi jouer de l'aviron, rament vers nous de leurs mains qui tremblent, en pattes de canard... Moi je soulageais toujours la noyée très pâle et lèvres violettes... Enfin Lolo, plus mort que vif, se penche, attrape un poignet de Mentine qui, un brin revenue à l'air, plaque vivement ses mains au plat-bord du canot comme deux larges breniques... Il était temps... Il ne me restait plus dans le gosier qu'un mince bout d'air pas plus long que ça... Maintenant Auguste et Lolo tour à tour godillent tant bien que mal vers la grève avec Mentine cramponnée que je suis, la soutenant d'une main et nageant de l'autre... – "Lâche pas le canot" lui bégayait Lolo – "Oh non! Oh non !" bredouillait Mentine entre ses dents… Et nous atterrissons au rivage où Divine sanglotait sur une touffe de goémon...</span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
"Tout le monde aurait fait comme moi !", conclura modestement Cœcilian avant de retourner jouer. On pourrait penser qu'il y a ici, en plus du travail d'écriture, embellissement de l'acte lui-même par la fierté paternelle. Pourtant telle semble avoir été la nature de l'enfant, qui eut l'occasion de prouver une nouvelle fois sa spontanéité et son courage physique quelques mois seulement après ce premier sauvetage. Cette fois, ce n'est pas Saint-Pol-Roux qui en fait le récit, mais la <i>Dépêche de Brest</i> du 30 juillet 1903 :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: center;">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;"><b>Roscanvel</b></span></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
<div style="text-align: justify;">
<blockquote class="tr_bq">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;"><i>Un jeune sauveteur</i>. - Il y a quelques jours,
nous signalions le dévouement du brigadier
des douanes Letutour, qui avait, au péril de
sa vie, sauvé un enfant de l'horrible noyade, et
reçut un témoignage de satisfaction bien mérité.</span></blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Aujourd'hui, nous apprenons que le jeune
Cœcilian Roux, fils aîné de l'exquis poète
Saint-Pol Roux, de qui nous avons déjà parlé à nos lecteurs, vient d'accomplir, ces jours
derniers, un sauvetage qui lui fait honneur.
Alors que ce bambin de onze ans venait
de prendre l'un de ses dixièmes bains journaliers
et s'habillait près du fortin, sur la falaise
qui domine la cale, il entend des cris
d'appel : un enfant de douze ans, le petit Le
Moal, s'étant imprudemment avancé en mer,
était en train de se noyer ; ses compagnons,
sachant le danger des courants, hésitaient à
se lancer à son secours, lorsque le jeune
Cœcilian Roux, se dévêtissant en un tour de
main, bondit du pied de la falaise, saute à la
mer, plonge, remonte et replonge, puis parvient
à saisir le petit Le Moal.
Mais l'effort a été grand, la cale est encore à quelques brasses nombreuses, et les spectateurs
craignent pour l'enfant qui, pourtant,
nage ferme. C'est alors qu'un brave douanier,
Jean Bréhier, entre quasi tout habillé dans la
mer, et va chercher Le Moal, tandis que Cœcilian,
le sauveteur, regagne flegmatiquement la baie à la nage, s'habille, et va tout simplement
jouer aux boules avec d'autres camarades.
Nous sommes d'autant plus heureux de signaler
à nos lecteurs la belle conduite de ce
fils de poète que Cœcilian Roux n'en est pas
à son coup d'essai : en effet, nos lecteurs se
rappellent peut-être que la revue parisienne
<i>La Plume</i> (numéro d'avril dernier) contait
comment, l'année passée, ce diablotin de dix ans avait sauvé une jeune fille de vingt ans,
Mlle Cl. M..., qui, en proie à un commencement
de congestion, avait coulé à pic par
cinq on six brasses de profondeur.</span></blockquote>
</div>
<div style="text-align: justify;">
<blockquote class="tr_bq">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Voilà, n'est ce pas ? un enfant qui promet,
et si nous désirons que le douanier Jean Bréhier
ait un témoignage de satisfaction qu'il a
bien mérité, nous serions fiers de voir la médaille
de sauvetage épinglée au tricot du brave
petit Cœcilian Roux.</span></blockquote>
La récidive avait de quoi attirer l'attention sur ce jeune fils de poète, pas encore un jeune homme, qui n'hésitait pas à donner de lui-même pour se mettre au service de la vie et des autres. Sportif complet, non exempt d'un certain talent poétique, l'avenir semblait s'ouvrir à lui. Saint-Pol-Roux pourtant, dans les dernières phrases de "Cœcilian le sauveteur", pressentait pour son aîné la possibilité d'un autre destin : le destin, fatalement sacrifié, des héros.</div>
<blockquote class="tr_bq">
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Ton âme généreuse a raison, mon fils, dévoue-toi, sans calcul, presque sans le savoir, dévoue-toi, en être spontané qui offre un geste noble à la Beauté, fût-ce au gré de l'instinct : c’est agir en poète.</span><br />
<span style="font-family: Times,"Times New Roman",serif;">Or, brave petit sorti de moi, j'ai voulu que ton acte ignoré restât dans un de mes livres, afin que sa sublime ingénuité lui portât bonheur et le fit durer peut-être, – afin aussi que son souvenir te protège et te conseille plus tard, mon fils bien-aimé, oui, plus tard, alors que, pantelant, tu hésiteras, comme chaque homme à son tour, entre les lâchetés humaines et les sacrifices divins !</span></blockquote>
<div style="text-align: right;">
(A suivre.) </div>
</div>
Mikaël Luganhttp://www.blogger.com/profile/02030100149703591043noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3512815032448605100.post-45845993891256923322013-03-24T16:21:00.002+01:002013-03-24T16:21:29.197+01:00"DANIEL HARCOLAND : C'EST MOI !"<div style="text-align: justify;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhMF3DhminyAYl9uVr_PLqbqdVPUXtJZzbcZvYZRjT7foiBalGZw9eps-GAnzI5CXbbFVDwx8JgxvVG8xD26Cv_1ErKnHszF0UQx-GQ-z_2zMNsbtjhH-uIYJshuWWjd9OEaiefR5mHwLIk/s1600/Les+Personnages+de+l%27Individu,+faux+titre+(1894).tif" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhMF3DhminyAYl9uVr_PLqbqdVPUXtJZzbcZvYZRjT7foiBalGZw9eps-GAnzI5CXbbFVDwx8JgxvVG8xD26Cv_1ErKnHszF0UQx-GQ-z_2zMNsbtjhH-uIYJshuWWjd9OEaiefR5mHwLIk/s320/Les+Personnages+de+l'Individu,+faux+titre+(1894).tif" height="320" width="285" /></a>Je savais que, deux ans avant que n'éclatât la guerre, Saint-Pol-Roux avait été accusé d'avoir plagié le monodramaturge américain Daniel-Richard Harcoland. C'est Théophile Briant, je crois, qui avait rappelé cette affaire dans sa monographie du poète ; mais il avait omis de préciser dans quel journal l'accusation avait d'abord été portée. Bien évidemment, le Magnifique n'avait pas tardé à démentir et à révéler au public qu'Harcoland ne fut qu'un des <i>personnages de son individu</i>. Une supercherie littéraire, en quelque sorte, et à ce point réussie qu'il fallut dix-huit ans pour que le pot-aux-roses soit révélé. Saint-Pol-Roux avait adressé un télégramme au <i>Figaro </i>et à divers autres quotidiens dans lequel il faisait son flauberto-bovaryque coming-out :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
"<i>Taxé de plagiat envers le monodramaturge américain Daniel Harcoland, dont les théories furent répandues par divers journaux et revues voici vingt ans, je vous prie confraternellement de dire que cet écrivain n'est autre que moi-même. - S<span style="font-size: x-small;">AINT-</span>P<span style="font-size: x-small;">OL-</span>R<span style="font-size: x-small;">OUX</span>.</i>"</div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Mais le poète, ce que j'ignorais jusqu'à ces derniers jours, ne s'était pas contenté de ce laconique aveu : il avait également répondu plus longuement à l'accusation de plagiat par une lettre adressée à la feuille accusatrice. C'est ce que nous apprend <i>La Dépêche de Brest</i> du 27 décembre 1912 qui eut la bonne idée de reproduire, après un bref rappel des faits, l'épistole que Saint-Pol-Roux envoya au directeur de <i>Paris-Journal</i>, nous permettant d'identifier la source de l'affaire, de lire la version du poète sur l'histoire Harcoland et d'apprécier une nouvelle fois son humour :</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: center;">
<b>SAINT-POL-ROUX</b></div>
<div style="text-align: center;">
<b>ET</b></div>
<div style="text-align: center;">
<b>DANIEL HARCOLAND</b></div>
<div style="text-align: center;">
***</div>
<div style="text-align: center;">
<b>Où l'on apprend, vingt ans après,</b></div>
<div style="text-align: center;">
<b>qu'un illustre auteur américain</b></div>
<div style="text-align: center;">
<b>n'est qu'un simple poète français</b></div>
<div style="text-align: center;">
***</div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
Un coup de théâtre, qui a fort passionné les milieux littéraires, vient de se produire entre Paris et Camaret, - mais au précieux avantage de Camaret.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Accusé, dans Paris-Journal, d'avoir plagié le "grand monodramaturge Daniel Harcoland" et d'avoir, selon les termes de l'accusation, emprunté les théories philosophiques et dramatiques de "l'illustre Américain" dont divers journaux et revues de France et de l’Étranger s'occupèrent fort, il y a une vingtaine d'années, M. Saint-Pol-Roux déclare, dans une lettre à M. André Vervoort, directeur de Paris-Journal, que cet "illustre Américain" n'est qu'un simple poète français, enfin que le "grand monodramaturge Daniel Harcoland" n'est autre que lui-même, Saint-Pol-Roux.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Voici, d'ailleurs, la lettre du poète :</div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: right;">
<i>Camaret, 22 décembre</i></div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: center;">
<i>Monsieur le rédacteur en chef,</i></div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
