mercredi 22 avril 2009

Une recension du "Bulletin des Amis de Saint-Pol-Roux" dans les Cahiers Octave Mirbeau (n°16)

Après les Cahiers d'Occitanie, sous la plume de Jean-Pierre Crystal, après Histoires littéraires, en sa trente-sixième livraison, c'est au tour des Cahiers Octave Mirbeau de saluer l'existence du Bulletin des Amis de Saint-Pol-Roux. Le n°16 vient juste de paraître sous la direction de l'excellent Pierre Michel. En voici le sommaire :

PREMIÈRE PARTIE : ÉTUDES
  • Pierre MICHEL : "Octave Mirbeau et les personnages reparaissants"
  • Yannick LEMARIÉ : "L’Abbé Jules : de la révolte des fils aux zigzags de la filiation"
  • Fabienne MASSIANI-LEBAHAR : "Les états mystiques dans l’œuvre d’Octave Mirbeau"
  • Robert ZIEGLER : "Le chien, le perroquet et l’homme, dans Le Journal d’une femme de chambre"
  • Claude HERZFELD : "Mirbeau et Fromentin chez les “peintres du Nord”"
  • Christian LIMOUSIN : "En visitant les expos avec Mirbeau"
  • Arnaud VAREILLE : "Le “mentir-vrai” de la chronique mirbellienne"
  • Samuel LAIR : "Quelques observations sur les rapports entre Octave Mirbeau et Gustave Geffroy, à travers leur correspondance"
  • Sonia ANTON : "Style, poétique et genèse : propositions de lecture de la Correspondance générale d’Octave Mirbeau"
  • Antigone SAMIOU : "La Réception de Mirbeau en Grèce"
  • Jean-Claude DELAUNEY : "Mirbeau bibliophile, ou des clés pour la bibliothèque d’Octave"
  • Jean-Claude DELAUNEY : "Tableau synoptique des livres constituant la bibliothèque d'Octave Mirbeau"
DEUXIÈME PARTIE : DOCUMENTS
  • Tristan JORDAN : "La Comédie-Française a-t-elle accueilli Alice Regnault ?"
  • Steve MURPHY : "Octave Mirbeau et un vers inédit de Rimbaud"
  • Pierre MICHEL : "Deux contes inconnus de Mirbeau traduits du tchèque" - Octave Mirbeau : "Le Petit nid d'amour" - Octave Mirbeau : "Pour l’éternité..."
  • Pierre MICHEL : "Un texte inconnu de Mirbeau en espagnol" - Octave Mirbeau : "Deux hommes honorables"
  • Pierre MICHEL : "Les romans de Mirbeau vus par l’Opus Dei"
  • Pierre MICHEL et Christian LIMOUSIN : "Octave Mirbeau et Paul Signac – Une lettre inédite de Signac à Mirbeau"
  • Pierre MICHEL : "Mirbeau et le paiement de l’amende de Zola pour J’accuse" - Octave Mirbeau : lettre inédite à Ernest Vaughan
  • Pierre MICHEL : "Octave Mirbeau et le néo-malthusianisme" - Octave Mirbeau : "Consultation" - Octave Mirbeau : "Brouardel et Boisleux" - Octave Mirbeau : "Dépopulation"
  • Pierre MICHEL : "Mirbeau vu par Aleister Crowley" - Aleister Crowley : "Octave Mirbeau"
  • Mathieu SCHNEIDER : "Contre la Russie, pour l’Allemagne – Un article inédit d'Octave Mirbeau paru dans la presse autrichienne" - Octave Mirbeau : "De l’alliance franco-russe"

TROISIÈME PARTIE : BIBLIOGRAPHIE

1. Œuvres d’Octave Mirbeau :
  • Correspondance générale, tome III (1895-1902), par Samuel Lair.
  • Correspondance Octave Mirbeau – Jules Huret, par Samuel Lair.
2. Études sur Octave Mirbeau :
  • Samuel Lair, Octave Mirbeau l’iconoclaste, par Claude Herzfeld
  • Claude Herzfeld, Octave Mirbeau – Aspects de la vie et de l’œuvre, par Pierre Michel
  • Claude Herzfeld, Octave Mirbeau – “Le Calvaire” – Étude du roman, par Pierre Michel
  • Éléonore Reverzy et Guy Ducrey (éd.), Voyage à travers l’Europe, autour de “La 628-E8” d’Octave Mirbeau, par Pierre Michel
3. Notes de lecture :
  • Wieslaw Malinowski (éd.), La Pologne et les Polonais dans la littérature française (XIVe – XIXe siècles), par Pierre Michel
  • Saulo Neiva (dir.), Déclin et confins de l’épopée au XIXe siècle : sur le "vieillir" d’une forme poétique, par Arnaud Vareille
  • Claude Herzfeld, Flaubert – Les problèmes de la jeunesse selon “L’Éducation sentimentale”, les écrits de jeunesse et les romans de formation, et Flaubert – “L’Éducation sentimentale” – Minutie et intensité, par Bernard Garreau
  • Auguste Villiers de l’Isle-Adam, Tableau de Paris sous la Commune, par Laurent Zaïche
  • Éléonore Reverzy commente “Nana”, d’Émile Zola, par Pierre Michel
  • Cahiers naturalistes, par Yannick Lemarié
  • Huysmans et les romans de la conversion, par Samuel Lair
  • Guy de Maupassant, Chroniques, par Pierre Michel
  • Guy Ducrey (éd.), Victorien Sardou, par Philippe Baron
  • Hélène Laplace-Claverie et alii (éd.), Le Théâtre français du XIXe siècle, par Philippe Baron
  • Andrea Mariani (éd.), Riscritture dell’Eden – Il giardino nell’immaginazione letteraria : da Oriente a Occidente, par Pierre Michel
  • Carmela Covato(éd.), Metamorfosi dell’identità. Per una storia delle pedagogie narrate, par Fernando Cipriani
  • Bertrand Marquer, Les Romans de la Salpêtrière – Réception d’une scénographie clinique : Jean-Martin Charcot dans l’imaginaire fin-de-siècle, par Céline Grenaud
  • Alain (Georges) Leduc, Résolument moderne – Gauguin céramiste, par Pierre Michel
  • Véronique Nora-Milin et alii, Eugène Carrière (1849-1906) – Catalogue raisonné de l'œuvre peint, par Sylvie Le Gratiet
  • Edmond et Jules de Goncourt, L'Art du XVIIIe siècle, par Christian Limousin
  • Jean Lorrain, Chroniques d'art, par Christian Limousin
  • Dominique Bona, Camille et Paul, La Passion Claudel, par Michel Brethenoux
  • Caroline Granier, Les Briseurs de formules – Les écrivains anarchistes à la fin du XIXe siècle, par Caroline Granier
  • Michel Ragon, Dictionnaire de l’Anarchie, par Clémence Arnoult
  • Philippe Oriol, Histoire de l’affaire Dreyfus, tome I, par Pierre Michel
  • Marguerite Audoux, Douce Lumière, par Bernard Garreau
  • David Van Reybrouck, Le Fléau, par Maxime Benoît-Jeannin
  • Jelena Novakovic et alii (éd.), Le Surréalisme en son temps et aujourd’hui, par Milica Vinaver-Kovic
  • Alain (Georges) Leduc, Roger Vailland (1907-1965). Un homme encombrant, par Élisabeth Legros
  • Carmen Boustani et alii (éd.), La Mutation du masculin et du patriarcat aujourd’hui, par Carmen Boustani
  • Claude Herzfeld, Jean Rouaud et “Le Trésor des humbles”, par Samuel Lair
  • Marc Bressant, La Dernière conférence, par Alain Gendrault
4. Bibliographie mirbellienne, par Pierre Michel

