mardi 23 décembre 2008

L'Académie Mallarmé, d'après Jean Ajalbert & "Le Mercure de France"

Jean Ajalbert, qui siégeait déjà à l'Académie Goncourt, parce qu'il avait sacrifié très-jeune, après quelques velléités poétiques, ses talents de versificateur impressionniste à la romanogénèse post-naturaliste, dut ressentir, au moment où l'on fêtait le cinquantenaire du symbolisme, un peu de nostalgie, et trouver que d'appartenir à une académie unique était insuffisant. Aussi devint-il le logisticien zélé de l'Académie Mallarmé et le conseiller d'Edouard Dujardin, l'âme de cette digne entreprise. En réalité, il ne devait pas faire preuve de beaucoup d'imagination puisqu'il décalqua le protocole de la Mallarmé sur celui de la Goncourt, lui empruntant même son célèbre restaurant, le Drouant de la Place Gaillon, comme quartier général et électoral.

Ajalbert fut donc très-actif dans les semaines et les jours qui précédèrent la naissance officielle de l'Académie des poètes. Le 15 février 1937, il donna à Paris-Soir un article, "Douze de la poésie créent l'Académie Mallarmé", dont le Mercure de France fit un compte rendu dans sa rubrique des "Journaux" ; c'est ce dernier que je reproduis ici :

Bulletin de naissance de l'Académie Mallarmé
(Paris-Soir, 15 février)
Académie, dit le "Quillet" : Société de personnes qui se réunissent pour s'occuper de littérature, de sciences, de beaux-arts, etc.
Académie, dit le "Larousse" : Ecole philosophique fondée à Athènes, dans les jardins d'Académos, par Platon.
M. Jean Ajalbert, qui dans Paris-Soir cite ces définitions, ajoute :
Laissons tous les dictionnaires, de Vapereau et de Bescherelle à Littré. Aucun ne nous fournirait une définition pertinente de l'académie qui vient de se fonder. C'est une sorte de monument vivant et perpétuel, un temple du culte à la mémoire du poète crucifié par la foule de ses contemporains, écouté avec une ferveur comme religieuse par une jeunesse croyante autour de son enseignement, aujourd'hui, - je ne voudrais pas être divinisé, - mais dressé comme l'image la plus pure, comme le symbole même de la poésie...
Ce poète, comment ne serait-ce pas Mallarmé ? L'Académie Mallarmé prolongera son souvenir, tant sous le toit du Val-Changis, la propriété de M. Edouard Dujardin à Avon-Fontainebleau, vouée à être aménagée en "Maison de Retraite des Poètes", que dans les salons de chez Drouant, où nos Mallarméens décerneront un prix, et à la Bibliothèque nationale.

Douze de la poésie créent l'Académie Mallarmé, ainsi est intitulé l'article de M. Jean Ajalbert. Douze, pas longtemps. M. Francis Jammes, puis M. Paul Claudel, puis M. André Gide, avons-nous lu, ont fait connaître qu'ils ne seraient pas de la nouvelle académie. Ce n'est pas qu'ils se réservent pour l'Académie française : parmi les membres de l'Académie Mallarmé, on remarque M. Paul Valéry, qui, pour être des Quarante, n'a pas craint un double emploi. Et l'article de Paris-Soir est signé, précisons : "Jean Ajalbert, de l'Académie Goncourt et de l'Académie Mallarmé."

C'est tant mieux qu'un certain nombre des familiers de la rue de Rome, au lendemain du cinquantenaire du Symbolisme, songe à perpétuer la mémoire du poète d'Hérodiade. Nous venons de nommer Ajalbert, Valéry, Dujardin. Nommons Vielé-Griffin, Saint-Pol-Roux, Albert Mockel, Maeterlinck, A.-Ferdinand Herold, Paul Fort, André Fontainas.
Deux jours après que parut l'article d'André Billy, les Treize, futurs Quinze, étaient en voie de perdre trois de leurs membres, pour n'être plus que Dix. Ils auraient d'ailleurs pu/dû n'être que les Neuf, car l'un d'entre eux, et pas des moindres, ne remplissait pas l'essentielle condition pour appartenir au groupe des fondateurs, celle d'avoir fréquenté chez Mallarmé. L'un des dix n'était pas un familier de la rue de Rome et n'y mit même jamais un doigt de pied. Nous verrons lequel bientôt...

(A suivre)

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