<i>Être traité de précurseur, voilà vraiment de quoi charmer un poète.</i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i><br /></i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Mais où le charme se rompt, c'est lorsque le poète louangé se voit soudain, comme par un injuste retour, taxé d'imposture.</i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i><br /></i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Ainsi, les théories dramatiques et autres de Saint-Pol-Roux ne seraient pas de Saint-Pol-Roux, qui les aurait sournoisement empruntées au "grand monodramaturge Daniel Harcoland", et la plupart de mes apports d'art relèveraient de l'</i>illustre Américain<i> "qu'on nous fit connaître en France il y a une vingtaine d'années" !</i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i><br /></i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Comment me tirer de ce... vol à l'américaine ?</i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i><br /></i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>De la façon la plus catégorique, en vous demandant de dire que cet </i>illustre américain<i> n'est qu'un simple poète français, enfin que le "grand monodramaturge Daniel Harcoland" n'est autre que moi-même : Saint-Pol-Roux.</i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i><br /></i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Hélas ! oui, ce cher grand homme, je l'avais</i> créé <i>en ces temps difficiles où tout ce que nous tentions, nous les petits créateurs de France, était voué d'avance au mépris, tandis qu'on accueillait avidement ici n'importe quelle expression du dehors.</i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i><br /></i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>N'était-ce pas le meilleur moyen d'aider à certaine orientation générale d'alors, que j'estimais logique ?</i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i><br /></i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Ah ! je puis vous assurer que Daniel R. Harcoland fut promptement célèbre un peu partout. On ne lui marchanda pas la gloire, allez, à ce personnage d'outre-mer qui, non content d'être milliardaire, s'avouait encore révolutionnaire. Au moins celui-là vous avait un cerveau bien garni ! Ce n'était pas comme chez ces pauvres symbolistes ! Étrangère et française, la presse s'occupa de l'étranger. Certains purs esprits, de la Sorbonne et d'ailleurs, daignèrent s'intéresser au "Phidias des Idées" qui apportait ce surnaturalisme que j'avais timidement présenté, moi, Saint-Pol-Roux, cinq ans auparavant, sous le vocable d'idéoréalisme. A travers un enthousiasme de plusieurs pages, l'</i>Idée Sociale <i>s'écriait : "La Norvège nous a donné Ibsen et la Russie Tolstoï, l'Amérique nous donne Harcoland. La main dans la main, marchons dans le rayonnement de ces génies, et nous triompherons !"</i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i><br /></i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>En vérité, je vous le dis, c'était adorable.</i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i><br /></i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Bref, la renommée de Daniel Harcoland grandissait à tel point que, jaloux sans doute - on est homme, n'est-ce pas ? - je me hâtai de reconduire l'insolent à la frontière, non sans avoir, de lui, retenu quelques œuvres.</i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i><br /></i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Je vous prie, monsieur le rédacteur en chef, d'insérer cette réponse, que votre trop aimable correspondant trouvera, je pense "concluante", et d'agréer mes plus cordiales salutations.</i></div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: right;">
<i>S<span style="font-size: x-small;">AINT-</span>P<span style="font-size: x-small;">OL-</span>R<span style="font-size: x-small;">OUX</span>.</i></div>
<div style="text-align: right;">
<i>Manoir de Boultous, Camaret (Finistère).</i></div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
Ainsi, le Magnifique avouait-il qu'il fut le nègre d'un fantôme...</div>
Mikaël Luganhttp://www.blogger.com/profile/02030100149703591043noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3512815032448605100.post-26330021984407644812013-03-11T14:47:00.000+01:002013-03-11T14:48:17.587+01:00Vient de paraître : OBSCUR SYMBOLE DE LUMIÈRE - LE MYSTÈRE DANS LA POÉSIE DE SAINT-POL-ROUX <blockquote class="tr_bq">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhSwkTwhHiM6Fgdfu1zXMA2AP2FDesRayp-SB-QH-908ocl20kv_tYXdADcatzybXc07dbYpD4GYHNvrJvQbWS6HHXGqy-n9cer9zSYKlhon0pL9FHoU93uiOKPU99HXuAx-A_fs0eHXn_2/s1600/ODILE+HAMOT+(Obscur+Symbole+de+Lumi%C3%A8re,+Champion,+2013).JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhSwkTwhHiM6Fgdfu1zXMA2AP2FDesRayp-SB-QH-908ocl20kv_tYXdADcatzybXc07dbYpD4GYHNvrJvQbWS6HHXGqy-n9cer9zSYKlhon0pL9FHoU93uiOKPU99HXuAx-A_fs0eHXn_2/s1600/ODILE+HAMOT+(Obscur+Symbole+de+Lumi%C3%A8re,+Champion,+2013).JPG" height="400" width="268" /></a></div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
C'est un événement éditorial : la thèse soutenue par Odile Hamot en 2006, sous la direction de Mme Dominique Millet-Gérard, vient de paraître chez Champion. C'est la quatrième thèse entièrement consacrée à Saint-Pol-Roux, après celles de Juo-Py Loh et de Jacques Goorma présentées au début des années 1980, et celle, germanophone, d'Ute Eckelkamp, soutenue en 1992. Et c'est la deuxième seulement à être éditée. Autant dire qu'il s'agit d'une somme considérable et de premier intérêt pour qui s'intéresse à l’œuvre du Magnifique. Nous aurons bien entendu l'occasion d'en reparler ici, lorsque nous aurons achevé de lire les 968 pages qui la composent.</div>
</blockquote>
Mikaël Luganhttp://www.blogger.com/profile/02030100149703591043noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3512815032448605100.post-74694196858353955942013-03-04T10:47:00.000+01:002013-03-04T10:47:17.327+01:00Olivier-Hourcade & Carlos Larronde votent Paul Fort<div style="text-align: justify;">
Lorsque le silence fut trop long, il convient de l'interrompre qu'avec peu de mots et de livrer aux fidèles d'un blog qui les fit trop attendre un beau document. En voici un, que je viens d'acquérir et qui est à verser dans l'épais et embrouillé dossier de l'élection du Prince des Poètes de 1912. Il y aurait tout un article à écrire sur ce scrutin qui vit succéder Paul Fort à Léon Dierx, mais contentons-nous aujourd'hui de ce télégramme envoyé, le 24 juin 1912, à André du Fresnois qui comptabilisait les voix pour le <i>Gil Blas</i>, par deux jeunes poètes bordelais dont nous eûmes déjà l'occasion de parler ici : Olivier-Hourcade et Carlos Larronde.</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiD9wV38AK7o5sgOXPMrjLUE7SwpmauV2ulIVynPwp3zjfy396z-UzxqmRpInS5K_jxVJBJqiiB9QjOy6uOhy9C5laFKCrTNhY0hGIA4iWXg_glH98_aO8mZ1nr3r_mKQVExP7Ps48_61jB/s1600/T%C3%A9l%C3%A9gramme+de+Carlos+Larronde+et+Olivier+Hourcade+%C3%A0+Andr%C3%A9+du+Fresnois+(24+juin+1912).JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="344" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiD9wV38AK7o5sgOXPMrjLUE7SwpmauV2ulIVynPwp3zjfy396z-UzxqmRpInS5K_jxVJBJqiiB9QjOy6uOhy9C5laFKCrTNhY0hGIA4iWXg_glH98_aO8mZ1nr3r_mKQVExP7Ps48_61jB/s400/T%C3%A9l%C3%A9gramme+de+Carlos+Larronde+et+Olivier+Hourcade+%C3%A0+Andr%C3%A9+du+Fresnois+(24+juin+1912).JPG" width="400" /></a></div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: right;">
<u>"Chers Confrères</u></div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
Quelle que soit notre admiration pour le génie d'un Paul Claudel, d'un Jammes, d'un Griffin, d'un Saint Pol Roux ou d'un Verhaeren nous votons pour <u>Paul Fort</u> qui "défend et illustre" <strike>si aristocratiquement</strike> si noblement la langue française.</div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: center;">
<u>Olivier-Hourcade</u></div>
<div style="text-align: center;">
<u>Carlos Larronde</u>"</div>
</blockquote>
Mikaël Luganhttp://www.blogger.com/profile/02030100149703591043noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3512815032448605100.post-24353650710273882862012-04-27T00:32:00.000+02:002012-04-27T00:32:24.834+02:00HOMMAGE A JEAN-PIERRE GUILLON<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiQRE1cnq9A0bcom1-lY9OfxsAGJnawD1jqtqz4LJx9JEJlzhee1wlQAOfP5uuDDDOlgrDoyvjWYmyLofKOegZ7Sm9b45oHnffyqSgupOS2cwnHnI_F6Ts5tAEwIOAJNqU89HmFwSl4-j13/s1600/LE+GROGNARD+N%25C2%25B018.JPG" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiQRE1cnq9A0bcom1-lY9OfxsAGJnawD1jqtqz4LJx9JEJlzhee1wlQAOfP5uuDDDOlgrDoyvjWYmyLofKOegZ7Sm9b45oHnffyqSgupOS2cwnHnI_F6Ts5tAEwIOAJNqU89HmFwSl4-j13/s320/LE+GROGNARD+N%25C2%25B018.JPG" width="211" /></a></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>J'apprends avec tristesse le décès de Jean-Pierre Guillon. C'est l'ami Bruno Duval qui m'avait encouragé, il y a quatre ans, à lui écrire, car Jean-Pierre Guillon aimait Saint-Pol-Roux. Après les premiers échanges, il m'envoya <a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.fr/2008/12/jean-pierre-guillon-mcrit.html">la longue et belle lettre</a> que je publiai, avec son autorisation, sur le blog, et à laquelle je renvoie le lecteur. Il faut y joindre le <a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.fr/2009/03/saint-pol-roux-portrait-chinois-par.html">portrait-chinois</a> du Magnifique qu'il voulut bien m'adresser quelques semaines plus tard et qui suffirait à prouver combien il était un familier de sa poésie. Il fut l'un des premiers adhérents à la S.A.S.P.R. ; il m'avait parlé, lors de notre seule conversation téléphonique, de son projet de rassembler en un volume, qui pût faire la matière d'un bulletin, tous les documents patiemment amassés sur l'historique banquet de 1925. Entre temps, il continuait de m'adresser les plaquettes qu'il publiait à compte d'auteur, à l'enseigne fictive de "Rose-Hôtel éditions" (il fut le fondateur et le président de l'<a href="http://aamf.tristanbastit.fr/">Association des Amis de Maurice Fourré</a>), et qu'il destinait à ses amis. J'eus le privilège de faire partie de ces happy few et j'eus aussi la grande joie de me voir confié, par ses soins, l'édition, pour un numéro spécial du </i><a href="http://legrognard.hautetfort.com/list/archives_du_grognard/le-grognard-n-18.html">Grognard</a><i>, d'un recueil inédit de "polémiques surréalistes" : </i>La main dans le sac<i>. Le numéro parut il y a moins d'un an, en juin 2011. Voici le texte que je donnai en introduction. Qu'il redise en ces lieux l'admiration que je porte à Jean-Pierre Guillon.</i></div>
<blockquote class="tr_bq">