Nouvelles diverses
Mirbeau au théâtre – Mirbeau sur Internet – Le Jardin des supplices, opéra virtuel – Lettres inédites de Mirbeau à Hervieu – Staline et Mirbeau – René Ghil, Mirbeau et Saint-Pol-Roux – Mirbeau, les médecins et Arsène Lupin – Business is business au cinéma en 1915 – Rues Octave Mirbeau – Ramuz, Rey-Millet... et Mirbeau – Les Éditions du Boucher – Marcel Schwob – Jules Renard – Saint-Pol-Roux – Carrière et Besnard – Le Grognard, Amer et L’Œil bleu – Sophia
La Société Mirbeau, qui édite si riche Cahier, est, à l'image de son président, hyperactive. On ne peut qu'admirer une telle force de travail mise au service d'un des plus importants auteurs de l'entre-deux siècles ; et, en plus d'admirer, on peut aussi soutenir, c'est-à-dire être soi-même un peu de cette formidable énergie mirbélienne. Comment ? Eh bien, en adhérant ou en commandant l'une des fraîches parutions :
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Société Octave Mirbeau
10 bis rue André Gautier
49000 ANGERS
Tél. : 02 41 66 84 64
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  • adhère à la Société Octave Mirbeau pour l’année 2009 (31 € ; 15,5 € étudiants ; 38 € correspondants étrangers)
  • commande les volumes suivants :
- Octave Mirbeau, Correspondance générale, tome I (1862-1888), L’Âge d’Homme, 2002, 929 pages, 35 € pour nos adhérents.
- Octave Mirbeau, Correspondance générale, tome II (1889-1894), L’Âge d’Homme, 2005, 969 pages, 35 € pour nos adhérents.
- Octave Mirbeau, Correspondance générale, tome III (1895-1902), L’Âge d’Homme, 2009, environ 1 000 pages, 45 € pour nos adhérents.
- Octave Mirbeau, Combats littéraires, L’Âge d’Homme, 2006, 704 pages, 35 € pour nos adhérents.
- Octave Mirbeau, Amours cocasses et Noces parisiennes, Nizet, 1995, 12 €.
- Pierre Michel, Octave Mirbeau, Les Acharnistes, 2008, 3,50 €.
- Pierre Michel, Lucidité, désespoir et écriture, Société Mirbeau, 2000, 8,50 €.
- Kinda Mubaideen (éd.), Un aller simple pour l'Octavie, Société Mirbeau, 2007, 64 pages, 10 €.
- Correspondance Octave Mirbeau - Jules Huret, Éditions du Lérot, 30 € ( 22 € pour nos adhérents).
Ci-joint un chèque de ... euros, à l’ordre de la Société Octave Mirbeau
Date ........................... signature
On peut aussi visiter les nombreux sites dédiés à Mirbeau : celui de l'association, le blog de Pierre Michel & Octave Mirbeau, le site de Pierre Michel, ou cet autre encore. On y trouve d'infinies ressources.

Je n'ai pas encore lu la dernière livraison en son intégralité, mais j'ai déjà goûté sans retenue l'étude de Jean-Claude Delauney, sur "Mirbeau bibliophile, ou des clés pour la bibliothèque d'Octave" (suivie du "tableau synoptique des livres constituant la bibliothèque d'Octave Mirbeau"), les commentaires de Steve Murphy sur le vers inédit de Rimbaud retrouvé récemment par Pierre Michel dans un article de Mirbeau, les gloses de Pierre Michel et Christian Limousin sur la lettre inédite de Paul Signac, les observations de Samuel Lair sur la correspondance Geffroy-Mirbeau, et, bien sûr, la recension, emmi les "Nouvelles diverses", de notre petit Bulletin des Amis de Saint-Pol-Roux (p. 367) :
Il y eut, après la mort du poète, créée par Auguste Bergot, une association des "Amis de Saint-Pol-Roux" qui disparut presque aussitôt. Aujourd’hui, les "Amis de Saint-Pol-Roux" ressuscitent ; mais l’appellation ne désigne encore qu’un groupe de chercheurs, d’amateurs et de curieux de l’œuvre magnifique officiant sur internet. Mikaël Lugan, qui est à l’origine de cette virtuelle réunion et qui rédige aussi le blog des Féeries intérieures, dédié au poète, aura éprouvé le besoin d’ajouter à ces deux entreprises une troisième qui fût plus palpable, de forme plus traditionnelle, puisqu’il vient de faire paraître, en l’espace de trois mois, les deux premiers numéros du Bulletin des Amis de Saint-Pol-Roux, charmants petits fascicules aux couvertures lilas et vert d’eau, et au tirage très-limité de 75 exemplaires "numérotés & paraphés de la main magnifique du compilateur". Car il s’agit de compilations ; ainsi la première livraison réunit-elle en vingt pages la plupart des articles qui accueillirent le premier recueil du poète : Les Reposoirs de la Procession (1893) ; quand la deuxième, plus dense et éditorialement plus aboutie, collecte ceux qui saluèrent la parution de La Dame à la Faulx (1899). Ils sont intéressants, ces dossiers de réception. Parce qu’ils situent Saint-Pol-Roux, dont on a trop souvent dit qu’il avait été oublié de ses contemporains, dans le Symbolisme et le champ littéraire fin de siècle ; et à lire les articles, pour beaucoup enthousiastes, de Catulle Mendès, Gourmont, Gide, Gregh, Emmanuel Signoret, Lucien Muhlfeld, Eekhoud, Edmond Pilon, de Max, Copeau, Gustave Kahn, etc., force est de constater que l’œuvre de Saint-Pol-Roux ne laissa pas son temps complètement indifférent. Ils sont intéressants aussi pour l’aperçu qu’ils nous donnent du discours critique symboliste et de ses limites, la poésie idéoréaliste, bien qu’issue du mouvement de 1886, annonçant déjà les bouleversements poétiques de la modernité.

Chaque livraison est introduite par une utile présentation de Mikaël Lugan. L’abonnement est de 15 € pour les trois premiers numéros.
Jacques Lieutaud.
Merci donc aux Cahiers Mirbeau, et rappelons que, depuis, un troisième numéro est apparu, que le tirage a été augmenté, pour les trois premières livraisons à 101 exemplaires, qu'il ne sera procédé, après épuisement, à aucune réimpression, et qu'il reste une quinzaine d'exemplaires de chaque numéro. Pour tout renseignement, un mèl à harcoland@gmail.com.

dimanche 19 avril 2009

Quand Saint-Pol-Roux, président de l'Académie Mallarmé, célébra Villiers de l'Isle-Adam

Il est à peu près certain que Saint-Pol-Roux, lors qu'il ne s'intitulait encore que Paul Roux, rencontra Villiers de l'Isle-Adam. La légende veut que ce dernier fût tellement impressionné par les vers de "Golgotha" (1884) qu'il les retint par coeur. Le jeune poète, incontestablement, admirait l'auteur des Contes cruels ; son théâtre en porte des témoignages diffus. En 1886, il lui dédia "Lazare", qui parut d'abord dans La Pléiade, où officiaient également les camarades Darzens, Quillard, Ajalbert, Mikhaël, qui fréquentèrent aussi Villiers, avant de paraître en plaquette, imprimée à compte d'auteur, la même année. Villiers de L'Isle-Adam fut un des premiers maîtres du Magnifique, avant même Mallarmé sans doute.

A ce titre, celui de disciple, Saint-Pol-Roux ne pouvait faire autrement que de figurer parmi les principaux animateurs de la célébration, durant l'été 1938, du centenaire de la naissance du poète d'Axël, à Saint-Brieuc. Sa présence, par ailleurs, était doublement officielle et légitime, puisque membre de l'Académie de Bretagne et tout jeune président de la non moins jeune Académie Mallarmé. Le Figaro nous apprend que c'est Théophile Briant, directeur du Goéland, qui prit l'initiative des festivités.
Le Figaro - 6 juillet 1938
Pour le centenaire de la naissance de Villiers de l'Isle-Adam
Le journal littéraire Le Goéland vient de constituer un comité destiné à commémorer, au cours de l'année 1938, le centenaire de la naissance, à Saint-Brieuc, de Villiers de l'Isle-Adam. Ce comité d'honneur, sous la présidence de Mme Rachilde, a reçu, notamment, les adhésions de Mmes Segond-Weber, Gabrielle Réval, Perdriel-Vaissière, comtesse du Pontavice de Heussey ; MM. J.-H. Rosny aîné, Maurice Maeterlinck, Jean Ajalbert, Grégoire Le Roy, Georges Duhamel, Saint-Pol Roux, Maurice Beaubourg, Paul Fort, Fernand Gregh, Gustave Cohen, le statuaire Jean Boucher, le musicien Ricardo Vinès, Fernand Vandérem, André Billy, Léon Deffoux, Edouard de Rougemont, André Fontainas, Louis Mandin, René Martineau, J. Van Melle, Léon Bocquet, Jacques Dyssord, Guy-Charles Cros, Julien Cain, Jean de la Varende, H.-D. Davray, Jean Paulhan, J.-H. Aubry, Jean des Cognets, Marcel Millet, l'acteur Larochelle, qui met Axël à la scène, Jacques Bernard, Georges L. Garnier, Florian Le Roy, directeur de Bretagne, etc...

