mercredi 9 janvier 2008

La Petite Anthologie Magnifique : un sonnet d'André Ibels

André IBELS
(1872-1932)

Romancier, homme de théâtre et poète, André Ibels est bien moins connu que son frère, le peintre H.-G. Ibels (1867-1936), un des illustrateurs attitrés de La Revue Blanche. Etrangement, André ne collabora pas au périodique des frères Natanson, lui préférant l'Ermitage ou La Plume, celle de Léon Deschamps. Son volume de vers le plus célèbre est sans doute Les Talentiers, recueil de ballades, satiriques souvent, dédiées à ses contemporains, illustrées par Ernest La Jeunesse, qu'il publia, sous le pseudonyme de Roy Lear, à la Bibliothèque d'Art et de Critique, en 1899. Comme d'autres symbolistes, il défendit et illustra l'idée anarchiste dans ses oeuvres et ses articles. En 1894, il avait fondé Le Courrier Social Illustré, qui n'eut que quatre numéros, du 1er novembre au 16 décembre. Assez engagée, la petite revue, illustrée par H.-G. Ibels, compta parmi ses collaborateurs, outre son fondateur : Paul Adam, Joachim Gasquet, André Gide, Mécislas Goldberg, Bernard Lazare, Camille Mauclair, Stuart Merrill, Dauphin Meunier, Lucien Muhlfeld, Adolphe Retté, Emmanuel Signoret, Paul Souchon, Laurent Tailhade et Saint-Pol-Roux qui donna, dans la première livraison, "Parasites", poème recueilli, en 1901, dans La Rose et les épines du chemin. Ibels et le Magnifique s'étaient rencontrés probablement de nombreuses fois avant de figurer ensemble au sommaire de la revue, rapprochés par leurs opinions politiques communes. Il n'est donc pas étonnant que Saint-Pol-Roux apparaisse comme dédicataire d'un poème des Cités Futures (Bibliothèque de l'Association, Paris, 1896), étrange recueil dont chaque texte, aux accents volontiers prophétiques, désigne au lecteur un soldat-poète de l'armée anarchiste. Voici donc ces

VERS D'AIRAIN

POUR

SAINT-POL-ROUX
Les Astres haut levés sur d'antiques Mémoires
Irradiant les Temps d'un éblouissement,
Ont mis un peu d'azur épars en ton grimoire,
Et voici que ta voix tremble splendidement.

Las de Procession majestueuse et lente,
Tu sculptas de tes mains des reposoirs magiques,
Et les mots blancs tissés sur les cordes qui chantent
Coulèrent de tes doigts en arpèges rythmiques.

Page royal du Verbe aux armes d'Ironie,
Troubadour et jongleur de fastueuses proses,
Brode un bouclier d'or contre la tyrannie.

Ton Glaive qui dardait sa pointe vers la Lune,
Dédié, désormais, aux races d'infortune,
A lui - dans la Ténèbre - rehaussé de roses !
Je ne suis pas parvenu à trouver de portraits d'André Ibels. Aussi, l'illustration de ce billet est-elle tirée des Talentiers, et signée Ernest La Jeunesse.

Je remercie Bruno Leclercq qui m'a communiqué ce poème, et dont la librairie La Ligne & le Lien met en vente justement une édition originale des Talentiers d'André Ibels.

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