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEisS7n2sch6G7kjz_QRLumUn0qwChE3V5P85b5LCxdNclKMozV_LFn9FlbdJuXFuj5Vr33YsRX7XJZIdry2-SZj1VyXdQxgVKY3CcwnQ9vxk7r_D1wX_eRnN0WrTHdeGsqnR_J4nNy3JtJJ/s1600/Collage+de+JP+GUILLON.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="400" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEisS7n2sch6G7kjz_QRLumUn0qwChE3V5P85b5LCxdNclKMozV_LFn9FlbdJuXFuj5Vr33YsRX7XJZIdry2-SZj1VyXdQxgVKY3CcwnQ9vxk7r_D1wX_eRnN0WrTHdeGsqnR_J4nNy3JtJJ/s400/Collage+de+JP+GUILLON.JPG" width="400" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Collage de Jean-Pierre Guillon (<i>Du sommeil au collage par le rêve</i>, Rose-Hôtel éditions, n°29)</td></tr>
</tbody></table>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: center;">
« LES COUPS DE DÉ ET DE BÂTON DU RÊVEILLEUR »</div>
</blockquote>
<blockquote class="tr_bq">
<div style="text-align: justify;">
Jean-Pierre Guillon a rejoint André Breton et le groupe surréaliste au début des années 1960. Autant le dire, surréaliste, il n’a jamais cessé de l’être, moins notoire, conséquemment, que foultitude de gendelettres pour lesquels la fréquentation d’André Breton constitua, après guerre, une opportune courte échelle permettant d’embrasser la croupe de l’âne <i>littérature </i>et de lui faire quelques enfants, bêtes à bâfrer du picotin. Ceux-là renièrent le surréalisme à la première occasion qui leur fut offerte de flatter leur ego, comme si un tel reniement ne revenait pas à abandonner l’<i>essentiel</i>. Certes, il n’est pas de bon ton, en notre époque de néo-post-modernisme, de se dire <i>surréaliste</i>. Aussi vaut-il mieux l’avoir été. Pourtant, dans la grande nuit des esprits, nul mouvement ne fut/ne demeure plus lucide, dénonçant très tôt et avec quelle inconfortable constance, les enrégimentements humains, moraux, politiques, au nom de la seule libération qui importait et importe encore : celle de l’individu. Le surréalisme est un anarchisme.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Aussi, Jean-Pierre Guillon, en ces temps de misère intellectuelle ou d’intellectuels misérables, nous apparaît comme un somnambule battant le pavé froid des idées de son pas particulier ; un errant aux yeux grand ouverts guidé par le hasard ; comme le <i>Joueur </i>de Redon, il arpente de modernes <i>forêts d’indices</i>, Rennes ou Paris, portant, sur son dos, le Dé, et le lançant contre des architectures qui, heurtées, parce que de carton-pâte, vacillent et s’effondrent, découvrant d’inédites perspectives. Jean-Pierre Guillon n’emprunte d’autre voie que celles, buissonnières, que lui ouvre son rêve et qui, invariablement, mènent à la poésie. Les titres de ses rares recueils témoignent de l’importance de l’activité onirique dans sa déambulation : <i>Le Bourgeon-Corail</i>, <i>Château d’Os</i>, <i>L’État second</i>, <i>Les nuits du veilleur de nuit</i>. Point n’est alors besoin de s’endormir, le somnambule rêve naturellement ; il est, d’ailleurs, à bien y regarder, le seul véritablement en état de <i>veille</i>. L’agitation des hommes, alentour, ne trompe pas ; leur gesticulation, bien apprise, vise à les abuser sur leur assoupissement réel. Jean-Pierre Guillon, imperturbable, passe. Il est un <i>rêveilleur</i>, solitaire promeneur, à qui le monde fait signes, et qui rapporte, neuves évidences, images ou collages, ses vues, comme autant de percées dans la toile peinte. Imperturbable, il passe, quand tout autour de lui, autour de nous, joue la comédie.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Sociale, humaine, divine, elle est universelle, la comédie. Les histrions de tout poil s’y donnent la main et la réplique. Tout y semble parfaitement réglé de toute éternité. Et c’est plutôt qu’une comédie, la farce hénaurme, où la Colombine plumitive indécemment se frotte au sabre du politique Matamore en même temps qu’au goupillon des Tartuffe œcuméniques ; au vu et au su d’un public monté sur scène et sur la tête hilare et consentante duquel pleuvent les coups répétés de la plume, du sabre et du goupillon. Il y a là toute une théorie de masques grotesques, monstrueux et risibles : menteurs, hypocrites, opportunistes, falsificateurs, girouettes, imposteurs, tous <i>intellectuels</i>. C’est la farce de l’esprit. Jean-Pierre Guillon n’est pas de ceux que le <i>jeu </i>amuse. La comédie, bien au contraire – car il en va de la liberté et de la poésie –, le pousse à s’armer du bâton, de ce bâton que les valets arrachent aux maîtres pour, leur administrant la volée de bois vert qu’ils méritent et jetant bas leurs masques ridicules, précipiter la fin de la représentation. Jean-Pierre Guillon nous adresse des cris lucides, de salubres indignations. Et les à-coups de son stylo (car son stylo est son bâton), qu’il assène aux acteurs de la farce, n’ont rien à voir avec la littérature, puisque s’y joue, répétons-le, rien de moins que <i>l’essentiel</i>. Avec la précision du somnambule, Jean-Pierre Guillon assomme les assommants qui voudraient, procustes nains, contenir entre les bornes étroites de leur esprit ceux qui les dépassent infiniment. Ces homuncules, pris la main dans le sac, Jean-Pierre Guillon les y fourre tout entier. C’est là faire œuvre de salut public, le public s’en foutrait-il. Et peu nous importe qu’au final, une fois la scène vidée des matamores de la pensée, ce soit eux, encore et toujours, que la foule réclame pour le dernier salut, dans l’espoir qu’on lui redonne la comédie le lendemain ; car nous serons quelques-uns, plus nombreux que la veille, à nous détourner du spectacle pour suivre du regard les coups de dé et de bâton du <i>rêveilleur</i>.</div>
</blockquote>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Mes pensées vont ce soir à sa famille, à Bruno Duval, à Jacques Simonelli, à Tristan Bastit, à tous les membres de l'</i>Association des Amis de Maurice Fourré<i>, à ses amis, à la poésie.</i></div>Mikaël Luganhttp://www.blogger.com/profile/02030100149703591043noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-3512815032448605100.post-27765697719086362132012-04-15T17:48:00.002+02:002012-04-15T17:48:54.108+02:00LES CHEVALIERS DE LA TABLE RONDE (Une affiche avant des précisions)<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhdsJ9a42IoGuywqfXsK9S9hw5CNtTHufU1pni7y42y2xKAsJTT6KLSVBnTqpx440oSKIJTh10k9_4zaxPLTYEyG_3WREHtB0gum_rXirfaFY-bcPY4gZjavYG36ICeqATuLtt9riMvApfV/s1600/Chevaliers_de_la_Table_Ronde.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="640" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhdsJ9a42IoGuywqfXsK9S9hw5CNtTHufU1pni7y42y2xKAsJTT6KLSVBnTqpx440oSKIJTh10k9_4zaxPLTYEyG_3WREHtB0gum_rXirfaFY-bcPY4gZjavYG36ICeqATuLtt9riMvApfV/s640/Chevaliers_de_la_Table_Ronde.JPG" width="466" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;"><i>Affiche de la première soirée donnée par la Société des Chevaliers de la Table Ronde le 7 juin 1922</i></td></tr>
</tbody></table>
<br />Mikaël Luganhttp://www.blogger.com/profile/02030100149703591043noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3512815032448605100.post-74111092264953014762012-02-20T18:46:00.001+01:002012-02-24T16:20:15.187+01:00"Au cadran du vieux Temps / Ma Divine a vingt ans..."<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjWXEUPevydI9A_J4FvNQPCVH5CDl4ab-ZW-W1n-Prr4RZIN2G5IIldYbv0Gd2xlokoGqzMTzPbY8hJhkmxdB34TmDCXr9th091cILI9-rR7Txl2w_R3F0Mw90UdANzPHa8mypzgjKtQAwe/s1600/Carte+postale+%2528Menu+du+29+septembre+1918%2529.JPG" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="400" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjWXEUPevydI9A_J4FvNQPCVH5CDl4ab-ZW-W1n-Prr4RZIN2G5IIldYbv0Gd2xlokoGqzMTzPbY8hJhkmxdB34TmDCXr9th091cILI9-rR7Txl2w_R3F0Mw90UdANzPHa8mypzgjKtQAwe/s400/Carte+postale+%2528Menu+du+29+septembre+1918%2529.JPG" width="266" /></a></div><div style="text-align: justify;">Il est bon, lorsqu'on n'a pas la chance d'être Parisien, d'avoir quelque vigilant ami bibliophile habitué de Champerret et de Freyssinet guettant, emmi sa chine personnelle, le moindre document susceptible de vous intéresser. Je dois, ainsi, à l'ami Vincent, quelques-unes des pièces de ma collection, et, notamment, cette dernière petite chose tout aussi circonstancielle qu'intéressante. Il s'agit d'une carte postale au dos de laquelle a été noté le détail d'un menu suffisamment copieux pour que s'en exhibe le caractère festif. Qu'on en juge aux différents mets que les convives purent goûter lors de ce repas : consommé, croquettes à la Chambord, poulets de graine rôtis, salade, haricots verts à la Bretonne, York [jambon] à la Strasbourgeoise, riz à l'Impératrice, dessert. Voilà qui nécessitait bon appétit et qui dut asseoir les invités plusieurs heures. Notons toutefois que les vins et liqueurs arrosant le repas ne sont pas précisés. Cette copie manuscrite du menu est datée dans le coin inférieur droit : 29 sept[embre]. 1918. Sans doute pour conserver un souvenir précis de ce repas et de l'événement qu'il célébrait.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Sur le recto de la carte, comme on s'en doute, figure l'illustration ; mais celle-ci n'en occupe que la moitié supérieure et prend place dans une sorte de nuage, ne laissant voir finalement qu'un nombre restreint d'éléments : un zeppelin, un château d'eau, un bout d'entrepôt ou de hangar, l'entrée d'un baraquement, le sommet d'une tour ; de sorte qu'il me fallut bien plusieurs minutes pour identifier le lieu, pourtant ô combien familier. Il s'agissait simplement d'une vue du port de Camaret, le toit de la fortification surmontée d'un drapeau n'étant rien autre que le toit de la tour Vauban. Ce fragment photographique avait néanmoins de quoi dérouter le récurrent touriste de Camaret, la plupart des éléments architecturaux ayant aujourd'hui disparu. Il faut dire que l'acquisition et la lecture, l'été dernier, du <a href="http://www.avel-gornog.fr/spip.php?article22">n°16</a> de l'excellente revue <a href="http://www.avel-gornog.fr/"><i>Avel Gornog</i></a>, entièrement consacrée à la vie et à l'histoire de la Presqu'île de Crozon, dut faciliter l'identification : je me souvins en effet avoir lu dans cette livraison un article richement documenté sur le Centre d'Aviation Maritime (C.A.M.) de Camaret que l'armée installa sur le sillon où se dresse la tour Vauban. Inauguré en janvier 1917, le C.A.M. comptait, en juin 1918, 32 hydravions. La vue représentée sur notre carte postale fut probablement photographiée dans les six premiers mois de 1918, l'achèvement du château d'eau datant de novembre 1917. C'est donc là un témoignage iconographique assez rare de l'activité militaire du port de Camaret.