Comité d'organisation : MM. Marcel Longuet, Roger Vercel, Théophile Briant, directeur du Goéland à Paramé (Ille-et-Vilaine). Secrétariat : M. Marc Loliée, 40, rue des Saints-Pères, à Paris.
Le Journal des débats politiques et littéraires du 10 juillet complète la liste des membres du comité d'honneur, citant, en plus des sus-mentionnés : Jacques Bernard, Alexis de Kraemer, E. Drougard, Jean Renbell-Laporte, Yves Bescou, André Lebois ; et développe :
"Un comité de patronage, dont M. Roger Vercel a accepté la présidence, a pris l'initiative des fêtes qui seront célébrées à Saint-Brieuc, sous les auspices et sous l'autorité de l'Académie de Bretagne. Une plaque sera posée sur la maison natale du grand écrivain. Des manifestations théâtrales et radiophoniques sont envisagées.
A Paris, des manifestations sont également prévues pour l'automne, notamment une exposition de souvenirs, biographiques et iconographiques, manuscrits, autographes. Les organisateurs seraient reconnaissants de toute communication à cet égard au secrétariat, 40, rue des Saints-Pères, Paris."
La principale manifestation eut lieu moins d'un mois plus tard, le 7 août 1938. La presse s'en fit l'écho ; je ne reproduirai ici que deux comptes rendus, pour éviter les répétitions et être toutefois le plus complet possible.
L'Ouest-Eclair - 8 août 1938
LE CENTENAIRE DE VILLIERS DE L'ISLE-ADAM
A ETE CELEBRE HIER A SAINT-BRIEUC
***
De nombreuses personnalités littéraires assistaient
à cet hommage au grand écrivain breton
SAINT-BRIEUC, 7 août (de notre rédaction). - Saint-Brieuc a célébré comme il se devait le centenaire de Mathias de Villiers de l'Isle-Adam. A ces fêtes organisées par l'Académie de Bretagne, la municipalité et le Syndicat d'initiative de Saint-Brieuc, assistait toute une élite littéraire, dont nous relevons les principaux noms : le poète Saint-Pol Roux, président de l'Académie Mallarmé, qui présidait les fêtes (M. André Chevrillon, de l'Académie française, avait dû s'excuser, étant souffrant, ainsi que M. Rosny aîné), MM. Roger Vercel, président de l'Académie de Bretagne ; Jean des Cognets, vice-président ; Jérôme et Jean Tharaud, représentant la Société des Gens de Lettres, le maître compositeur Guy Ropartz et de nombreux écrivains de la région, dont notre confrère Florian Le Roy, secrétaire de l'Académie de Bretagne.

Le gala littéraire donné au théâtre municipal et auquel assistaient M. le préfet des Côtes-du-Nord et M. le maire de Saint-Brieuc fut un véritable régal. On entendit des chants bretons par le Cercle Celtique de Perros-Guirec et de Saint-Nicolas de Pélem, une audition de lag-pipe et une remarquable conférence par M. Jean de la Varende, grand prix du roman de l'Académie française de 1938, sur la vie de Villiers de l'Isle-Adam. La séance se termina par une pièce de Villiers : l'Evasion, jouée par la troupe du Scarabée.
Ce matin, vers 10 heures, le cortège officiel accompagné de la famille de Villiers de l'Isle-Adam, arrivait devant la maison natale du grand écrivain breton, 2, rue Saint-Benoist, où fut inaugurée une plaque commémorative. De là, les officiels se rendirent aux Grandes Promenades devant la statue de Villiers de l'Isle-Adam, inaugurée en 1914 par Viviani. Pendant que la musique du 71e d'infanterie jouait des airs de Wagner devant la stèle, les personnalités présentes se recueillaient.

Puis M. Briant déposa une gerbe de fleurs au nom de Mme Rachilde. On entendit ensuite les discours de M. Briant, directeur du Goéland ; Longuet, au nom des amis de Villiers de l'Isle-Adam ; Roger Vercel, au nom de l'Académie de Bretagne ; Jean Tharaud, au nom de la Société des Gens de Lettres et Saint-Pol-Roux.
Après cette cérémonie, eut lieu un grand banquet à l'Hôtel d'Angleterre, réunissant toutes les personnalités déjà nommées, M. le chanoine Rose, vicaire général, représentant Mgr Serrand, évêque de Saint-Brieuc, et M. Mauléon, secrétaire général, représentant M. le préfet es Côtes-du-Nord.
Dans l'après-midi, la foule se porta vers le port de Légué Saint-Brieuc, où se tenait une grande fête de la mer avec diverses épreuves nautiques, défilé de bateaux fleuris, etc...
Le soir, une fête de nuit eut lieu avec bal, illuminations, et feu d'artifice.
Journal des débats politiques et littéraires - 8 août 1938
A Saint-Brieuc, pendant la commémoration
de Villiers de l'Isle-Adam

(Par dépêche de notre envoyé spécial)

Saint-Brieuc, le 7 août.
Je n'étais pas revenu à Saint-Brieuc depuis l'inauguration du monument érigé en 1030 à Anatole Le Braz. La vieille cité bretonne était aujourd'hui en fête pour un de ses fils non moins célèbres, Jean-Maris-Mathias-Philippe-Auguste Villiers de l'Isle-Adam. La personnalité de l'auteur des Contes cruels n'est pas particulièrement indiquée pour les hommages de la foule, mais on ne s'en serait pas douté à voir la multitude empressée qu'avait fait accourir la cérémonie commémorative de la naissance de l'écrivain.
L'immeuble où naquit Villiers présente une large façade qui la fait comparer souvent à une caserne provinciale et l'analogie vient en effet facilement sous la plume. Cet immeuble, en retrait, est actuellement le "Grand Hôtel moderne". Le voilà maintenant adorné d'une plaque qui rappelle que là, le 7 novembre 1938, naquit l'un des esprits les plus originaux du 19e siècle.
Ce n'est d'ailleurs pas le premier hommage que Saint-Brieuc rend à Villiers puisque, en 1913, René Viviani, qui était alors ministre de l'instruction publique, inaugura un buste dû à Le Goff père.
Les fêtes avaient commencé hier soir par une conférence faite au Théâtre municipal sur l'oeuvre de Villiers de l'Isle-Adam, par M. Jean de la Varende, l'auteur de Pays d'Ouche. Une pièce de Villiers fut interprétée ensuite : l'Evasion. Enfin des artistes bretons chantèrent de vieux airs choisis avec beaucoup de goût dans le répertoire du folklore.
Ce matin, il y eut quelque déception car la manifestation du souvenir était placée sous la présidence effective de M. André Chevrillon, de même qu'elle était placée sous la présidence d'honneur de M. Paul Valéry et de M. Maeterlinck, M. Chevrillon, empêché au dernier moment, fut remplacé par M. Saint-Pol Roux, président de l'Académie Mallarmé et doyen de l'Académie de Bretagne.
Après une messe célébrée à la cathédrale Saint-Guillaume, la plaque de marbre a été dévoilée ; les personnalités se rendirent en cortège sur les grandes promenades où se dresse le buste de l'auteur d'Isis. Cinq discours furent prononcés, l'un par M. Longuet, chef du service de la presse au ministère de l'Intérieur, par M. Théophile Briant, directeur du Goéland et qui vient de publier avec beaucoup de succès Les Amazones de la Chouannerie, par M. Jean Tharaud, qui loua en termes très heureux celui "dont la vie n'a été qu'un long conte cruel déçu par la disproportion qu'il y avait entre le monde imaginaire avec lequel il vivait et la plate misère dont il était environné" ; par M. Roger Vercel, qui obtint le prix Goncourt en 1936, et enfin par M. Saint-Pol Roux qui, bien que né sous le soleil de Provence, sut apporter à l'un des plus prestigieux écrivains bretons le tribut d'une gratitude somptueusement compréhensive. La figure de Villiers de l'Isle-Adam apparut au long de ces éloges dans une lumière de vérité.
Un banquet suivit sous la présidence de M. Saint-Pol-Roux qui avait à ses côtés le préfet des Côtes-du-Nord, le maire de Saint-Brieuc, plusieurs parlementaires du département et diverses notabilités du monde des lettres et des arts notamment - outre celles déjà citées - le compositeur Guy Ropartz, M. Jean des Cognets (le grand lamartinien), M. Auguste Dupouy, M. Pierre Guéguen, MM. Jérôme et Jean Tharaud, etc. On remarquait la présence du comte de Mazières, descendant de la famille Villiers de l'Isle-Adam, venu spécialement de Bruxelles, et d'autres descendants des Villiers par les Nepvon de Carfort ; MM. Marjot des Clos, Léon Severt, Léon de Villermay et Christian Hervé de la Héraudière. Des discours furent prononcés à l'issue du banquet. On entendit MM. Brilleaud, Saint-Pol-Roux, Marjot des Clos, Meunier, et Mme Perdriel-Vaissière, puis chacun prit la direction des fêtes de la mer qui se déroulaient au Légué, entre ses deux rangs de collines élevées et doté d'un bassin à flot. Toute la baie sera illuminée ce soir.

