samedi 26 janvier 2008

La Petite Anthologie Magnifique : "La génisse divine" d'Edmond Pilon

Edmond PILON
(1874-1945)


Edmond Pilon, pour peu qu'on s'en souvienne, s'illustra surtout, au début du XXe siècle, avec talent, dans le portrait littéraire, mêlant anecdotes biographiques et reconstruction imaginaire, avec un charme de styliste désuet comme l'étaient ses modèles, tirés pour l'occasion de leur boudoir XVIIe ou XVIIIe. Pour constater l'unité de l'oeuvre, il n'est que de lire sa bibliographie : Portraits français (Sansot et Cie, 1904) & 2e série (Sansot et Cie, 1907), Le dernier jour de Watteau (Sansot et Cie, 1907), Muses et Bourgeoises de jadis (Mercure de France, 1908), Bonnes Fées d'antan (Sansot et Cie, 1908), Chardin (Plon Nourrit et Cie, 1909), Scènes galantes et libertines des artistes du XVIIIe siècle (Piazza et Cie, 1909), Portraits tendres et pathétiques (Mercure de France, 1910), Sites et personnages (Grasset, 1912), Portraits de sentiment (Mercure de France, 1913), Aspects et figures de femmes (La Renaissance du Livre, 1920), Figures françaises et littéraires (La Renaissance du Livre, 1921), etc. Et pourtant, ses deux premières publications furent des recueils de vers (Les Poèmes de mes Soirs, Vanier, 1896 ; La Maison d'Exil, Mercure de France, 1898), et de vers qui étaient d'un jeune poète admiratif et respectueux de ses aînés symbolistes. Car si son âge le poussait à adopter les leçons naturistes, il n'entra jamais dans la mêlée, sachant reconnaître le lien qui, par-delà les chapelles, unissait les générations qui se succédèrent depuis 1886. Il débuta dans l'Ermitage, collabora à La Vogue puis obtint une chronique régulière à La Plume, celle de Karl Boès, entre 1900 et 1902. Pilon aimait Saint-Pol-Roux et ne manquait pas une occasion de lui manifester son amitié, s'enthousiasmant pour ses "hauts symboles", pour La Dame à la Faulx, La Rose et les épines du chemin... Il était donc naturel que le Magnifique figurât parmi les dédicataires de son premier recueil, Les Poèmes de mes Soirs (1896), avec :
La génisse divine
A Saint-Pol Roux.

La génisse divine a surpassé les Roses
Et la voici parmi les plaines de pervenches
Lente et grave et pesante et passante qui pose
Ses pas sur le miroir de lait des plaines blanches;
Le Paon fatal au ciel d'azur s'est envolé
Et ses yeux sont tombés comme des bluets morts,
Le Messager mystique a repoussé son corps
Et la génisse a fui comme une bête ailée !
Mais des abeilles d'or piquent le pur pelage
Et du sang a paru qui pare la génisse !
Alors ruant parmi les flots du doux rivage
Dont l'haleine comme une écume lente glisse,
La Vierge taure ébroue aux roseaux de la rive
La fureur qui transforme son ombre inconnue,
Et, hennissant vers ce flot clair qui la délivre
Elle bondit et se roule et se lève nue
En une nymphe éblouissante de blancheur
Qui traverse la mer et va fouler les fleurs !

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