samedi 19 mars 2011

Edgar Tant, énigmatique ? De moins en moins...

L'intérêt des curieux, des spécialistes et amateurs de poésie, pour la figure et l'œuvre du prolifique et confidentiel Edgar Tant a subitement doublé. En effet, d'un, il y a quelques mois encore, nous voici, maintenant, deux. Et le deuxième n'est rien moins que quelqu'un, puisqu'il s'agit de notre ami Henri-Floris Jespers, spécialiste bien connu du Surréalisme belge et historiographe de la revue d'avant-garde, Ça ira. Figurez-vous qu'il y a une dizaine de jours, HFJ lançait sur son blog l'"avis de recherche" suivant :
Le poète et dramaturge gantois Edgar Tant (1889-1963) semble bien tombé dans l'oubli le plus opaque. Les catalogues des bibliothèques belges, de la Bibliothèque Nationale (Paris) et de la British Library (Londres) recensent plus de trente-cinq titres. Nulle trace de cet écrivain dans les ouvrages de références et un manque quasi total de littérature secondaire, si ce n'est une plaquette illustrée de 21 pages, Les derniers ouvrages d'Edgar Tant / par cinq auteurs différents : Victor Rousseau, Alex Pasquier, Charles Desbonnets, Georges Soyer et Adèle Durieux-Gillet (Gand, Van Melle, 1946), que je n'ai pas encore consultée. Il en est de même d'une traduction que seule la Bibliothèque de l'Université de Gand conserve, dont voici la fiche signalétique :
Tant (Edgar) V. Croin (C.C.A.), La Nationalité belge. Lettre-préface de Henri Pirenne. Traduit du Hollandais. Gand, L. Vanmelle, 1932, 8°, 49 p.
Je me recommande vivement auprès de mes lecteurs : tout renseignement bibliographique et / ou biographique sera accueilli avec gratitude.
Deux jours plus tard, HFJ publiait le premier résultat de cet "avis de recherche" : son ami Dries Vanhegen venait de lui découvrir quelques rarissimes plaquettes de Tant, dont une élégante Sérénité, qu'HFJ s'empressa, pour notre plaisir, de décrire :
Édition originale de luxe pour bibliophiles. Grand format oblong in 4° coquille : 21 x 57 cm. Couverture, encadrements, lettrines et ornementations en couleur à chaque page conçus et esquissés par l'auteur, dessinés et gravés par le Peintre Jules Verwest. Tirage non mis en librairie, limité en tout à soixante exemplaires : dix exemplaires sur papier de Hollande à la cuve et à la forme Van Gelder Zonen, sur doubles feuilles imprimées sur une face, numérotés de 1 à 10, revêtus de la signature autographe de l'auteur ; 50 exemplaires sur papier édition, numérotés de 11 à 60.
Des presses de / l'Imprimerie / LOUIS VANMELLE, S.A. / à Gand, / l'an mil-neuf-cent-quarante-cinq.
Voilà qui ajoute à une bibliographie déjà profuse. Et c'était sans compter sur les références complémentaires que nous communiqua HFJ, et que je vous livre sans plus de commentaires :
  • Le Christ chez nous : un acte en prose, Paris, 1919, in-8°, 14 p.
  • Élégies discrètes (1912-1919), Laethem-Saint-Martin, 1929.
  • Le Rythme de la Vie, stances et sonnets, 2e édition, Laethem-Saint-Martin, chez l'auteur, 1929, in-16°, 46 p.
  • Le Soleil intérieur, Gand, Imprimerie Van Melle, 1930, in-16°, 48 p.
  • La Vie et le Rêve, drame en un acte, Gand, Imprimerie Van Melle, 1932, in-16°, 40 p.
  • Simplice, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1943.
  • Le carnet du poète, Gand, Imprimerie Louis Vanmelle, 1944, in-8°, 22 p.
  • Les désolées. Poème dit par M. Pierre Morin au Théâtre national de l'Odéon de Paris, Gand, Imprimerie Louis Vanmelle, 1945, in-8°, [10] p.
  • Sérénité, Gand, Imprimerie Louis Vanmelle, 1945, in-4°, 19 p.
  • Douze poèmes, Laethem-Saint-Martin, "Fleur des Sables", 1954, in-8°, 18 p.
Il ne me reste plus qu'à remercier Henri-Floris Jespers de m'avoir rejoint dans cette quête. Nul doute que, dans quelques semaines, l'intérêt des curieux, des spécialistes et amateurs de poésie, pour la figure et l'œuvre du prolifique (de plus en plus) et confidentiel (de moins en moins) Edgar Tant, aura de nouveau doublé.