L'évocation de Villiers de l'Isle-Adam dans Saint-Brieuc, malheureusement amputé (surtout depuis 1928) de nombreuses maisons anciennes et fort pittoresques eut lieu dans un cadre encore imprégné de majesté et de douceur du passé. L'admirable prosateur auquel on doit quelques-unes des pages les plus pénétrantes de notre langue aurait certainement goûté, par delà l'ingratitude de ses contemporains, ce suffrage équitable de la postérité. Ajoutons d'ailleurs que, par sa nature et par la forme de sa pensée, Villiers n'a guère paru souffrir de l'incompréhension de son temps.
G. S.
Le visiteur débonnaire pourra s'amuser à relever les différences entre les deux comptes rendus et chercher à rétablir la vérité vraie. Mais disons-lui, dès à présent, que contrairement à ce que laisse entendre le dernier échotier, Saint-Pol-Roux ne prononça pas deux discours, l'un devant le buste de Villiers, l'autre au cours du banquet, mais un seul, qui fut d'ailleurs moins discours que poème. C'est, qu'au moment où le Magnifique s'apprêtait à lire son "invocation" sous le regard marmoréen de son maître, il chut, sur l'élite littéraire venue rendre hommage au centenaire écrivain, une pluie torrentielle qui la poussa sans ménagement dans la salle banquetière. Il me semblait bien avoir quelque part une photographie de Saint-Pol-Roux, indifférent aux éléments, célébrant Villiers aux pieds de sa statue, mais je n'ai pu remettre le nez ou la main dessus. O.-L. Aubert & Florian Le Roy consacrèrent un numéro spécial de BRETAGNE aux célébrations de Saint-Brieuc ; il s'agit du n°163 d'août 1938, auquel je renvoie ceux qui voudraient revivre, moment fort après moment fort, cette commémoration, entendre la conférence de Jean de la Varende, les extraits essentiels des discours, ou l'admirable poème de Saint-Pol-Roux, que reproduiront aussi les Nouvelles littéraires, et dont je ne peux m'empêcher de citer le final :
Ah ! vous l'avez terriblement sculpté l'âpre Tueur de cygnes qui, serrant dans sa patte d'acier votre cou de poète sacré, brûlait de recueillir le cri divin de votre désespoir, ténébreux Voyageur du magique Intersigne !

Vous les avez cloués au pilori vengeur de l'immortalité, Maître natif du pays des calvaires, tous ces bourreaux qui vous tendaient le fiel, le vinaigre et le fer sur votre croix égale au sycomore défendu par vos aïeux.

A jamais ils vivront à côté de vos héros fameux dont les yeux d'or allument sur nos fronts des étoiles nouvelles, leur Beauté triomphant désormais entre les Bonhomets, de même que le Christ entre ses sacripants.

Regardez. La Science présente affirme votre rythme et vos forces occultes, clair prophète, c'est pourquoi notre foi peut lire au firmament vos oeuvres affichées sur l'oriflamme allant du soleil Baudelaire au soleil Mallarmé.

Va, ce jour est le jour de résurrection, Lazare aux doigts crispés, sur ta lyre en réveil ! Lève-toi, lève-toi dans ton suaire d'hôpital, tel un manteau de Malte la croix rouge au coeur !

Céans vous naissiez pour vivre un demi-siècle voilà cent ans, céans vous renaissez en ce matin pour survivre toujours, Jean-Marie-Mathias-Auguste, marquis de Villiers de l'Isle-Adam, cependant que les cloches natales de la cathédrale enfin vous rebaptisent dans la gloire de l'éternité !
(à suivre...)

dimanche 29 mars 2009

Saint-Pol-Roux et Eugène Figuière, le bon camarade

L'éditeur Eugène Figuière est une de ces figures importantes de la Belle Epoque littéraire dont on aimerait bien localiser les archives, tant elles doivent recéler de trésors. Ne fut-il pas le mentor de René-Louis Doyon ; le premier éditeur - ou peu s'en fallut - de Pierre Jean Jouve, René Arcos, Jules Romains, Alexandre Mercereau, Georges Duhamel, Charles Vildrac, Valentine de Saint-Point, Supervielle, Louis de Gonzague Frick, celui, aussi - mais point le premier - d'Apollinaire, Han Ryner, Gide, Ghil, Riotor, Tailhade, Milosz, Salmon, etc. ? Mais, comme la plupart des papiers d'éditeurs, ils ont dû être dispersés en de multiples ventes après sa mort, en 1944. Au cas où la vérité ne serait telle, je profite de ce billet pour lancer un appel aux éventuels ayant-droits d'Eugène Figuière, qui peuvent me contacter en adressant un courriel à harcoland@gmail.com.

Les banquets, qui ont joué un rôle important dans la petite république des lettres, auront mis en relation, probablement, Saint-Pol-Roux et le jeune éditeur. Aux alentours de 1910. Par exemple, le banquet Mercereau ; par exemple, le banquet offert à Han Ryner après le "vif succès remporté par le Cinquième Evangile", édité justement à l'enseigne du Figuier. C'étaient, réunis, l'entreprenante équipe de Vers et Prose et les amis de l'auteur des Ballades Françaises. S'étonnera-t-on d'ailleurs de retrouver quatre flamboyants mousquetaires, Guillaume Apollinaire, Eugène Figuière, Paul Fort, Alexandre Mercereau, à l'origine d'une pétition - on aimait beaucoup aussi les pétitions, qui fleurissaient généralement lors de banquets - réclamant la légion d'honneur pour Saint-Pol-Roux. Le document reproduit ci-dessous provient du catalogue de la vente Breton ; il agrémentait un exemplaire de La Dame à la Faulx. En plus du texte de la pétition, y figure une réponse spirituelle, illustrée et drôle de Charles Vildrac.

M ...........................................

Si, comme nous, vous êtes d'avis que le grand poète et dramaturge Saint-Pol-Roux mérite d'être admis dans l'Ordre de la Légion d'honneur, nous vous prions de vouloir nous retourner au plus tôt, signé de votre nom, ce billet.

Veuillez agréer, M ............................................, l'expression de nos sentiments distingués.