</div><blockquote class="tr_bq"><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjWckfg8DL0ixwsm-CLleLIaAl-W-LOg02Jki1MnMdERmMkEnYdJtBhLJ3v9HhM4QC1AS-S5DvuD-odXkE6KQr654BaGrnYse2xcdqV2ZZAyQHPVrf9bIp4HOFlDbWA3JD_iLiHGU2fXZk-/s1600/Carte+postale+%28Menu+du+29+septembre+1918%29+signatures.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="400" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjWckfg8DL0ixwsm-CLleLIaAl-W-LOg02Jki1MnMdERmMkEnYdJtBhLJ3v9HhM4QC1AS-S5DvuD-odXkE6KQr654BaGrnYse2xcdqV2ZZAyQHPVrf9bIp4HOFlDbWA3JD_iLiHGU2fXZk-/s400/Carte+postale+%28Menu+du+29+septembre+1918%29+signatures.JPG" width="265" /></a></div></blockquote><div style="text-align: justify;">Mais ce qui rend ce document plus passionnant encore, c'est qu'il est abondamment signé : par tout ou partie des convives. On reconnaît sans difficultés les signatures de Divine Saint-Pol-Roux qui semble occuper la place d'honneur, de Saint-Pol-Roux, plus discrète, sous le hangar ; d'autres, tout à fait lisibles, sont de personnalités qui nous demeurent inconnues : Mademoiselle G.-Jean Guillaume, Germaine - faisons l'hypothèse qu'il s'agit d'amies de Divine ; pour d'autres, l'article de Thierry Le Roy, dans le <a href="http://www.avel-gornog.fr/spip.php?article22">n°16</a> d'<i>Avel Gornog</i>, sur "Le C.A.M. Camaret 1917-1918 un centre d'aviation maritime de première ligne" me fut encore une fois d'une aide précieuse. En effet, grâce à lui j'ai pu identifier cinq autres signataires, tous membres du personnel volant du C.A.M. : Louis Robert, enseigne de vaisseau observateur, dans le coin supérieur gauche ; Jean Trayer, enseigne de vaisseau pilote, sous la signature de Saint-Pol-Roux ; Boris Chonieff, capitaine russe, pilote, qu'on peut probablement reconnaître dans le patronyme orthographié "Goghnieff" ; R. Lepetit, enseigne de vaisseau observateur (dans la liste donnée en fin de son article par Thierry Le Roy, ce dernier est prénommé Léon, mais je fais tout de même l'hypothèse qu'il puisse s'agir du même) ; Serge Sagatovski, capitaine de la Légion étrangère, pilote, sous le précédent. La signature difficilement déchiffrable des quatre autres ne m'a pas permis de les retrouver parmi les noms des autres officiers, pilotes ou observateurs, recensés par Thierry Le Roy. Les cinq identifiés étaient en poste en septembre 1918. On remarquera la cohérence qui préside à la présence de signatures d'officiers pilotes et observateurs du C.A.M. sur une carte postale le représentant très partiellement (sans doute pour éviter de trop détailler les plans de la base si le courrier venait à tomber entre les mains de l'ennemi). Il est donc possible et logique de penser que le document appartint à l'un d'eux ou que l'un des militaires présents donna cette carte postale pour qu'elle servît de souvenir à cette réunion. Mais quelle fut donc la circonstance qui donna lieu à de telles agapes ? On sait que Saint-Pol-Roux fut actif, poétiquement, pendant la guerre et qu'il n'hésita pas à donner du Verbe dans les journaux pour soutenir l'armée française et ses alliés. En mai 1917, il avait, par exemple, dédié un "poème populaire", <i>Les Mouscouls</i>, "à l'escadrille de Camaret". Voilà qui put rapprocher le poète des as du C.A.M., d'autant que quelques jours plus tard, le 8 juin, on pouvait lire dans <i>Le Temps</i> :</div><blockquote class="tr_bq"><div style="text-align: justify;">"S'inspirant d'un poème de Saint-Pol-Roux intitulé : <i>les Mouscouls</i>, l'escadrille d'hydravions du commandant Pouyer a pris le nom d'"escadrille des Mouscouls". Le mouscoul est le grand aigle des côtes bretonnes."</div></blockquote><div style="text-align: justify;">Le Magnifique était ainsi devenu, en quelque sorte, le parrain du C.A.M. Le retrouver attablé aux côtés d'officiers le 29 septembre 1918 ne peut donc nous surprendre.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Toutefois, la place centrale et l'importance de la signature de Divine, indéniablement mise en valeur quand la signature paternelle se fait plus modeste, semblent signifier que la circonstance qui réunit les treize convives autour des croquettes à la Chambord et du riz à l'Impératrice n'était pas (uniquement) militaire. Une raison plus familiale, plus intime, ne fut sans doute pas étrangère à ce "banquet" : la veille, Divine venait d'avoir vingt ans. Née le 28 septembre 1898, on peut aisément imaginer qu'on célébra dignement et joyeusement son vingtième anniversaire par un copieux et fin repas, tel que la famille Saint-Pol-Roux en connut peu pendant cette guerre. La présence d'officiers du C.A.M. s'explique. Le poète avait d'abord pu se lier avec plusieurs d'entre eux ; puis il avait certainement souhaité, pour cette occasion, entourer sa fille de jeunes gens, peu ou prou de sa génération. La veille, soit le jour de l'anniversaire de Divine, Saint-Pol-Roux avait composé un poème pour sa fille, dont j'extrais, à dessein, deux strophes en prose :</div><blockquote class="tr_bq"><div style="text-align: center;"><i>Au cadran du vieux Temps</i></div><div style="text-align: center;"><i>Ma Divine a vingt ans !</i></div></blockquote><blockquote class="tr_bq"><div style="text-align: justify;"><i>Après viendra la saison gracieuse où de hauts papillons viendront à la maison de notre rose devenue la plus belle qu'on sache, et ces hauts papillons ne seront pas les mêmes que ceux-là d'antan, étant sans ailes mais non sans moustaches, - et moi, poète, apercevant ma fille environnée de tant de jeunes gens, je sourirai derrière le rideau de mes cheveux d'argent.</i></div></blockquote><blockquote class="tr_bq"><div style="text-align: center;"><i>Au cadran du vieux Temps</i></div><div style="text-align: center;"><i>Ma Divine a vingt ans !</i></div></blockquote><blockquote class="tr_bq"><div style="text-align: justify;"><i>Plus tard, un papillon ayant été choisi par notre rose en allégresse, les liserons de bronze du clocher sonneront l'heure de caresse, - et l'avenir verra naître des roses et des papillons éclore en robe de baptême, que celles-là ne seront pas en porcelaine mais en chair d'aurore, et qui ceux-ci de moustaches n'auront pas encore.</i></div></blockquote><blockquote class="tr_bq"><div style="text-align: center;"><i>Au cadran du vieux Temps</i></div><div style="text-align: center;"><i>Ma Divine a vingt ans !</i></div></blockquote><div style="text-align: justify;">Saint-Pol-Roux souhaitait le bonheur de sa fille et lui souhaitait l'amour. Il me plait de penser que, lui ayant offert ce poème pour ses vingt ans, il ait, le lendemain, environné Divine de papillons à moustaches et, ceux-ci, bel et bien ailés, dans l'espoir que, peut-être, elle prenne son envol.</div>Mikaël Luganhttp://www.blogger.com/profile/02030100149703591043noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-3512815032448605100.post-32209344834491019012012-02-08T16:56:00.000+01:002012-02-08T16:56:05.418+01:00De notre ami Bernard Barral : petit compte rendu de la carte blanche d'Emilie Prevosteau dédiée à Saint-Pol-Roux<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgm2F75yLwJRs9nD0gmalSZ-59zg68Iy71xk31Uis4xelPfWhc-5JLX1ZLYv_npBTXsabwmaxnSV7K8X2uV6FSOWoQ5AsLwIHtLMFBEfp631-_MEb2ZcB67flh9GEBUWCzko5JjDH52LpaC/s1600/IMG_9776+1.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgm2F75yLwJRs9nD0gmalSZ-59zg68Iy71xk31Uis4xelPfWhc-5JLX1ZLYv_npBTXsabwmaxnSV7K8X2uV6FSOWoQ5AsLwIHtLMFBEfp631-_MEb2ZcB67flh9GEBUWCzko5JjDH52LpaC/s320/IMG_9776+1.jpg" width="214" /></a></div><div style="text-align: justify;">Le mois de janvier m'a quelque peu éloigné du blog, et c'est avec un fort retard que je donne à lire aux visiteurs fidèles le texte que notre ami Bernard Barral a eu la gentillesse de me communiquer. Je n'avais malheureusement pas pu assister à la carte blanche qu’Émilie Prevosteau dédia au Magnifique lors de deux séances, les 21 et 23 décembre derniers, à la Comédie Française. Mais la Société des Amis de Saint-Pol-Roux y fut bellement représentée. Et je reçus, dans les heures et les jours qui suivirent, plusieurs échos enthousiastes qui, tous, saluaient l'initiative de la jeune comédienne et de sa <i>troupe </i>réunie pour faire vibrer le Verbe idéoréaliste dans la maison de Molière. Je suis convaincu que Saint-Pol-Roux, fatalement, y sera joué un jour prochain - et quand j'écris "Saint-Pol-Roux" il faut lire, bien évidemment, sa <i>Dame à la Faulx</i>. C'est une question de temps. Nul doute, en outre, que cette carte blanche réussie en aura accéléré l'avènement.</div><div style="text-align: justify;"><blockquote class="tr_bq"><div style="text-align: center;"><b>« Les voix actives de ces êtres unis pour vous offrir un bouquet de paroles » </b></div><div style="text-align: center;"><b>(Au bout du monde)</b></div></blockquote><blockquote class="tr_bq"><i>Il y a d’abord le montage judicieux, par Émilie Prévosteau, des textes de Saint-Pol-Roux, depuis le murmure des ravaudeurs de paroles qui enfle comme la marée, se dissocie peu à peu du bavardage des spectateurs, et qui finit par s’imposer, jusqu’à la polyphonie finale des voix des interprètes. Et c’est bien le Verbe du poète, pour nous encore inouï, que nous entendons et qui littéralement s’incarne pendant cinquante-cinq minutes, selon les modulations de chaque comédien. Quelques naïvetés certes mais, comme dirait le Magnifique, celles de gravures coloriées trouvées dans des cahiers d’écoliers. Des pointes d’humour et surtout de beaux moments d’émotion.</i><br />
<br />
