SPiRitus S'entRetient avec
Solen Prémel-Cabic
[Née le 19 février 1979, Solen est officier de la marine nationale. Après avoir consacré ses mémoires de maîtrise et de DEA à Guillaume Apollinaire (Quête de soi et désir de l'autre dans les lettres et les poèmes à Lou & La part de l'ombre dans ses oeuvres poétiques), elle poursuit ses recherches sur l'auteur de L'Enchanteur pourrisant et rédige un roman]
SPiRitus : Vous souvenez-vous de votre première rencontre de lectrice avec la poésie de Saint-Pol-Roux ? Quel était le titre de l'oeuvre, du poème, etc. ? Connaissiez-vous déjà, avant cette première lecture, son nom, son histoire, sa légende ? Si oui, comment ?
Solen Prémel-Cabic : Je me souviens parfaitement de ma rencontre avec Saint-Pol-Roux. Ma première lecture a été celle des Reposoirs de la procession. Le premier poème fut "Alouettes" qui ouvre le premier recueil, La rose et les épines du chemin. Mon professeur de littérature m'avait conseillé sa lecture. Je ne connaissais pas véritablement l'histoire de Saint-Pol-Roux au départ. J'avais eu écho de son nom via mon travail universitaire sur Guillaume Apollinaire car on connaît les liens qui unissaient les deux hommes, mais c'était tout.
SPiR. : Qu'avez-vous éprouvé au cours de cette lecture ?
Solen : Cette lecture aussitôt m'intrigua. Ce recueil des reposoirs m'apparut mystérieux de par sa forme et son empreinte mystique. J'avais l'impression d'être face à une oeuvre sanctuaire qu'il fallait pénétrer et décrypter, dont chaque poème était une clé. Son oeuvre m'apparaissait unique et hors du commun.
SPiR. : A ce jour, qu'avez-vous lu de son oeuvre ? Quels sont les titres qui figurent dans votre bibliothèque personnelle ? Dans quelle édition, etc. ?
Solen : J'ai lu les Reposoirs de la procession, la Dame à la faulx, l'épilogue des saisons humaines, le Trésor de l'homme, la Répoétique, Cinéma vivant, Vitesse, Genèses, les traditions de l'avenir, la correspondance Victor Segalen et Saint-Pol-Roux, la Randonnée, De l'art magnifique, la transfiguration de la guerre, le tragique dans l'homme, Tablettes, Idéoréalités, Vendanges. J'en oublie sûrement. Tous ces ouvrages figurent dans ma bibliothèque dans la collection Rougerie, l'éditeur qui a tant oeuvré pour Saint-Pol-Roux.
SPiR. : Quels sont, parmi ses ouvrages (parutions posthumes comprises), ceux que vous préférez ? Sauriez-vous dire pourquoi ?
Solen : Mes ouvrages préférés sont ceux de La Dame à la faulx, l'épilogue des saisons humaines pour ce qui est de ses pièces de théâtre et les reposoirs de la procession pour ce qui est de sa prose poétique. L'oeuvre des reposoirs m'intéresse de par sa forme. Cette oeuvre transcrit et met en scène le parcours d'un homme et plus largement de l'humanité. Son oeuvre se présente comme une véritable procession où l'on voit défiler l'humanité, le temps qui passe. Le lecteur est directement impliqué dans cette démarche. Il doit parcourir l'oeuvre. Les poèmes agissent comme des clés, des étapes et permettent d'entreprendre une réflexion sur la vie, sur l'homme et plus largement sur la littérature. C'est une oeuvre qui se veut spirituelle et humaniste à la fois. Elle apprend l'humilité. Pour l'épilogue des saisons humaines c'est la conception même de la pièce qui m'a particulièrement intéressée. C'est une oeuvre qui permet de réfléchir sur la fluctuation du temps et qui agit comme une sorte de miroir. C'est une oeuvre de l'introspection où le lecteur voit son existence se réfléchir. Les figures de la jeunesse et de la vieillesse se confondent, s'intervertissent. Elle amène à une certaine conception philosophique de la vie. Quant aux reposoirs, c'est un tout. La forme et le fond m'intéressent tout autant. C'est une oeuvre métaphorique, quasi hermétique par moment qui donne envie justement de faire l'effort de la percer. Son interprétation est complexe. C'est ce travail de recherche permanent et cette richesse qui me séduisent. Cette oeuvre peut recouvrir bon nombre de significations. Le travail de l'écrivain est particulièrement intéressant comme Saint-Pol-Roux l'évoque dans "Le poète au vitrail".