Guillaume Apollinaire, Eugène Figuière,
Paul Fort, Alexandre Mercereau.
A retourner, chez Eugène Figuière, éditeur
7, rue Corneille, Paris (VIe)
Et la réponse de Vildrac :
Je suis d'avis qu'il faut laisser le ruban rouge aux birbes de l'armée et des ministères, aux trafiquants de la politique et de la finance, aux cabots notoires, etc., et réserver le système des pétitions pour des questions d'un intérêt moins douteux...
[dessin : à Saint-Pol-Roux/Par Henri Rousseau]
... à part ça, vive Saint Pol Roux, - sans faveur rouge, et vive aussi Saint Paul Fort.
Charles Vildrac
Inutile de dire que le dessin est un pastiche du douanier par Vildrac et que la pétition n'aboutit pas à la décoration espérée. Mais ce document importe, car il est un des rares à témoigner de l'intérêt apollinarien pour le Magnifique - on connaissait celui de Fort et Mercereau -, et montre un Eugène Figuière soucieux de reconnaissance pour l'exilé de Camaret. Etait-il déjà question d'affaire commune ? La correspondance inédite du poète nous apprend que le projet du Tragique dans l'homme remonte à l'année 1908. Le Tragique dans l'homme, c'est le titre sous lequel Saint-Pol-Roux espérait réunir, en plusieurs volumes, son théâtre publié et à paraître ; ce fut auparavant le titre d'un drame, annoncé dans De la colombe au corbeau par le paon, en 1904. Après avoir recueilli dans les trois volumes des Reposoirs de la Procession une grande partie de sa production poétique en prose, en donner le pendant dramaturgique n'était que logique éditoriale. Sans doute en avait-il d'abord soumis la proposition à Alfred Vallette, qui lui avait alors peut-être déconseillé de faire reparaître ses pièces tant que le premier tirage de La Dame à la Faulx n'était pas épuisé. Peut-être aussi les conditions du compte à demi, pratiqué par le directeur du Mercure de France, ne satisfirent plus le poète, qui se tourna alors vers d'autres maisons. Trouva-t-il mieux chez le jeune éditeur Figuière ? Pas sûr, puisque ce dernier pratiquait surtout le compte d'auteur, moins avantageux encore. Tout au plus peut-on supposer que, débutant dans la carrière, celui-ci aura voulu corser et notabiliser un peu son catalogue auprès des avant-gardes et de la presse en y inscrivant des noms de jeunes aînés (Ryner, Ghil, Fort, Gide, Tailhade et Saint-Pol-Roux). Toujours est-il que, dès le premier semestre 1912, Dorsennus (pseudonyme de Jean Dorsenne) annonçait dans la Phalange, sans préciser il est vrai la maison d'édition, la parution prochaine du Tragique dans l'homme ; que Carlos Larronde, dans le tome XXXVI de Vers et Prose (janvier-mars 1914), y consacrait une longue étude alors que le premier volume n'était pas sorti des presses. C'est que le projet était déjà très avancé, que Saint-Pol-Roux en avait corrigé les épreuves et donné le bon à tirer. L'ami Larronde les avait eues en mains. La parution du Tragique dans l'homme était donc imminente lorsqu'éclata la première guerre mondiale - qui la différa.

Il faudra attendre 1983 et René Rougerie pour que le projet, inabouti, partiel, voie enfin le jour. Le Tragique dans l'homme paraîtra, en effet, en deux volumes, chez l'éditeur de Mortemart, selon les indications laissées par le poète lui-même sur les jeux d'épreuves conservés. Nous y apprenons notamment ce que devait être cet ensemble : une "collection d'oeuvres dramatiques [qui] comprendra cinq séries, chaque série formant un volume d'environ 150 pages. De cette collection de pièces diverses, brèves ou longues, ne feront partie ni La Dame à la Faulx, ni les autres grands drames inédits du poète Saint-Pol-Roux". Il s'agissait donc d'abord d'un recueil d'essais dramatiques, de pièces de jeunesse ou circonstancielles. René Rougerie poursuit :
"Sur la même page manuscrite retrouvée Saint-Pol-Roux prévoyait une première fois 5 volumes, une deuxième fois 10 volumes : mais sur les épreuves du livre composé par Falguière (sic) (livre qui ne verra pas le jour pour une raison que nous ignorons), il est indiqué dans la rubrique "Du même auteur" : "Le Tragique dans l'Homme, tome I Monodrames, tome II Le Fumier, ensuite tomes III, IV et V".
Le sommaire du tome I était ainsi composé : Monodrames. - Les personnages de l'individu. - Les saisons humaines. - Le Mouscoul (titre rayé et remplacé par "Tristan la vie"). On aurait aimé trouver le sommaire détaillé des autres tomes. "Les autres pièces, annoncées par Saint-Pol-Roux, semblent être restées à l'état d'ébauche", concluait René Rougerie. Ce dernier a publié depuis les Ombres tutélaires, qui faisait partie du Tragique dans l'homme. Qui sait combien d'autres textes dramatiques, qu'on pensait inachevés ou détruits, existent encore, en bel et bon état d'être publiés ?

Mais revenons à l'ami Figuière - et non Falguière -, qui avait assez rapidement sympathisé avec Saint-Pol-Roux, au point qu'une complicité, entre les deux hommes, s'installa. On en trouve un exemple dans un article, non signé, de L'Art Moderne du 11 août 1912, intitulé "Fête Nationale", où l'on apprend que le Magnifique s'impliqua dans un étrange projet élaboré par l'éditeur :
Fête Nationale
On se plaint avec raison de la banalité et de la vulgarité des cérémonies et divertissements par lesquels la France célèbre, le 14 juillet, sa fête nationale. On se plaint, mais on ne tente aucun effort pour donner à l'allégresse populaire un aliment plus savoureux, un décor plus attrayant.
C'est ce qui a inspiré à M. Eugène Figuière, l'éditeur qui déjà se signala par diverses initiatives heureuses, - et notamment par la création charmant du Jardin de Jenny, - l'idée d'organiser avec un groupe de peintres, de poètes, de musiciens, et ce à la date du 14 juillet 1913, des fêtes d'un caractère artistique qui promettent d'offrir au public un spectacle original et séduisant.
De la place de l'Etoile, à l'arc triomphal, une cavalcade fleurie partira. Des voitures merveilleusement décorées, des chars que les artistes auront ornés avec goût glorifieront le printemps, la grâce et la beauté.
Le cortège sera immense. Toutes les corporations ouvrières y enverront une délégation. Les mineurs, les boulangers, les forgerons, les terrassiers en costumes de travail en feront partie et les anciennes provinces seront représentées par des jolies filles aux vêtements coquets qui rappelleront mieux le passé.
Cette fête aura une reine, qui sera la reine de France : l'héroïne qui aura reçu le prix Montyon de l'année.
Déjà M. Saint-Pol-Roux, qui fut le Magnifique, écrit un hymne pour chanter la résurrection de la nature. M. Albert Doyen en composera la musique.
"Oui, a dit à un de nos confrères M. Figuière, rayonnant, il faut que cette fête des fleurs soit une solennité civique, il est nécessaire que le peuple tout entier y participe.
Aussi, tandis que se déroulera l'immense cortège de l'Etoile à l'Hôtel de Ville, traversant les Champs-Elysées et les grands boulevards, les enfants des écoles, massés place de la Concorde et sur les marches de l'Opéra, chanteront des hymnes, joyeusement.
Dans Paris entier, les guirlandes de fleurs et de verdure, les ornements lumineux égayeront les rues. Des orchestres feront danser les jeunes gens. Au lieu de confettis banals on jettera aux curieux des pétales de roses, des grappes parfumées.
Mais notre fête ne sera pas seulement réalisée à Paris. La France entière y participera. Dans la plupart de nos villes des comités s'en occupent pour que le printemps soit partout fêté. A l'étranger même, à Madrid, Cadix, Londres, le même cortège pittoresque dira notre amour du renouveau, de la joie, du soleil bienfaisant, de la vivifiante lumière."
M. Paul Boncour dans son récent livre, Art et Démocratie, réclamait des fêtes civiques. Il s'étonnait qu'on n'eût pas songé à célébrer les saisons. Il rappelait les fêtes révolutionnaires organisées par Robespierre et demandait à la République de s'en souvenir.
Ses voeux vont être réalisés. Les artistes, les écrivains, réunis par la volonté charmante de M. Eugène Figuière, vont, l'an prochain, nous montrer, par une grandiose manifestation, ce que doit être une fête vraiment nationale.
Quelques précisions : le prix Montyon était un prix de vertu distribué par l'Académie française ; Albert Doyen, le compositeur, fut un des abbés de Créteil, ami de Georges Duhamel. Cette entreprise, quelque peu mégalomaniaque, bien entendu, n'aboutit pas. Pour ma part, je croierais volontiers que Saint-Pol-Roux fut le véritable initiateur du projet, tant cette fête du printemps - en plein été -, cette glorification "du renouveau, de la joie, du soleil bienfaisant, de la vivifiante lumière" rappellent sa poétique. Puis ce 14 juillet lyrique n'aurait été qu'une extension (inter)nationale des festivités camarétoises dont, tel David issant de son atelier en pleine Terreur, il était déjà le grandiloquent et superbe scénographe.