<i>On ne peut que féliciter et remercier Romain Dutheil, Guillaume Mika, Cécile Morelle, Samuel Roger et Julien Romelard d’avoir inventé, grâce à Émilie Prévosteau, un projet novateur et d’avoir retrouvé le sens profond de l’acte poétique avec une touchante fraîcheur. </i></blockquote><blockquote class="tr_bq"><div style="text-align: right;">Bernard B<span style="font-size: x-small;">ARRAL</span>.</div></blockquote><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhQTS2opGXMcfjuiAAUEczIBpAFpRwm8hn1ngcaYOdNYLHhcqpEUkq5cBHiMfwwDGd3HTbYhkJzkrYfltAFWWA8RnVl8vDb9x7iu8YnnwnEvrPiPDH6ENml4Vg8BidWrKxePdCzUd3Vpg0J/s1600/IMG_9807+1.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="238" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhQTS2opGXMcfjuiAAUEczIBpAFpRwm8hn1ngcaYOdNYLHhcqpEUkq5cBHiMfwwDGd3HTbYhkJzkrYfltAFWWA8RnVl8vDb9x7iu8YnnwnEvrPiPDH6ENml4Vg8BidWrKxePdCzUd3Vpg0J/s400/IMG_9807+1.jpg" width="400" /></a></div><blockquote class="tr_bq"><div style="text-align: center;"> Tous droits réservés pour le texte - Bernard Barral</div><div style="text-align: center;">Photographies de Colin Guillemant (tous droits réservés)</div></blockquote></div>Mikaël Luganhttp://www.blogger.com/profile/02030100149703591043noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3512815032448605100.post-25537658477659509492012-02-06T01:08:00.000+01:002012-02-06T01:08:41.698+01:00L'Académie Mallarmé a son historien<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi8KySXydhGr-RvbGnxDo_1PVXR45lqFxsaM9Ud9TmyZTpCC2BUfOqQ63rw1109mMlQFk6x2lA-PPu-nRfONdLxhENGmo_05bE6AJ898xJId-klbYvWOXTLTQCYDA3FxYhKLwvIXRYui4gV/s1600/DECHARGE+%2528n%25C2%25B0152%252C+d%25C3%25A9cembre+2011%2529.JPG" imageanchor="1" style="clear: right; float: right; margin-bottom: 1em; margin-left: 1em;"><img border="0" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi8KySXydhGr-RvbGnxDo_1PVXR45lqFxsaM9Ud9TmyZTpCC2BUfOqQ63rw1109mMlQFk6x2lA-PPu-nRfONdLxhENGmo_05bE6AJ898xJId-klbYvWOXTLTQCYDA3FxYhKLwvIXRYui4gV/s320/DECHARGE+%2528n%25C2%25B0152%252C+d%25C3%25A9cembre+2011%2529.JPG" width="223" /></a></div><div style="text-align: justify;">On sait combien l'aventure de l'Académie Mallarmé, de son vagissement dans les premières semaines de 1937 à la libération, nous a retenu. Nous lui avons consacré <a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.com/search/label/Acad%C3%A9mie%20Mallarm%C3%A9">une vingtaine de billets</a> qui composent une sorte de journal où se lisent, de coupure de presse en coupure de presse, péripéties et moments glorieux de cette institution. C'était offrir, toutefois, faute de mieux, une lecture fragmentaire. Il manquait un récit. Il lui manquait un historien. Or, le voici, qui nous donne dans le n°152 la revue <i>Décharge</i>, en attendant le volume, un abrégé de ses recherches. Bernard Fournier est poète ; il est aussi membre de l'Académie Mallarmé depuis 2009, voilà qui le rendait doublement légitime pour entreprendre la rédaction de cette histoire.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Il serait trop long de commenter les quatorze pages que compte l'article, et qui retracent l'historique des deux premières "Académies" (celui de la troisième devant paraître dans le numéro suivant). Je préfère renvoyer le lecteur à la source pour les découvrir en détails. Je m'attarderai plutôt sur ce point qui ne manquera pas d'étonner qui suivit notre "journal" mallarmacadémique : il y eut, bien avant l'officielle et statutaire Académie, une Société Mallarmé. L'initiateur en était déjà Édouard Dujardin. Avec le Dr Bonniot, gendre du Maître, il réunit quelques-uns qui fréquentèrent rue de Rome, afin de célébrer son œuvre et sa mémoire. Parmi les membres fondateurs - outre les deux déjà cités - Bernard Fournier donne les noms d'André Fontainas, André-Ferdinand Hérold, Henri de Régnier, Francis Vielé-Griffin et Paul Valéry. La réunion constitutive eut lieu le 6 juin 1923, dans les locaux du <i>Mercure de France</i>. Bernard Fournier ne mentionne pas Saint-Pol-Roux dans les lignes qu'il consacre à cette "Société", pourtant il semblerait que le Magnifique fût pressenti pour en être. En effet, une lettre du 5 juin 1923, à Alfred Vallette, l'hôte accueillant, plaide en ce sens :</div><blockquote class="tr_bq"><div style="text-align: justify;">"Mon cher Vallette, c'est demain mercredi que, sur la convocation d’Édouard Dujardin, se réuniront au <i>Mercure </i>les fondateurs de la <i>Société Mallarmé</i>. Je vous prie de bien vouloir, auprès de Dujardin et de nos amis, excuser mon absence physique ; mais qu'ils sachent que moralement je serai tout à fait présent et de plein cœur avec eux."</div></blockquote><div style="text-align: justify;">Le Magnifique avait donc été, lui aussi, convié à cette réunion constitutive où siégèrent les fondateurs. L'absence physique le priva-t-il du statut ? Je l'ignore, et cela est de peu d'importance puisque la "Société Mallarmé" ne dura guère. Son grand événement fut la pose de la plaque commémorative sur la maison de Valvins le 14 octobre 1923. Ce fut à peu près le seul. Les dissensions entre les membres fondateurs eurent raison de son existence. Bernard Fournier rappelle que le Dr Bonniot ne pardonna pas à Valéry son absence à Valvins lors de la cérémonie du 14 octobre, que Gustave Kahn se brouilla avec Dujardin et Vielé-Griffin avec Henri de Régnier. Autant d'obstacles qui expliquent qu'il fallut attendre quatorze ans et le cinquantenaire du Symbolisme pour que Dujardin relançât l'idée et que l'idée devînt féconde.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Est-il besoin de préciser que l'article de <i>Décharge </i>m'a mis en appétit et que j'attends avec impatience la parution de l'<i>Histoire de l'Académie Mallarmé</i> ? En l'attendant, je remercie vivement Bernard Fournier de m'avoir adressé un exemplaire de cette livraison, que tous ceux que les aventures de la poésie intéressent ne manqueront pas de se procurer très prochainement.</div>Mikaël Luganhttp://www.blogger.com/profile/02030100149703591043noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3512815032448605100.post-40453784401215579052012-02-05T20:16:00.000+01:002012-02-05T20:16:25.333+01:00Un exemplaire rare de L'Âme noire du Prieur blanc<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhPc-biP8AjRpTsVy2YCnOH8u_c9cArqTaJSw9paz1XPrB3-bdfhUNKtZqecQBrOdPlnTYDi99MNsovo5VJ-yp36m-lsgI-2ef79FFTSspAv34YHydVXwfLZV2OR1hH7ljvNB14sRsL0xvm/s1600/L%2527%25C3%25A2me+noire+du+prieur+blanc.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhPc-biP8AjRpTsVy2YCnOH8u_c9cArqTaJSw9paz1XPrB3-bdfhUNKtZqecQBrOdPlnTYDi99MNsovo5VJ-yp36m-lsgI-2ef79FFTSspAv34YHydVXwfLZV2OR1hH7ljvNB14sRsL0xvm/s320/L%2527%25C3%25A2me+noire+du+prieur+blanc.jpg" width="226" /></a></div><div style="text-align: justify;">Dans le catalogue de décembre de la <a href="http://www.librairie-walden.com/">Librairie Walden</a>, le n°152bis ne pouvait que retenir mon attention. Les exemplaires, avec envoi, de Saint-Pol-Roux sont en effet trop rares - en salle de vente ou chez les libraires - pour ne pas fixer mon obsession bibliophilique. Et celui-ci est tout à fait intéressant, puisque dédié, non pas à un contemporain célèbre - écrivain ou artiste - mais à un ami obscur sur lequel - et le libraire ne manque pas de le signaler - nous manquons cruellement d'informations. Alexandre Kieffer, puisque c'est de lui qu'il s'agit, fit partie du cercle intime de Saint-Pol-Roux à Paris, dans les années héroïques du Magnificisme. Le poète lui dédia son premier livre signé de son pseudonyme définitif, la <i>naïve légende</i> dramatique de <i>L'âme noire du prieur blanc</i>, publiée aux "Éditions du Mercure de France" en 1893. La dédicace se trouve en tête du volume, sous cette forme imprimée : "A mon ami Alexandre Kieffer".</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Mais, avant de poursuivre, donnons ici la notice du libraire :</div><blockquote class="tr_bq"><div style="text-align: justify;"><b>L'âme noire du prieur blanc</b><br />
Paris, s.l., 1893. 1 vol. (170 x 230 mm) de 120 pp., broché.<br />
Édition originale. Un des rares exemplaires sur hollande. Précieux exemplaire de dédicace, avec envoi signé : <i>"à Alexandre Kieffer, ce gage sincère d'un cœur éternellement dévoué, Son ami : Saint-Pol-Roux"</i>. Ce mystérieux Alexandre Kieffer, sur lequel nous ne trouvons aucune information, semble être un ami de longue date, puisque déjà, en 1890, un poème lui est dédié (in <i>Courrier Français</i>, n°41 du 12 octobre 1890). Trois ans plus tard, il lui dédie non plus un seul poème, mais son recueil tout entier, le deuxième publié sous le nom complet de Saint-Pol-Roux. Entre ces deux dates, il aura participé au développement du <i>Mercure de France</i>, travaillé à l'achèvement de sa "symphonie tragique" et lancé son manifeste du Magnificisme. Avec l'enquête de Jules Huret sur l'évolution littéraire, le nom du poète allait s'attacher désormais pour les chroniqueurs de l'époque à d'orgueilleuses théories poétiques et à un qualificatif, rapidement tournés en dérision : le Magnifique. </div></blockquote><div style="text-align: justify;">Comme je l'ai précisé plus haut, il ne s'agit bien évidemment pas d'un recueil mais d'une pièce de théâtre ; par ailleurs, le libraire mentionne qu'il s'agit du "deuxième publié sous le nom complet de Saint-Pol-Roux" alors que j'ai indiqué qu'il s'agissait plutôt du premier. Il faut dire que le poète a lancé à cette époque un chantier éditorial important d'où sortiront quasi simultanément trois œuvres majeures : <i>L'âme noire du prieur blanc</i>, <i>l'épilogue des saisons humaines</i>, le tome premier des <i>Reposoirs de la Procession</i>. Si ce dernier eut quelques retards et ne parut qu'à la fin de l'année 1893, les deux autres, essais dramatiques, sortirent des presses pendant l'été. Mais c'est bien la <i>naïve légende</i> qui fut conçue la première et qui précéda <i>l'épilogue</i> chez l'imprimeur. Quant aux autres commentaires du libraire, je n'y vois rien à redire. Comment le pourrais-je ? La deuxième moitié de la notice étant un simple copié-collé d'<a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.com/2007/08/de-ma-bibliothque-7-les-reposoirs-de-la.html">un ancien billet</a> du blog. J'aime suffisamment les libraires, j'ai suffisamment d'amis libraires, pour m'amuser de ce plagiat et conseiller simplement à celui de la Librairie Walden de citer, la prochaine fois, ses sources.