SPiR. : Pouvez-vous citer, pour les visiteurs du blog, quelques vers ou lignes de votre volume préféré ?
Solen : "Le poète corrige Dieu" citation qui élève le poète au rang de démiurge et qui le présente comme un traducteur, un déchiffreur de la nature. Autres poèmes préférés : "le poète au vitrail", "la religion du tournesol", "devant du linge étendu par ma mère", "le châtelain et le paysan".
SPiR. : Quelle première oeuvre conseilleriez-vous à un jeune homme ou à une jeune fille qui voudrait découvrir Saint-Pol-Roux ?
Solen : La Dame à la faulx car c'est une pièce de théâtre très accessible et très vivante. La mort est une thématique universelle qui intéresse tout le monde en raison de la condition même de l'humanité.
SPiR. : Pouvez-vous nous raconter une anecdote personnelle, de lecture, de recherche, de chine, ou autre, où Saint-Pol-Roux joue un rôle important ?
Solen : Je n'ai pas d'anecdote particulière si ce n'est mes pérégrinations hebdomadaires au marché de Brignogan chez un bouquiniste qui s'intéresse à Saint-Pol-Roux et que je vais toujours voir pour tenter de trouver diverses trouvailles sur Saint-Pol-Roux. Il m'a confié des coupures de presse sur le poète qui appartenait à un homme de Camaret et qui faisait des recherches sur Saint-Pol-Roux. J'ai également réussi à trouver une illustration sur aquarelle du "Pèlerinage de sainte Anne".
SPiR. : Comment définiriez-vous sa poésie ? Vous semble-t-elle "datée" ?
Solen : Sa poésie est à mon sens collective, humaniste et surtout atemporelle. Voilà pourquoi elle ne semble pas datée.
SPiR. : Pensez-vous que son oeuvre a pu influencer certains des mouvements du XXe siècle poétique ? Lesquels ? Dans quelle mesure ?
Solen : Saint-Pol-Roux a influencé le mouvement surréaliste. Il a quelque peu inspiré Guillaume Apollinaire et André Breton. Il devient l'inventeur d'une nouvelle forme de poésie qui se veut moderne (c'est la quête de l'écrivain, sa "procession" perpétuelle). En cela, il influence le mouvement surréaliste. Saint-Pol-Roux invente le mouvement dit "idéoréaliste" qui fait écho au mouvement "surréaliste". Il est considéré comme le maître de l'image, ce qui importe également au mouvement surréaliste et rompt avec les formes traditionnelles. C'est un travail de surcréation et c'est en cela que Saint-Pol-Roux se veut en quelque sorte le précurseur du mouvement surréaliste.
SPiR. : Comment expliquez-vous le relatif silence qui entoure actuellement son oeuvre ?
Solen : L'oeuvre, qui peut sembler au départ très mystérieuse et quasi hermétique, peut peut-être freiner certains lecteurs. Il est difficile de pénétrer l'oeuvre de Saint-Pol-Roux de prime abord et cela, je crois, peut expliquer le relatif silence qui entoure cette oeuvre. Heureusement, certains lecteurs persévèrent et savent reconnaître la magnificence de son oeuvre.
SPiR. : Faites le "portrait chinois" du Magnifique.
Solen : 1. un animal : un chat. - 2. un végétal : un olivier. - 3. une pierre (semi)précieuse : l'améthyste. - 4. un objet : un encrier. - 5. un moyen de locomotion : une péniche. - 6. un lieu : un temple. - 7. une couleur : le violet. - 8. un parfum : le cèdre. - 9. un être mythologique : la licorne. - 10. une heure du jour : 17 heures. - 11. un événement historique : l'invention de l'écriture. - 12. un péché capital : la gourmandise. - 13. un sentiment : l'exaltation. - 14. un artiste : un pianiste. - 15. un vers : "Il est grand temps de rallumer les étoiles" de Guillaume Apollinaire.
SPiR. : Pour finir, à quelle question sur le poète ou son oeuvre, non posée ici, auriez-vous aimé répondre ? Répondez-y.
Solen : Comment, selon vous, peut-on rendre hommage au poète ? Tout d'abord, en lisant son oeuvre. Puis en poursuivant son oeuvre. N'oublions pas qu'il est notre père et que nous nous devons de lui rendre hommage sans cesse par tous les moyens... en lisant, en écrivant, en poétisant, en échangeant, et faire de nos rencontres saint-poliennes une oeuvre collective et universelle à son image.
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