Mais je m'éloigne de mon sujet. Oui, Eugène Figuière et Saint-Pol-Roux devinrent assez rapidement amis. Ils se tutoyaient - alors que le poète et Vallette se vouvoyèrent jusqu'à la mort de ce dernier - comme en témoigne la seule lettre du Magnifique à Figuière retrouvée jusqu'ici. Elle est, malheureusement, fragmentaire, émanant d'un catalogue de vente (Livres anciens Chaptal-Librairie Giraud-Badin) du Printemps 2006 :
Manoir de Coecilian
22 janvier 1933
Camaret
Cher ami,
le silence de ma solitude n'en est jamais un, les Amis m'habitant quotidiennement mais ma besogne des amis suprêmes et parfois mes yeux à ménager me contraignent à l'épistolaire négligence. [...] J'ai près de mille lettres de retard. [...] Mon recueil de poésies, je ne m'en occuperai que dans quelques années. [...] Bien reçu tes passionnés Journaux et livres dont ton Bonheur à cinquante ans. [...] Tu parlais d'un banquet, mais rappelle-toi que les précédents finirent dans le chambard...
On devine à la lecture de ces lignes que l'éditeur avait proposé au poète d'éditer un nouveau volume de ses poèmes et de le ramener sous les feux de l'actualité parisienne en organisant un banquet en son honneur. Voilà qui, incontestablement, était d'un ami, d'un qui "compte parmi les physionomies les plus représentatives de la bienveillance et de la bonne camaraderie".

samedi 28 mars 2009

Théo Varlet : quelques glanes où apparaît aussi le Magnifique, pour surenchérir sur Zeb & le Préfet maritime

N'ayant pas réuni suffisamment de matière pour consacrer un beau billet (beau, ici, étant mis pour la babillante allitération) aux relations que purent entretenir Saint-Pol-Roux et Théo Varlet, je profite des dernières interventions du Préfet maritime en son Alamblog, de Zeb en son Livrenblog, pour verser simplement mes maigres glanes personnelles dans le dossier du héraut de la poésie cosmique.

C'est sans doute par l'entremise de Jean Royère et de son Manuscrit autographe que Varlet et Saint-Pol-Roux prirent le temps de se mieux connaître et apprécier. Ils apparaissent, en effet, tous deux au sommaire de la belle revue éditée par Blaizot durant l'année 1927, le second dans le n°7 de janvier-février, le premier dans le n°11 de septembre-octobre, avec une étude sur Mallarmé. Tous deux collaboreront jusqu'à la dernière livraison de cette rare publication en 1933. Voici, en guise de première glane, une bibliographie non exhaustive - il me manque quelques numéros - des contributions de Varlet au Manuscrit autographe :
  • N°11, septembre-octobre 1927 : "Les Fêtes Françaises. - Théo Varlet : Mallarmé", pages 109 à 114.
  • N°14, mars-avril 1928 : "Manuscrits. - Théo Varlet : Sonnets", pages 54 à 57.
  • N°15, mai-juin 1928 : "Les Fêtes Françaises. - Edmund Gosse : Mallarmé en Angleterre, traduction en français par Théo Varlet", pages 94 à 96.
  • N°18, novembre-décembre 1928 : "Les Fêtes Françaises. - John Erskine : Edgar Allan Poe, traduction de Théo Varlet", pages 133 et 134.
  • N°19, janvier-février 1929 : "Manuscrits. - Théo Varlet : Côte d'azur, poème", pages 51 à 53 & "Les Fêtes Françaises. - Théo Varlet : Au soleil de Mallarmé", pages 96 à 100.
  • N°23, septembre-octobre 1929 : "Les Fêtes Françaises. - Théo Varlet : En pure perte, nouvelle", pages 90 à 95.
  • N°36, novembre-décembre 1931 : "Les Fêtes Françaises. - Théo Varlet : L'Anglais corrupteur", pages 92 à 95.
  • N°40, octobre-novembre-décembre 1932 : "Fêtes Françaises. - Archer Milton Huntington : Les Abbesses de Vallbona, poème, traduction de Théo Varlet", pages 119 à 122.
  • N°41, janvier-février-mars 1933 : "Fêtes Françaises. - Théo Varlet : Traduction des poèmes : Le Cid. - La Jeunesse, de Archer Milton Huntington", pages 242 à 246.
Parmi ses contributions, beaucoup de travaux de traducteur desquels je retiendrai surtout les derniers, qui seront recueillis, quelques mois plus tard, en un volume de la collection "La Phalange", dirigée par Jean Royère, aux éditions Albert Messein : Quatre poèmes d'Archer Milton Huntington, transposés par Théo Varlet et Armand Godoy, avec une préface de ce dernier (achevé d'imprimer le 9 août 1933). Le recueil comporte une dédicace imprimée, qui pourrait témoigner en faveur d'un resserrement des liens entre Varlet et le Magnifique. Deuxième glane :


Dernière glane en date, cet appel de Paul Prist, paru dans la Revue Belge (11e année, Tome IV, n°1, 1er octobre 1934, p. 95-96) :
Pour Théo Varlet
Notre excellent collaborateur Paul Prist, membre d'un Comité parisien qui vient de se former pour porter secours au beau poète Théo Varlet, nous adresse, au nom du Comité, la présente lettre qu'il nous demande de porter à la connaissance de nos lecteurs :
Autour des membres d'un Comité d'honneur et d'un Comité acrif, dont suivent les noms, les Amis de Théo Varlet se groupent actuellement, pour apporter à notre excellent confrère l'aide, aussi efficace que possible, réclamée par sa très angoissante situation. Ils espèrent et sont presque certains que vous voudrez bien vous poindre (sic) à eux.
Vous connaissez le nom et les oeuvres de Théo Varlet : dix recueils de vers, dont la récente anthologie du "Florilège de Poésie cosmique", une quinzaine de volumes de romans et contes, trente volumes de traductions, de nombreux articles, etc.
Installé depuis longtemps à Cassis (B. d. R.) où il vit de sa plume, en mauvaise santé, depuis de longs mois et empêché d'aller à Paris prendre soin de ses intérêts, Théo Varlet voit baisser de jour en jour le rendement de ses travaux littéraires. Ce fâcheux état de choses n'a guère chance de s'améliorer d'ici peu. Il nous est difficile de vous mettre brièvement au courant des ennuis de notre confrère, mais ses amis vous prient de croire que sa situation émouvante, après une série de pénibles accidents, doit vous inspirer la plus vive sympathie.
Désireux de procurer à notre excellent confrère Théo Varlet le repos et les soins qui lui seront indispensables pendant plusieurs mois, et peut être même deux ou trois ans, et de lui faciliter ainsi le retour à une vie active, nous ouvrons en sa faveur dès ce jour une souscription à laquelle nous espérons que vous voudrez bien prendre part. Il va de soi que Théo Varlet, s'il peut publier de nouvelles oeuvres, grâce à cette aide, ne manquera pas d'en réserver la primeur à ses amis, dans des conditions à déterminer.
Nous vous serions donc particulièrement reconnaissants de bien vouloir dès maintenant adresser : 1° votre adhésion à M. Sirius Ravel, 1, avenue Colbert, Toulon, secrétaire ; 2° votre souscription à M. François Dellevaux, trésorier des Amis de Théo Varlet, villa Beata, le Cannet (Alpes-Maritimes), compte chèques-postaux n°37.969, Marseille.
Il nous serait agréable de recevoir avec la votre, les souscriptions de quelques-uns de vos amis, inconnus de nous, et désireux de témoigner par votre intermédiaire leur sympathie à Théo Varlet. Les souscriptions seront publiées à bref délai dans diverses revues et différents journaux de Paris, de province et de l'étranger. Toutes les sommes recueillies seront intégralement versées à Théo Varlet.
Le Comité actif est en formation sous la présidence de M. Jean Royère.
Le Comité d'honneur comprend déjà : MM. Maurice Maeterlinck, Rosny Aîné, Henri de Régnier, Paul Valéry, Pol Neveux, Gaston Rageot, Georges Duhamel, V. E. Michelet, Gustave Kahn, Philéas Lebèsgue, Claude Farrère, Maurice Beaubourg, Fernand Mazade, Xavier de Magallon, A. Godoy, Saint-Pol-Roux, etc.
D'autres glanes à suivre au hasard des découvertes... En attendant, on se reportera aux billets de Livrenblog, de L'Alamblog (ici et ici, puis et ), et à l'extrait de la présentation de "Télépathie", par Eric Dussert, reproduit en La Clef d'Argent.
Nota : Les liens accolés au Manuscrit autographe et à la collection "La Phalange" ne sont accessibles qu'aux Amis de Saint-Pol-Roux (qu'on rejoint gratuitement par simple création d'un compte google et demande d'inscription : plus d'infos ici).