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Revenons plutôt à Alexandre Kieffer. Le libraire a raison, un sonnet paru dans <i>Le Courrier Français</i> du 12 octobre 1890, qu'avait reproduit sur son excellent <a href="http://livrenblog.blogspot.com/2008/01/trouv-dans-le-courrier-franais-du-12.html">Livrenblog</a> le cher Bruno Leclercq, prouve que les relations de Kieffer et de Saint-Pol-Roux étaient anciennes, remontant probablement aux dernières années de 1880. Sans doute, Alexandre Kieffer fréquentait-il les mêmes tavernes montmartroises que Gabriel Randon, que Charles Gillet, que Jules Méry, tous jeunes poètes constituant le premier cercle des Magnifiques. On ne trouve que deux mentions du mystérieux Kieffer dans la correspondance jusqu'ici collectée de Saint-Pol-Roux. La première figure dans une lettre du 25 décembre 1895 à Gabriel Randon - le poète réside alors dans la forêt des Ardennes :</div><blockquote class="tr_bq"><div style="text-align: justify;">"J'ai cessé mes lettres à Kief et Charles [Gillet] car je ne pouvais que les chagriner par mes soucis d'alors. Ah ça n'a pas toujours été drôle, ah non ! Bref je n'écris plus à personne. Mais je n'oublie pas. Les Kieffer ont été une Providence pour moi. Et qu'ils soient sûrs d'être en bonne place dans le cœur fidèle des exilés. Bonjour à tous les amis."</div></blockquote><div style="text-align: justify;">Voilà qui conforte notre hypothèse du petit groupe d'amis, Randon (futur Jehan Rictus) faisant office de lien et de messager pendant l'absence du Magnifique. Autre élément : Kieffer semble avoir joué, dans ce petit groupe, le rôle de mécène, ce qui pourrait expliquer la double dédicace, imprimée et manuscrite, de <i>L'âme noire du prieur blanc</i>. Contrairement aux autres membres cités, son nom ne se retrouve au sommaire d'aucune petite revue de l'époque : Alexandre Kieffer aurait donc plutôt manifesté son intérêt pour la poésie nouvelle en bienfaiteur.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">La seconde mention apparaît, plus tardivement, dans une lettre du 25 février 1909 à Victor Segalen :</div><blockquote class="tr_bq"><div style="text-align: justify;">"Dînons chez Royère vendredi demain et chez Kieffer samedi."</div></blockquote><div style="text-align: justify;">Saint-Pol-Roux est alors à Paris ; il a remis <i>La Dame à la Faulx</i> sur le métier : Jules Claretie souhaite une version jouable en quatre heures. Cette seconde mention du nom de Kieffer, vingt ans après le début probable de leur amitié, prouve qu'elle durait encore et que les deux hommes avaient gardé contact. Il doit exister, quelque part, une importante correspondance et des documents inédits qui permettraient de lever davantage le voile sur cette relation. Peut-être Alexandre Kieffer a-t-il eu des enfants qui auront conservé ses papiers puis qui les auront transmis à leurs propres enfants... Si ces derniers venaient à tomber sur ce billet, qu'ils n'hésitent pas à me contacter et/ou à fouiller dans leurs caves et greniers.</div>Mikaël Luganhttp://www.blogger.com/profile/02030100149703591043noreply@blogger.com3tag:blogger.com,1999:blog-3512815032448605100.post-16337810301252003762011-12-12T22:43:00.000+01:002011-12-12T22:43:34.321+01:00Saint-Pol-Roux entre à la Comédie Française<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjSRbFP9FpYns3HrmCBcDUMv7D2h_cwzCLwCx6Ay27AxUWOdE2MlIx7uwCiaSz8W_3b28SR86q-_psePxkLo-53RwbZkjyJU-zNPTBchRWB8bVyBdyKanHqjYTa6PFoDwSLw8gy8El7BZ0v/s1600/Moliere_repliqueFauteuil_comedie_francaise.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjSRbFP9FpYns3HrmCBcDUMv7D2h_cwzCLwCx6Ay27AxUWOdE2MlIx7uwCiaSz8W_3b28SR86q-_psePxkLo-53RwbZkjyJU-zNPTBchRWB8bVyBdyKanHqjYTa6PFoDwSLw8gy8El7BZ0v/s320/Moliere_repliqueFauteuil_comedie_francaise.jpg" width="277" /></a></div><div style="text-align: justify;">Voilà un petit lustre que metteurs en scène et comédiens audacieux s'intéressent à Saint-Pol-Roux. On se souvient que Claude Merlin monta <a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.com/2007/09/le-fumier-de-saint-pol-roux-bientt.html"><i>Le Fumier</i></a> en 2007, à La Guillotine de Montreuil d'abord, puis au Hangar de Montpellier ; on se souvient que Christophe Maltot, dans les premiers jours de l'été, cette même année, fit représenter par ses élèves du conservatoire d'Orléans, <a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.com/2007/09/la-dame-la-faulx-orlans-entretien-avec.html"><i>La Dame à la Faulx</i></a>. Théâtres à côté, non subventionnés, théâtres expérimentaux, autant d'espaces qui n'auraient pas déplu au poète, qui ne fut, de son vivant, joué que par le vaillant et téméraire Théâtre Idéaliste de Carlos Larronde. Toutefois, son souhait profond, avoué, était de donner l'<i>Hernani</i> du Symbolisme, et un tel coup n'était possible qu'à la Comédie Française. Malheureusement, cette dernière lui demeura obstinément fermée, sinon pour quelque <a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.com/2007/07/deux-numros-de-comoedia-spr-la-comdie.html">matinée poétique</a> où furent récités deux ou trois de ses poèmes. Mais, voici que, grâce à Émilie Prévosteau, qui interprétait le rôle de Divine dans la mise en scène de Christophe Maltot, le spectre de Saint-Pol-Roux va, très-prochainement, s'asseoir sur le fauteuil de Molière. La jeune comédienne, élève à la Comédie Française, consacrera en effet sa carte blanche de fin d'année, les mercredi 21 décembre à 10h et vendredi 23 décembre à 11h, au Magnifique. Le programme, qui nous a été aimablement communiqué par Émilie Prévosteau, est prometteur. Qu'on en juge :</div><blockquote class="tr_bq"><ol><li><i>Texte d'ouverture : conclusion de la conférence "Le Verbe total et vivant"</i></li>
<li><i>"Apocalypse"</i></li>
<li><i>Début de "La Solitude et le Symbolisme"</i></li>
<li><i>Extrait de l'</i>Enquête sur l'évolution littéraire<i> : "Ô le Drame, expression capitale de la poésie..."</i></li>
<li>La Dame à la Faulx<i> (Acte II, scène 3) - Magnus et Elle</i></li>
<li><i>Improvisation critique : colloque autour de</i><i> </i>La Dame à la Faulx<i>, comme un fantasme du banquet de 1909</i></li>
<li><i>Le refus du Comité de Lecture en 1910, le projet avorté du Théâtre des Arts</i></li>
<li><i>"Je vis dans 50 ans" (extrait)</i></li>
<li>La Dame à la Faulx<i> (Acte V, scène 3) - Magnus et Elle ("Je suis l'Impératrice de l'Univers...")</i></li>
<li><i>"Ma rencontre capitale" (extrait)</i></li>
<li><i>"Le Désir"</i></li>
<li>La Dame à la Faulx<i> (Acte V, scène 7) - Magnus et Elle</i></li>
<li><i>Petit traité de déshumanisme (extrait)</i></li>
<li><i>"Oraison"</i></li>
</ol></blockquote><div style="text-align: justify;">Si <i>La Dame à la Faulx</i> sert naturellement de fil rouge à cette carte blanche <i>magnifique</i>, la jeune comédienne a choisi de ne sacrifier aucune des autres facettes de l’œuvre idéoréaliste, sans doute pour faire apparaître davantage encore combien Saint-Pol-Roux fut, hanté de dramaturgie, l'homme du Verbe. Souhaitons un beau succès à Émilie Prévosteau et aux autres élèves-comédiens qui concrétiseront, lors de ces deux matinées à la Comédie Française, un rêve de poète.</div>Mikaël Luganhttp://www.blogger.com/profile/02030100149703591043noreply@blogger.com3tag:blogger.com,1999:blog-3512815032448605100.post-27238336869971894462011-12-05T15:10:00.000+01:002011-12-05T15:10:03.869+01:00Saint-Pol-Roux et l'Ecole différenciatrice<div style="text-align: justify;"><i>Dans un de ses articles retraçant ses "souvenirs du quartier latin" donnés au </i>Matin<i>, dont il était un collaborateur régulier, Jean Carrère (1868-1932) rappelle ce que fut "L’École différenciatrice", école largement parodique aux disciples bien turbulents, qui ne dura guère et ne laissa pas davantage de traces dans l'histoire littéraire. Comme nombre de jeunes hommes, aspirants-poètes, de l'époque, Carrère était animé d'un idéal social qui lui causa quelques bosses sur le sommet du crâne. Début juillet 1893, étudiant hantant le quartier Latin, il avait été agressé par quelques représentants de la maréchaussée fort peu enclins à tolérer le débraillé vestimentaire et idéologique. L'indignation, parmi les jeunes, fut grande, et dans l'après-midi du 7, les étudiants décidèrent de se réunir au café Voltaire ; la police intervint et empêcha la réunion. On se replia alors dans un café voisin, et on rédigea "une affiche invitant la jeunesse intellectuelle des écoles </i>à protester contre ce nouvel acte brutal et provocateur de la police<i>". Parmi les signataires, on releva particulièrement les noms de Gabriel Vicaire, Stuart Merrill, Ternaud, Fernand Clerget, Saint-Pol-Roux, Alfred Valette, etc. (D'après </i>Le Matin<i> du 8 juillet 1893). Voilà un nouveau signe de l'engagement idéologique et politique du Magnifique pour la liberté, qui le classe parmi les écrivains à la pointe du combat intellectuel. Voilà aussi qui nous renseigne sur les fréquentations de Saint-Pol-Roux. Dix-huit ans après son agression, Jean Carrère reviendra sur l'esprit qui animait les habitués du quartier Latin au début des années 1890, mais la violence policière disparaîtra au profit d'une compréhension bonne enfant et d'une fantaisie unanime. Abandonnons-lui la parole :</i></div><blockquote class="tr_bq"><div style="text-align: center;"><b><span style="font-size: x-small;">SOUVENIRS DU QUARTIER LATIN</span></b></div></blockquote><blockquote class="tr_bq"><div style="text-align: center;"><span style="font-size: large;"><b>L’École différenciatrice</b></span></div></blockquote><blockquote class="tr_bq"><div style="text-align: justify;">Il y avait au café de la Source, dans les tables situées contre le mur, à droite de l'entrée, un groupe dont le noyau restait toujours le même et autour duquel évoluaient, un moment ou l'autre, la plupart des étudiants qui fréquentaient le boulevard Saint-Michel. Tout ce qui, bruyamment ou confusément, s'agitait, il y a huit ou dix ans, dans le cerveau de la jeunesse, trouvait en ce cénacle ouvert le plus retentissant écho.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Littérature, amour, politique, philosophie, peinture, économie, socialisme, danse et manille, tout s'y discutait avec le même entrain juvénile, et l'on y renouvelait la face du monde plus fréquemment que les consommations. Car on y était surtout riche d'espoirs. Volontiers, comme le "Client sérieux" de Courteline, on transformait le café en gloria, le gloria en rhum à l'eau, le rhum à l'eau en eau sucrée, et finalement l'eau sucrée en eau fraîche, ce qui permettait de boire tout un soir à peu de frais. Le patron, cependant, était l'ami de ces clients sonores qui répandaient de l'animation et du lustre ; et le garçon Auguste, préposé à ces tables, ayant fini par y acquérir les connaissances les plus variées, apportait parfois son avis dans les hautes questions sociales. Il était disciple de Zévaès, qui dirigeait, dans ce groupe, l'élément collectiviste.