Loredana Flori dans LA DAME A LA FAULX, mise en scène par Christophe Maltot

Les hasards de l'internet font admirablement les choses. Alors que je relisais le dernier Bulletin des Amis de Saint-Pol-Roux, dont on sait qu'il est consacré à L'impossible représentation de La Dame à la Faulx, et dont, au passage, je signale qu'il reste une petite dizaine d'exemplaires (les trois précédentes livraisons étant épuisées), voilà que je découvre, sur un site de partage de vidéos, un extrait de la pièce, mise en scène par Christophe Maltot. Il m'a semblé opportun de le présenter sur ce blog, où préside Saint-Pol-Roux. Il s'agit d'une captation amateur de la scène 3 de l'acte final (dans la version réécrite pour le Théâtre des Arts de Jacques Rouché), au cours de laquelle Magnus mendie un délai de vie supplémentaire à l'implacable Dame, dont la faulx s'abattra bientôt. Magnus est interprété par Anthony Audoux, Elle, par Loredana Flori, que son prénom si singulier prédestinait à incarner le rêve saint-pol-roussin. Ce témoignage vidéo prouvera aux sceptiques combien la tragédie de Saint-Pol-Roux, pièce outrancièrement poétique, est aussi riche d'actions.
Si Loredana Flori venait à passer emmi ces Féeries intérieures, qu'elle sache que nous nous honorerions de publier quelque billet signé d'elle, où elle nous ferait part de sa compréhension et de son expérience du rôle-titre de La Dame à la Faulx.

samedi 12 mars 2011

Bernard Barral rend hommage à Saint-Pol-Roux

Les institutionnels et les professionnels de la culture ne se bousculent pas jusqu'ici pour célébrer le cent-cinquantenaire de la naissance de Saint-Pol-Roux. C'est désespérant, mais le désespoir est un bien utile compagnon pour celui que la lucidité n'intimide guère. Heureusement, quelques signes fraternels nous sont, parfois, adressés, qui, bien que rares, nous permettent de croire que toute poésie n'est pas perdue. Tel, le poème inédit de notre ami Bernard Barral que je suis ravi de pouvoir donner ici.
la Résurrection
                           fresque toscane
Saint-Pol-Roux
figure christique de Piero della Francesca
tu te dresses hiératique inventeur
orgueilleux et princier
tu regardes la distance irréductible qui nous sépare au loin
encore un pied dans la nuit
tu sors de ton tombeau nautique
l’autre s’avance en proue
à la lisière du doute
soleil d’hiver rougeoyant dans les plis
seul tu es éveillé
seul tu es vivant
tu plantes l’oriflamme claquante de la Poésie
sur le terrain vague sans mémoire
empierré de chansonnettes qui collent à la tête
qui lustrent les ténèbres et ouvrent un abîme sans parole
il est occupé par nos contemporains comateux
avides d’acides jouissances côchées de laideur
et postés là braves soldats de Ponce Pilate
prêts à répéter un meurtre déjà ancien
comme le peintre de Borgo Sansepulcro je suis parmi eux

quand la mer se retire dans la clarté mousseuse du sable
remportant desséchées les méduses aux doigts coupés
de ta douleur qui croît
les ajoncs peuvent en un jour fleurir
lèvres d’or entrouvertes souffle d’amande
personne ne me connaît  je débute 
c’est ta parole d’espérance pour abolir notre repentir
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