vendredi 27 mars 2009

Lumières sur le portrait-mystère : le bon camarade Eugène Figuière

Bon sang, mais c'était bien sûr ! Notre bonhomme aux bajoues conviviales ne pouvait être un autre que l'éditeur hyperactif Eugène Figuière (1882-1944). J'entends déjà les participants qui se sont cassés la dent bibliophile sur l'identité de notre héros, s'exclamer d'auto-indignation en relisant l'indice clarissime où il fut question de fruit chu, de caprification, et d'un trop exotique banian, et en s'apercevant fort tard - trop tard - que c'était ainsi les placer à l'enseigne du figuier, de l'arbre qui servit de marque transparente à notre éditeur. Quant à l'indice ultime, il se contentait de lister quelques-uns des auteurs publiés à ladite enseigne, hors René-Louis Doyon qui n'y publia pas mais fit ses propres armes éditoriales chez l'ami Figuière, Marie Laurencin, qui y donna ses premières illustrations livresques en 1912, et Saint-Pol-Roux, qui manqua de peu commettre quelque infidélité envers le Mercure de France pour paraître sous le fructueux figuier. Nous en reparlerons. En attendant, on s'infligera - et avec le sourire - cette petite page d'auto-promotion retrouvée dans l'annuaire général des lettres pour 1932, et on félicitera -oui, oui, toi aussi, visiteur et beau joueur - l'ami perspicace C. Arnoult, maître-entoileur du blog Han Ryner, qui, seul, donna la juste réponse.

lundi 23 mars 2009

Grand Jeu Concours : Mais qui est-ce donc ? (dernier indice)

Sentant que le visiteur souffre de ne pas associer de nom à ce visage bonhomme, j'ai décidé - magnanime - de lui offrir un ultime indice, qui le fera glisser, en savonneux toboggan, vers la soulageante révélation.
Mais qui est-ce donc ?


Indice ultime :
Son histoire est faite des rencontres d'Apollinaire, Jules Romains, Jean Ajalbert, Georges Polti, Léon Riotor, Louis de Gonzague Frick, Marie Laurencin, René Arcos, O. W. de L. Milosz, Jules Supervielle, Riccioto Canudo, Tristan Klingsor, Paul Fort, Aurel, Carlos Larronde, John Millington Synge, André Salmon, Charles Vildrac, Bernard Shaw, André de Lorde, Pierre Jean Jouve, Valentine de Saint-Point, André Gide, René Ghil, Georges Duhamel, Alexandre Mercereau, Han Ryner, Léon Frapié, Laurent Tailhade, Walt Whitman, René-Louis Doyon, Saint-Pol-Roux, etc.
La route vers la bonne réponse étant désormais fort découverte, je me tairai jusqu'à la fin de la semaine. Postez vos réponses en commentaires (ci-dessous). Le gagnant sera celui qui aura été le plus rapide à donner l'identité de notre bonhomme. Toutes les réponses seront publiées, dans l'ordre où elles me seront parvenues, vendredi en fin d'après-midi. A vos claviers...


NOTE A DESTINATION DES REPONDEURS INQUIETS

LE COMMENTAIRE SUPPRIME ETAIT UN TEST. COMME ANNONCE, TOUTES LES REPONSES PARAÎTRONT EN MÊME TEMPS, MAIS DANS LEUR ORDRE D'ARRIVEE, VENDREDI 27 MARS. N'HESITEZ DONC PAS A POSTER VOS REPONSES... JE LES TIENS AU CHAUD JUSQU'AU GRAND JOUR.

L'exposition Saint-Pol-Roux ferme ses portes : souvenirs d'une belle exposition (II)

La trop brève visite de l'exposition Saint-Pol-Roux s'achève aujourd'hui avec une déambulation dans les salles du Musée des Beaux-Arts de Brest. J'aurai de nombreuses occasions, dans les mois et les ans prochains, de revenir sur les relations entre le Magnifique et les peintres. J'ai déjà présenté, il y a quelques semaines, ses "notes de poète" qu'il donna en préface au catalogue du Salon des Peintres de Bretagne, en 1937. C'était pour lui un art second que la peinture - comme la musique. Pourtant, il fut, en bon et jeune poète symboliste, un piéton de galeries et d'expositions, fréquentant, entre autres, chez Le Barc de Boutteville, et, probablement, dans les salons de la Rose-Croix. On se souvient notamment de son admiration pour le Christ aux outrages de Henry de Groux, le "Ravachol de la peinture" ; il aima aussi Jeanne Jacquemin, Maurice Denis, Paul Signac, Gauguin, Georges Rochegrosse. Il est dommage qu'on n'ait pas conservé d'ébauches ou de photographies de la fresque que ce dernier peignit sur un mur du manoir, et qui représentait le poète en dieu de la mer. Il est dommage encore que le musée d'Orsay n'ait pu prêter à Brest les bois gravés de la Maison du Jouir de Gauguin, que Segalen avait rapportés de Tahiti pour orner les murs de la demeure irrévocable, à Camaret. L'exposition montra néanmoins le portrait de Wagner, peint par de Groux et dédicacé, par le peintre, au Magnifique.


Et il y avait d'autres belles pièces en cette exposition dont le triple objectif, atteint, était de préciser les goûts esthétiques de Saint-Pol-Roux, de donner un aperçu assez complet des représentations artistiques du poète, par les peintres et les sculpteurs, de montrer combien sa vie, parisienne ou bretonne, s'inscrit dans des centres d'art particulièrement vivants et dynamiques, du Paris symboliste puis néo-impressionniste et nabi à Camaret, ville d'artistes.


Denis, Sérusier, Filiger furent des innovateurs, des inventeurs de peinture. Comme Saint-Pol-Roux, ils s'exilèrent rapidement de Paris pour découvrir la vérité du monde en Bretagne.

Les autres peintres exposés - je parle de ceux, moins connus, qui villégiaturaient à Camaret : Cottet, Sauvaige, Désiré-Lucas, Rivière, Sévellec, etc. - témoignent eux de la vie camarétoise, de sa beauté et de sa dureté, non sans génie, tel Henri Rivière, non sans force, tel Charles Cottet représentant l'incendie de l'église de la ville.


Mais le plus émouvant de cette exposition, sans doute, c'est encore, l'apparition, au milieu de chefs-d'oeuvre reconnus, de ces petites toiles naïves figurant le manoir et la chaumière - qui furent, qui sait ?, peut-être peints par l'un des enfants du poète -, de ces "chinoiseries", - bibelots rapportés, qui sait encore ?, par Segalen, peut-être -, du catalogue de vente, à Drouot à la fin décembre 1920, d'une partie des meubles de Saint-Pol-Roux, de plans du manoir réalisés par ce dernier en personne, etc. Le plus émouvant, oui, c'est sans doute ce mélange du beau et du joli, du sublime et du naïf, c'est cet hétéroclite baroque, qui est, simplement, le monde du poète.


Ce monde que Mary Piriou a su rendre si sensible dans le portrait ci-dessous qui termine notre visite, portrait où tous les éléments de l'univers saint-pol-roussins sont convoqués : le paon, le tournesol, le coq, la colombe, le corbeau, la rose, la chaumière et le manoir. "Son oeuvre finie, avait écrit le poète à propos de l'artiste, je pars, baisant pieusement la main qui m'a créé. Resté dans l'atelier, cependant me voilà dans le sombre escalier. Dédoublé, je ne sais vraiment si je descends ou bien si je m'attarde sur le chevalet. Des deux, quel est celui de moi qui vit le mieux et davantage ? De palier en palier, l'impression m'étreint de m'éloigner du meilleur de moi-même".


Les photographies des tableaux,
"Une veuve de Camaret" (Richon-Brunet)
et "portrait de Saint-Pol-Roux" (Mary Piriou),
sont de M. Jacques Bocoyran.
Nota : Le Grand Jeu concours court toujours. Le visiteur sèche, comme un fruit tombé. Ses neurones s'agitent, vifs, puis, vaincus et caprifiés, pendouillent. Et le bonhomme, - qui n'est ni Fargue, ni Larbaud, ni Vielé-Griffin, ni Béraud, Bruant, Bourges, ou Charles-Louis Philippe, qui n'est pas même Beucler, Carco ou Ferdinand Herold -, en son portrait, se moque, fait la ... nique. Se sentirait-il devenu à ce point inaccessible, tel le petit singe perché sur un trop exotique banian ? Vos réponses en commentaires ou ici : harcoland@gmail.com.

lundi 16 mars 2009

L'exposition Saint-Pol-Roux ferme ses portes : souvenirs d'une belle exposition (Ibis)

En relisant le billet d'hier, je me rends compte que le lecteur, avec raison, ne peut être satisfait du peu d'images nettes illustrant cette trop rapide visite. Aussi, avec l'accord des organisateurs, voici un diaporama de quelques-uns des documents, essentiellement dessins et photographies issus du fonds Tarquis conservé aux Archives municipales de Brest, qui furent exposés dans la Bibliothèque d'Etude.