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">La littérature y était plus féroce encore que la politique. Toutes les Écoles poétiques qui se disputaient le règne de l'avenir se jetaient à la tête hémistiches et assonances. Et comme les sociologues prenaient part aux discussions littéraires, les littérateurs aux joutes sociales, et que les étudiants des tables voisines venaient peu à peu se mêler aux querelles, il arrivait des soirs où les soucoupes allaient se croiser dans l'atmosphère batailleuse, quand tout à coup retentissait ce cri :</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">- Place à l’École différenciatrice ! Alors, comme par enchantement, les cris de colère finissaient en éclats de rire, les socialistes et les bourgeois, les symbolistes et les parnassiens s'offraient mutuellement des cigares, et le garçon Auguste, à sa grande surprise, s'entendait redemander des bocks.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Quelle était donc cette École différenciatrice ? Personne n'a jamais pu le dire ! Qui comprenait-elle ? Tout le monde ! Quel était son but ? Aucun ! Elle était née de l'éclat de rire d'une génération et mourut de sa dispersion naturelle. C'était une parodie joyeuse de nos propres manies, une folle échappée, consentie par nous tous, hors des groupements factices où nous avions tendance à nous enrégimenter. C'était la revanche de la bonne humeur contre la pose. Cela passa comme un tourbillon de gaieté, d'ironie sans fiel, de joyeuse truculence, et pendant cinq ans toute la rive gauche y fut entraînée.</div></blockquote><blockquote class="tr_bq"><div style="text-align: center;">*</div><div style="text-align: center;">* *</div></blockquote><blockquote class="tr_bq"><div style="text-align: justify;">Les inventeurs de cette nouvelle Basoche étaient une bande d'incorrigibles fantaisistes dont un seul eût suffi pour mettre la rive gauche en révolution.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Détail particulier : ils étaient tous, dans la journée, de déterminés travailleurs et on ne les voyait jamais que passé cinq heures. Mais à partir de ce moment, le boulevard Saint-Michel était leur empire. Toutes les sections du quartier étaient représentées dans l’École différenciatrice et, dès que les chefs entraient dans un café, on battait aux champs.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Il y avait Jean Dayros, dont le pseudonyme cachait un grave chef de bureau en un grave ministère, et qui, ayant remisé ses rapports, écrivait, à ses loisirs, un recueil d'inénarrables parodies sous le titre les <i>Solitaires, Vers</i> ; Charly, le populaire caricaturiste des pioupious, qui dirige aujourd'hui le journal la <i>Baïonnette </i>; Gabriel de Lautrec, mélange curieux de rêveur et d'humouriste, auteur de tendres <i>Poèmes en prose</i> et inventeur, en même temps, du fameux "mètre en caoutchouc pour mesurer la constance des opinions politiques" ; Curnonski qui, en collaboration avec Toulet, a produit, depuis lors, ces deux piments aigus d'ironie parisienne le <i>Bréviaire des Courtisanes</i> et le <i>Métier d'Amant</i> ; Mougel qui, aux soirées de la Plume, prenait l'Académie pour cible devant Coppée et Claretie stupéfaits, et qui maintenant tient la férule de lecteur-secrétaire chez l'éditeur Simonis-Empis ; et bien d'autres encore.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Ces diables de corps ne pouvaient pas se trouver réunis dans un endroit public, sans qu'immédiatement la fantaisie la plus imprévue naquît de leur rencontre. Ils avaient surtout une façon de garder le sérieux au milieu des émotions ou des hilarités déchaînées qui donnait à leurs inventions un irrésistible comique.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">C'était jeux quotidiens, pour eux, que d'arrêter la foule par des boniments de camelots ou des discours subitement improvisés.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Quelquefois, avec des poids en carton, ils imitaient les bateleurs de foires, et d'autres fois, surtout le dimanche, Dayros, simulant la folie, montait sur un banc et faisait, en termes échevelés, les plus anarchistes menaces aux bourgeois en ballade, qui ne savaient s'ils devaient rire ou s'effarer.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">C'est eux qui eurent l'idée première des "chanteurs de rues".</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Toute la bande s'était, un beau dimanche de carnaval, déguisée chez le peintre Benoît-Lévy. Les uns avaient mis des costumes bretons, d'autres des défroques moyen âge, d'autres des vestes de mousquetaires ; un sculpteur svelte s'était fourré dans la culotte du "chanteur florentin" ; et un carabin, fort buveur de bière, resplendissait sous les hardes de Falstaff. Guitares, mandolines, accordéons, trombones, clarinettes, serpents, ophicléides, plus une fanfare de mirlitons, tous les instruments les plus burlesques défilèrent, le matin, le long des terrasses du Boul' Mich', aux acclamations des étudiants déjà levés.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">A la vérité, il y avait des voix admirables. Le sculpteur Jean Descamps, auteur actuel du buste de Paul de Kock, et un poète lyrique qui me défend de le nommer mêlaient deux timbres de baryton et de ténor comme M. Albert Carré lui-même n'en a pas dans son théâtre. Le reste de l’École différenciatrice reprenait en chœur, tant bien que mal, avec la foule, et les soupirs des mirlitons se mêlaient aux rugissements des trombones. Jean Dayros, qui faisait la quête, avait les poches de ses braies bas-bretonnes toutes retentissantes de billon.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Au milieu de la foule, déguisés en bourgeois, les poètes Stuart Merrill, Saint-Pol-Roux et d'autres amis de l’École faisaient l'office d'allumeurs :</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">- Comme ils chantent bien ! Quelle science ! Quelle voix ! Ce sont sûrement des chanteurs de l'Opéra dans la dèche !</div><div style="text-align: justify;"> </div><div style="text-align: justify;">Et ils jetaient des sous, tandis que s'apitoyait le peuple :</div><div style="text-align: justify;"> </div><div style="text-align: justify;">- Oh ! les pauvres gens ! c'est vrai qu'ils ont l'air comme il faut !</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Pendant ce temps, Charly, qui suivait à l'écart, faisait le passant grincheux :</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">- Si ce n'est pas dégoûtant ! Des hommes jeunes et robustes ! S'ils ne feraient pas mieux d'aller aux colonies !</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Quelques-uns lui donnaient raison. Mais la foule, en général, lui était hostile.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">- Assez ! Assez ! lui criaient les amies attendries.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Et on le menaçait d'un mauvais parti. Impassible, il allait nous attendre ailleurs et recommençait.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Pourtant, ça faillit mal finir. Rue Saint-Jacques, un concierge ne voulut pas nous laisser chanter.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Cet homme, assurément, n'aimait pas la musique !</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Et, comme Charly grognait toujours :</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">- Vous avez raison, dit-il, ce sont des "feignants". Que fait donc la police ?</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">La police, en effet, bonne enfant, comme presque toujours au quartier, semblait ne rien voir, et, parfois même, se berçait aux sentimentales mélodies.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Mais, cette fois, comme nous refusions de sortir et que la foule prenait parti contre le concierge :</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">- Allons ! allons ! en voilà assez ! Et d'abord, ousqu'elle est, votre plaque ?</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">- Monsieur l'agent, disait Dayros attendri, nous sommes de pauvres choristes de l'Opéra que M. Gailhard a refusé de payer ; et nous chantons pour nourrir nos pauvres familles !</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">- Oh ! ce M. Gailhard, gémissait la foule.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">- M'en fous, votre Gailhard ! Ousqu'est votre autorisation ? Et puis, quel est ce costume ? Sommes pas encore au dimanche gras !</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">- Ce sont nos costumes de théâtre, monsieur l'agent, nous avons mis les autres au "clou".</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">- Foutez de moi, vous, le malin ? Ouste ! vous direz ça au poste !</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Et toute la bande, suivie par la foule, au son des trombones et des mirlitons, s'en alla vers le poste du quartier du Val-de-Grâce.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Le commissaire d'alors était un homme d'esprit, dont le nom est resté populaire sur la rive gauche, M. Lanet. Il connaissait beaucoup d'étudiants. Quand il entendit quelques noms, il ne put s'empêcher de rire.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">- Voyons, messieurs, quelle est cette fumisterie ?</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">On s'expliqua.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">- Parfait ! dit-il, après nous avoir gourmandés pour la forme. Mais, puisque vous chantez si bien, je regrette de n'avoir pu vous entendre.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">- Qu'à cela ne tienne, monsieur le commissaire. Y a-t-il une cour, dans votre maison ?</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">- Quelle drôle d'idée !</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Mais, sans même attendre la réponse, Descamps et le ténor-poète étaient déjà dans la cour et entonnaient à pleine voix le duo de la <i>Reine de Chypre</i>.</div></blockquote><blockquote class="tr_bq"><blockquote class="tr_bq"><div style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><i>Salut, salut à cette no-o-o-ble France</i></span></div><div style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><i>Où tous les deux (bis) nous avons vu le jour !