La trop brève visite de l'exposition Saint-Pol-Roux s'achève aujourd'hui avec une déambulation dans les salles du Musée des Beaux-Arts de Brest. J'aurai de nombreuses occasions, dans les mois et les ans prochains, de revenir sur les relations entre le Magnifique et les peintres. J'ai déjà présenté, il y a quelques semaines, ses "notes de poète" qu'il donna en préface au catalogue du Salon des Peintres de Bretagne, en 1937. C'était pour lui un art second que la peinture - comme la musique. Pourtant, il fut, en bon et jeune poète symboliste, un piéton de galeries et d'expositions, fréquentant, entre autres, chez Le Barc de Boutteville, et, probablement, dans les salons de la Rose-Croix. On se souvient notamment de son admiration pour le Christ aux outrages de Henry de Groux, le "Ravachol de la peinture" ; il aima aussi Jeanne Jacquemin, Maurice Denis, Paul Signac, Gauguin, Georges Rochegrosse. Il est dommage qu'on n'ait pas conservé d'ébauches ou de photographies de la fresque que ce dernier peignit sur un mur du manoir, et qui représentait le poète en dieu de la mer. Il est dommage encore que le musée d'Orsay n'ait pu prêter à Brest les bois gravés de la Maison du Jouir de Gauguin, que Segalen avait rapportés de Tahiti pour orner les murs de la demeure irrévocable, à Camaret. L'exposition montra néanmoins le portrait de Wagner, peint par de Groux et dédicacé, par le peintre, au Magnifique.
Et il y avait d'autres belles pièces en cette exposition dont le triple objectif, atteint, était de préciser les goûts esthétiques de Saint-Pol-Roux, de donner un aperçu assez complet des représentations artistiques du poète, par les peintres et les sculpteurs, de montrer combien sa vie, parisienne ou bretonne, s'inscrit dans des centres d'art particulièrement vivants et dynamiques, du Paris symboliste puis néo-impressionniste et nabi à Camaret, ville d'artistes.
Denis, Sérusier, Filiger furent des innovateurs, des inventeurs de peinture. Comme Saint-Pol-Roux, ils s'exilèrent rapidement de Paris pour découvrir la vérité du monde en Bretagne.
Les autres peintres exposés - je parle de ceux, moins connus, qui villégiaturaient à Camaret : Cottet, Sauvaige, Désiré-Lucas, Rivière, Sévellec, etc. - témoignent eux de la vie camarétoise, de sa beauté et de sa dureté, non sans génie, tel Henri Rivière, non sans force, tel Charles Cottet représentant l'incendie de l'église de la ville.
Mais le plus émouvant de cette exposition, sans doute, c'est encore, l'apparition, au milieu de chefs-d'oeuvre reconnus, de ces petites toiles naïves figurant le manoir et la chaumière - qui furent, qui sait ?, peut-être peints par l'un des enfants du poète -, de ces "chinoiseries", - bibelots rapportés, qui sait encore ?, par Segalen, peut-être -, du catalogue de vente, à Drouot à la fin décembre 1920, d'une partie des meubles de Saint-Pol-Roux, de plans du manoir réalisés par ce dernier en personne, etc. Le plus émouvant, oui, c'est sans doute ce mélange du beau et du joli, du sublime et du naïf, c'est cet hétéroclite baroque, qui est, simplement, le monde du poète.
Ce monde que Mary Piriou a su rendre si sensible dans le portrait ci-dessous qui termine notre visite, portrait où tous les éléments de l'univers saint-pol-roussins sont convoqués : le paon, le tournesol, le coq, la colombe, le corbeau, la rose, la chaumière et le manoir. "Son oeuvre finie, avait écrit le poète à propos de l'artiste, je pars, baisant pieusement la main qui m'a créé. Resté dans l'atelier, cependant me voilà dans le sombre escalier. Dédoublé, je ne sais vraiment si je descends ou bien si je m'attarde sur le chevalet. Des deux, quel est celui de moi qui vit le mieux et davantage ? De palier en palier, l'impression m'étreint de m'éloigner du meilleur de moi-même".
"Une veuve de Camaret" (Richon-Brunet)
et "portrait de Saint-Pol-Roux" (Mary Piriou),
sont de M. Jacques Bocoyran.
Nota : Le Grand Jeu concours court toujours. Le visiteur sèche, comme un fruit tombé. Ses neurones s'agitent, vifs, puis, vaincus et caprifiés, pendouillent. Et le bonhomme, - qui n'est ni Fargue, ni Larbaud, ni Vielé-Griffin, ni Béraud, Bruant, Bourges, ou Charles-Louis Philippe, qui n'est pas même Beucler, Carco ou Ferdinand Herold -, en son portrait, se moque, fait la ... nique. Se sentirait-il devenu à ce point inaccessible, tel le petit singe perché sur un trop exotique banian ? Vos réponses en commentaires ou ici : harcoland@gmail.com.
1 commentaire:
Les photographies des tableaux,
"Une veuve de Camaret" (Richon-Brunet)sont de M. Jacques Bocoyran.
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Bonjour,
Je serai curieux de connaitre l'histoire de cette photographie.
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