(à suivre : Au Musée des Beaux-Arts)

dimanche 15 mars 2009

L'exposition Saint-Pol-Roux ferme ses portes : souvenirs d'une belle exposition (I)

J'aurais aimé avoir eu le temps de rédiger ce billet alors qu'il était encore possible de visiter l'exposition que la Bibliothèque d'Etude et le Musée des Beaux-Arts de Brest, conjointement, consacrèrent à Saint-Pol-Roux. Malheureusement, voici qu'elle ferme ses portes le jour même où je rédige ces lignes, dès lors non pas publicitaires mais commémoratives. Le lieu était bien choisi pardi, puisque le 22 rue Traverse, où s'élève aujourd'hui le bâtiment de la Bibliothèque, fut la dernière et infortunée demeure du poète : l'hôpital où il mourut le 18 octobre 1940. Je dois dire qu'en découvrant l'affiche, j'avais eu d'abord un peu peur que l'exposition virât à l'énième célébration régionaliste du Magnifique, ne présentant que des documents bretons prouvant l'enracinement finistérien de Saint-Pol-Roux. Les organisateurs m'avaient invité au vernissage du 16 décembre, mais je n'avais pu m'y rendre, hélas. Plus de deux cent personnes y assistèrent témoignant d'une curiosité et d'un intérêt croissants pour l'oeuvre du poète - la présence d'un public relativement nombreux au colloque des 27 & 28 février derniers en est un autre témoignage. Bref, je ne doute pas que l'exposition fût finalement un succès ; et j'en doute d'autant moins que, l'ayant depuis visitée, mes craintes initiales se sont envolées. L'exposition rend, contrairement à ce que pouvait laisser sous-entendre le titre, plutôt bien compte de l'itinéraire littéraire et personnel de Saint-Pol-Roux. J'aurais bien voulu donner, pour les lecteurs du blog qui, pour la plupart, n'ont pu se rendre à Brest, un aperçu détaillé de chacun des documents exposés, mais ma propre visite fut trop brève pour relever un tel défi. Je me contenterai donc d'un rapide survol, d'une sommaire présentation, agrémentée de quelques photos aimablement communiquées par Nicolas Galaud, le directeur de la Bibliothèque d'Etude. Puis il y aura un catalogue, très prochainement, et nous pourrons alors mieux nous consoler...
A la Bibliothèque
Au rez-de-chaussée, une série de panneaux mêlant textes et iconographie accueillent le visiteur ; ce sont les mêmes qu'à Châteaulin où se tint une précédente exposition, "Le Verbe et la Lumière", en 1992. C'est à l'étage que l'exposition proprement dite commence. La première vue est celle d'un pan de mur présentant plusieurs visages dessinés du poète et pour beaucoup parus dans la presse, portraits et caricatures de Pierre Vaillant, André Rouveyre, Jim Sévellec, Saïk, etc. ; puis au-dessous, envitrinés, d'autres dessins de Xavier de Langlais, de Vallotton, etc. en leur support, livres et albums.


Sur le mur d'en face, une première étape, de la Provence au Finistère, avec essentiellement des photographies familiales et des documents rares et émouvants : le baccalauréat du jeune Paul Roux, signé par Jules Ferry en 1881, une carte d'identité établie au nom de Saint-Pol-Roux, une lettre à Gustave Geffroy...

Le magnifique portrait de Mallarmé par Rochegrosse signale que nous quittons désormais l'état-civil pour la poésie. Nouvelle station : Du parnasse au symbolisme. La vitrine est encadrée par "Le pèlerinage de Sainte Anne" et "Le miracle de 1886" ; à l'intérieur : un cahier, sur les premières pages duquel le tout jeune Paul Roux a recopié une douzaine de poèmes de Mallarmé, une lettre à Jules Huret le priant de publier l'intégralité de sa réponse à l'enquête sur l'évolution littéraire dans l'Echo de Paris, un numéro du Mercure de France, des éditions originales, une lettre à Mirbeau, un exemplaire du Cabinet noir de Max Jacob et de La Conquête des étoiles de Marinetti, dédicacés par leurs auteurs à Saint-Pol-Roux, etc.

Puis voici la Dame à la Faulx, avec un tapuscrit anoté de la main de Saint-Pol-Roux, puis les Ardennes, l'amitié avec Victor Segalen, l'aventure surréaliste (la première lettre de Breton au Magnifique, la page d'hommage des Nouvelles littéraires, des coupures de presse sur le banquet du 2 juillet), les échanges avec Max Jacob, la Répoétique et les Litanies de la Mer, la synthèse verbale des pêcheurs de Camaret, dont était exposé un merveilleux manuscrit illustré. Et ma mémoire me fait défaut pour tout citer... puis il aurait fallu s'attarder plus devant chaque pièce ; puis il aurait fallu revenir et prendre des notes ; puis... vivement le catalogue.

(à suivre : Au Musée des Beaux-Arts)

Nota : Le Grand Jeu concours court toujours. Le visiteur sèche, comme un fruit tombé. Ses neurones s'agitent, vifs, puis, vaincus et caprifiés, pendouillent. Et le bonhomme, - qui n'est ni Fargue, ni Larbaud, ni Vielé-Griffin, ni Béraud, Bruant, Bourges, ou Charles-Louis Philippe, qui n'est pas même Beucler, Carco ou Ferdinand Herold -, en son portrait, se moque, fait la ... nique. Se sentirait-il devenu à ce point inaccessible, tel le petit singe perché sur un trop exotique banian ? Vos réponses en commentaires ou ici : harcoland@gmail.com.

samedi 14 mars 2009

Saint-Pol-Roux : "portrait chinois", par Jean-Pierre Guillon

Le 24 décembre dernier, je reproduisais la belle lettre que Jean-Pierre Guillon m'écrivit en réponse au questionnaire que je lui adressai et qui avait servi de base aux entretiens entoilés au printemps 2008 ; "Pour le "portrait chinois", je verrais peut-être plus tard", avait-il noté en conclusion de son épistole. Le "plus tard" advint tout récemment et je puis, ce soir, compléter la lettre initiale de Jean-Pierre Guillon, en donnant ici le "portrait chinois" de Saint-Pol-Roux qu'il a eu l'amabilité de me communiquer.

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1. un animal : le paon faisant la roue. - 2. un végétal : la crosse de fougère. - 3. une pierre (semi)précieuse : le galet brut. - 4. un objet : le télégraphe de Chappe. - 5. un moyen de locomotion : le patin à roulettes. - 6. un lieu : une maison, chaumière le jour, château la nuit. - 7. une couleur : rose-bonbon. - 8. un parfum : le parfum naturel qui se dégage d'une plantation d'orangers en fleurs. - 9. un être mythologique : Orphée retrouvant Eurydice. - 10. une heure du jour : le lever de soleil. - 11. un événement historique : L'Eden : ouverture du Paradis Terrestre. - 12. un péché capital : l'orgueil de la cocotte et du nouveau-né. - 13. un sentiment : la délicatesse. - 14. un artiste : (à l'époque qui m'occupe) Gauguin. - 15. un vers : « le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui... »

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Nota : Le Grand Jeu concours court toujours. Le visiteur sèche, comme un fruit tombé. Ses neurones s'agitent, vifs, puis, vaincus et caprifiés, pendouillent. Et le bonhomme, - qui n'est ni Fargue, ni Larbaud, ni Vielé-Griffin, ni Béraud, Bruant, Bourges, ou Charles-Louis Philippe, qui n'est pas même Beucler, Carco ou Ferdinand Herold -, en son portrait, se moque, fait la ... nique. Se sentirait-il devenu à ce point inaccessible, tel le petit singe perché sur un trop exotique banian ? Vos réponses en commentaires ou ici : harcoland@gmail.com.