</i></span></div></blockquote></blockquote><blockquote class="tr_bq"><div style="text-align: justify;">Ce fut un spectacle édifiant. Cette vieille mélodie sentimentale remua toutes les fibres populaires. Les femmes pleuraient d'émotion et les bons sergots eux-mêmes applaudissaient sous l’œil attendri du commissaire.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Jean Dayros laissa la recette pour les pauvres, et toute la bande, en chantant, rentra triomphalement sur le Boul' Mich', escortée d'agents radieux qui, instinctivement, battaient la mesure.</div></blockquote><blockquote class="tr_bq"><div style="text-align: right;"><b>Jean Carrère.</b></div><div style="text-align: right;">(<i>Le Matin</i>, 6 juillet 1901, p. 1)</div></blockquote>Mikaël Luganhttp://www.blogger.com/profile/02030100149703591043noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-3512815032448605100.post-45464332690118569332011-11-21T02:06:00.001+01:002011-11-21T02:12:04.369+01:00L'Académie Mallarmé à la libération - dernier (?) épisode de notre feuilleton<div style="text-align: justify;">Notre feuilleton, décidément, n'en finit plus de finir. Ce n'est pas moi qui le regretterai. L'histoire de l'Académie Mallarmé, ainsi, s'étoffe et le lecteur avisé, que la vie poétique du premier demi XXe siècle passionne, ne se plaindra pas de découvrir ces fragmentaires chroniques. L'article qu'on va lire a paru dans le <i>Figaro </i>- plus précisément dans les pages "littéraires" - du samedi 2 septembre 1944, sous le bel hommage que Charles Vildrac, membre de l'Académie, rendit au Magnifique et dont il nous faudra parler. Ce dernier était lui-même précédé du récit du drame par Divine. L'auteur, anonyme, revient sur l'activité d’Édouard Dujardin pendant l'occupation et sur ses relations compromettantes avec les autorités allemandes. J'ignore si le président de l'Académie Mallarmé fut inquiété à la libération et s'il dut rendre des comptes. Il mourra en 1949, à l'âge de 88 ans.</div><blockquote class="tr_bq"><div style="text-align: center;"><b>Fastes présidentiels</b></div><div style="text-align: center;"><b>à l'Académie Mallarmé</b></div></blockquote><blockquote class="tr_bq"><div style="text-align: justify;">Nous avons reçu l'adresse que voici :</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><i>Les membres soussignés de l'Académie Mallarmé présents à Paris qui, dès le premier jour de l'occupation, ont clairement compris que nulle haute inspiration n'était possible sous le régime de la servitude,</i></div><div style="text-align: justify;"><i>Rendent un hommage ému à la mémoire de Saint-Pol Roux, leur président, victime des envahisseurs;</i></div><div style="text-align: justify;"><i>et en plein accord avec tout le Peuple de France, proclament leur enthousiasme et leur reconnaissance envers tous ceux qui, au prix de leur sang, ramènent avec la Liberté tout ce qui donne sa valeur à la vie humaine et lui permet d'exprimer, par la Poésie, sa vérité la plus profonde.</i></div><div style="text-align: justify;"><i>Ils n'ont jamais oublié que Stéphane Mallarmé refusa toujours, après 1870, de franchir la frontière allemande.</i></div><blockquote class="tr_bq"><div style="text-align: justify;">MM. Henry CHARPENTIER, André FONTAINAS, Henri MONDOR, Paul VALERY, Charles VILDRAC, Gérard d'HOUVILLE, Léon-Paul FARGUE, Jean COCTEAU.</div></blockquote></blockquote><blockquote class="tr_bq"><div style="text-align: center;">***</div></blockquote><blockquote class="tr_bq"><div style="text-align: justify;">C'est M. Henry Charpentier, secrétaire général de cette Compagnie de poètes, qui a pris l'initiative d'une manifestation de sentiments aussi louables.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">M. Charpentier, pourtant, ne satisfait pas complètement à notre attente. Il nous doit quelques nouvelles du président de l'Académie Mallarmé, M. Édouard Dujardin.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Durant l'occupation, l'Académie Mallarmé n'a été illustrée ni par un Valéry, obstinément silencieux et méprisant, ni par un Charles Vildrac, vrai combattant de la Résistance.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Dans les journaux allemands de Paris, on ne parlait de la jeune Académie qu'en association avec le nom de M. Édouard Dujardin, fleuron de l'Institut allemand et personnage choyé du Dr Karl Epting qui, ne réussissant pas toujours à rabattre les proies de son goût et de son choix, finissait par imiter le héron de notre La Fontaine.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Tandis que les Français payaient tribut, cet astucieux président qu'était et qu'est toujours M. Dujardin opérait des reprises. C'est assurément le seul titre de gloire que lui laissent les noires années.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">En 1941, il se faisait offrir un magnifique banquet par l'occupant ! L'oiseau est de haut vol, M. Paul Fort apporta à cette fête solennelle des égarements de cœur que les années ne devaient pas décourager et, partant, la preuve que les poètes même authentiques ont parfois une vue plus charmante que droite de leurs devoirs.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">L'intérêt très vif du trait que nous citons de l'activité de M. Édouard Dujardin réside en ceci : à la Présidence de son Académie ce banqueteur et commensal de l'occupant avait succédé à Saint-Pol Roux, le poète assassiné par un membre de la Wehrmacht...</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Nous n'avons, bien sûr, rien à souffler à l'oreille de M. Henry Charpentier. Il est déjà si tard, si tard... Comment n'a-t-il pas deviné que, dans Paris libéré, une Académie ne saurait élever la voix sans avoir d'abord satisfait aux devoirs de l'hygiène ?</div></blockquote>Mikaël Luganhttp://www.blogger.com/profile/02030100149703591043noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-3512815032448605100.post-11876561528702463572011-11-14T18:33:00.000+01:002011-11-14T18:33:47.020+01:00A Bruno Leclercq<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="http://livrenblog.blogspot.com/"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgaIEGnGSR-MD8lAJx9QBouZGUgz5gzfYDMcvcmh6zPwDX3IXrp48AoZnGrWsurZCQ4l6HuWh5lSFGhAF_3LtCdNsJ-JE4hOlDarlBrHm7gdd1chUwb8xkSN9ypMPBWdm4y5-O_J4stgHLm/s1600/Livrenblog+Titre+Long+2+tons.jpg" /></a></div><blockquote class="tr_bq"><div style="text-align: justify;">La nouvelle est tombée en début de semaine dernière : Bruno Leclercq est mort. Il avait cinquante ans. Il me serait bien difficile de préciser ce que ma bibliothèque doit au libraire qui s'était spécialisé dans la fin de siècle - ou l'avant-siècle, pour reprendre l'expression mieux choisie d'Hubert Juin. Car je fus d'abord son client ; mais la gentillesse, la pudeur, la culture de Bruno vous incitaient naturellement à devenir mieux que cela. Je me souviens qu'il trouva mon premier autographe de Saint-Pol-Roux : son portrait photographique dédicacé à Alfred Vallette, celui-là même qui servit de modèle au masque réalisé par Vallotton pour l'ouvrage de Remy de Gourmont. Il me dégotta aussi plusieurs numéros de revues qui furent à la base de ma collection : six livraisons de l'<i>Ermitage</i>, une vingtaine de la <i>Revue Blanche</i>, une dizaine de <i>Livrets du Mandarin</i>, des numéros de <i>La Plume</i>, des <i>Manuscrit Autographe</i>, et combien d'autres. Et je ne parle pas des bouquins de Roinard, de Willy, de Lorrain, de Retté, de Vielé-Griffin, de Fontainas, etc., etc.<br />
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Puis il y eut <a href="http://livrenblog.blogspot.com/">Livrenblog</a> qui nous rapprocha davantage encore. Parce que <a href="http://lesfeeriesinterieures.blogspot.com/">Les Féeries Intérieures</a> devaient naître six mois après l'apparition du premier billet de Zeb - c'était le pseudonyme de Bruno - premier billet dont le titre annonçait l'éclectisme, l'exigence, l'extraordinaire culture que les 857 autres billets entoilés en quatre ans sur <a href="http://livrenblog.blogspot.com/">Livrenblog</a> n'allaient cesser de manifester. Je dis "manifester" et non "illustrer" car il n'était pas question pour Bruno de se faire, par son site, de la réclame ou d'en remontrer aux autres. Il n'avait rien à vendre, rien à prouver. Il ne s'agissait que de partager ses découvertes, ses chines, son amour d'une littérature des marges qui n'est pas loin d'être la seule acceptable. Je me souviens qu'il accueillit avec enthousiasme, et son enthousiasme il le partageait, la naissance de mes blogs, celui-ci et cet autre, plus récent, consacré aux <a href="http://petitesrevues.blogspot.com/">Petites Revues</a>. Il fut d'ailleurs le seul à collaborer aux deux. De sa générosité, nous fûmes nombreux, sur la toile, et dans la vie, à en profiter, et les hommages se multiplient depuis une semaine, qui sont là pour en témoigner.<br />
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Géographiquement éloignés, je ne l'ai vu que deux fois, mais je conserve de ces deux rencontres un souvenir vif. Ce fut d'abord, en hiver, il y a cinq ans, près du Luxembourg où nous nous étions donnés rendez-vous. Je sortais d'une séance de travail chez Doucet. Il faisait nuit et froid. Nous nous sommes assis autour d'un café dans le premier bistrot et nous avons parlé plus d'une heure, tout naturellement. Puis, profitant d'un long week-end parisien, je l'ai revu en avril dernier avec quelques amis que j'avais souhaité réunir le temps d'une soirée. Je le revois, souriant comme sur la belle photo qu’Éric Dussert a publié en tête de l'émouvant billet qu'il lui a consacré sur son <a href="http://www.lekti-ecriture.com/blogs/alamblog/index.php/post/2011/11/05/Bruno-Leclercq%2C-l-%C3%A9l%C3%A9gance-g%C3%A9n%C3%A9reuse">Alamblog</a>. Nous nous sommes quittés vers minuit. Je ne pouvais imaginer alors que je ne le reverrai pas. Sa disparition crée un manque dans notre petite communauté. La toile, désormais, est trouée. Son absence me bouleverse et je pense à sa fille et aux siens. Et je pense aussi qu'il nous a laissé une œuvre formidable qui doit continuer à vivre, qu'il revient à ses amis de la faire vivre pour qu'on entende parler encore longtemps de Bruno Leclercq.</div></blockquote>Mikaël Luganhttp://www.blogger.com/profile/02030100149703591043noreply@blogger.com0