samedi 27 juillet 2013

CŒCILIAN ou LE FILS HÉROÏQUE (Troisième partie)

Mort au champ d'honneur
Cœcilian Roux, sergent au 141e de ligne, fils aîné du poète Saint-Pol-Roux, est tombé glorieusement à la prise de V..., jeudi 4 mars.
Frappé mortellement au cours de la journée, il fut transporté à l'hôpital, où il mourait quelques heures après.
Cœcilian Roux, sur la ligne de feu depuis le début de la guerre, avait pris part à des combats sans nombre, toujours se signalant par cette bravoure exemplaire qui l'avait fait nommer caporal puis sergent à quelques jours de distance et allait lui mériter le grade de sous-lieutenant.
La Dépêche publiera quelques lettres de ce jeune héros qui part, à l'âge de 23 ans, pleuré par tous ceux qui connurent son âme si généreuse et fraternellement salué par ses chefs et ses compagnons d'armes.
Un service, dont nous ferons connaître la date, sera célébré à l'église de Camaret, la semaine prochaine.
Dans cette douloureuse circonstance, nous prions notre ami Saint-Pol-Roux et madame Saint-Pol-Roux d'agréer nos plus affectueuses condoléances.
C'est en ces termes que le quotidien, qui avait régulièrement rendu compte des exploits sportifs de Cœcilian et publié son premier et - à ce jour - seul article connu, saluait la mort du jeune homme. Six mois après la déclaration de guerre, Cœcilian était donc mortellement blessé à Vauquois et succombait à l'hôpital au bout de quelques heures. Il avait devancé l'appel, choisissant de s'engager, le 18 juin 1913, pour trois ans - alors que la loi augmentant la durée du service de deux à trois ans ne devait entrer en application que deux mois plus tard - au 141e Régiment d'Infanterie, l'ancien régiment de son père, au sein duquel ce dernier participa à "la sotte guerre de Tunisie". Lorédan, s'était lui engagé six mois plus tôt chez les dragons (3e R. I.), le 13 janvier, et se trouvait stationné à Nantes.

Le registre matricule (n° 1966), conservé aux archives départementales du Finistère donne de Cœcilian le signalement suivant :
Cheveux : châtains
Yeux : roux
Front : haut
Nez : moyen
Visage : ovale
Taille : 1 mètre 65 centimètres
Degré d'instruction : 4 [a obtenu le brevet de l'enseignement primaire]
On peut y lire aussi la rapide progression du jeune homme au sein de son régiment. Soldat de première classe, le 15 juillet 1914, il est nommé caporal le 25 août, puis sergent le 10 octobre. Ses qualités physiques et son intelligence lui auront probablement permis de gravir les échelons assez rapidement. L'article nécrologique cité plus haut nous apprend par ailleurs qu'il n'allait pas tarder à devenir officier. Les combats ne lui en laissèrent pas le temps, et, maigre consolation, lui obtinrent, de façon posthume, la croix de guerre avec palme et une citation à l'ordre de l'armée.

Saint-Pol-Roux et Amélie furent, on s'en doute, profondément affectés par la mort de Cœcilian. Sa mère devait tomber gravement malade et après de nombreuses rechutes mourir en 1923. En ce qui concerne le poète, une lettre qu'il adressa à Victor Segalen le 17 avril 1915 dira mieux que nous pourrions le faire comment il vécut son deuil :
Mon très cher, soyez tendrement remerciés, le bon ami Quédec et toi pour les résultats acquis à Verdun touchant les moments suprêmes de mon adoré Cœcilian. De tous les renseignements parvenus par vous, par Auffret et par un autre, il résulte que le glorieux enfant arriva à l’hôpital dans le coma. Nul ne put recevoir de lui une parole. "Il mourut sans souffrance", résume le Docteur Auffret. Je veux le croire, et je le crois fermement. Donc Auffret m’a répondu, selon ta prévision, après s’être allé documenter auprès de Sheilter, l’officier gestionnaire ; par retour je l’ai prié de fleurir la tombe de mon héros, que j’irai religieusement prendre après la guerre. Ma femme, ma fille et moi reprenons quelque sérénité devant tant de lettres affectueuses, mais, en dépit de la fierté, la blessure reste ouverte… Excuse mon retard, mais, j’avais prié notre exquise Jeanne Perdriel de t’aviser de la réception ici de ta lettre. Égoïstement, je t’ai fait passer après quelques autres : les premiers seront les derniers. Entre temps, pour ne pas sortir du cadre filial ou paternel, je termine une Berceuse héroïque des Morts pour la Patrie. Sinon je n’eusse rien pu réaliser, tant je me sens dépossédé. Le travail, même imparfait, me réintègre en moi-même. Et puis on est poète et, bien ou mal, il nous faut signer nos douleurs comme nos joies. Cœcilian vient d’être officiellement cité à l’ordre de l’armée : nous conserverons donc sa "croix de guerre". Enfin, que son frère cadet nous revienne ! Il est si fier, ce gars, d’être là-bas pour venger son frère. [...] A toi, à vous, en mon Cœcilian ! Dis à Quédec que je le remercie de toute mon âme.
La poésie, tournée vers le signe ascendant, reprenait naturellement sa place pour illuminer de vie ces temps particulièrement sombres. Cœcilian continuerait à vivre dans les écrits de guerre et dans le quotidien du Magnifique, qui allait rebaptiser son Manoir du Boultous, Manoir de Cœcilian.

Mais rendons, une dernière fois, la parole au fils héroïque, en reproduisant les extraits de ses lettres de guerre que la Dépêche de Brest publia dans son numéro du 17 mars 1915.
"LA VICTOIRE QUAND MÊME !"
(Les notes suivantes, communiquées par le poète Saint-Pol-Roux, sont extraites de lettres de son fils aîné Cœcilian Roux, sergent au 141e de ligne, blessé mortellement à la prise de V... Son capitaine, M. Combalot, qui fit un rapport, pour une citation, relate que Cœcilian, dans l'exaltation de son sacrifice, s'écria face à l'ennemi : C'est pour la Patrie !... Nous aurons la Victoire quand même !... Vive la France ! L'héroïque sergent, pour le repos de l'âme de qui un service sera célébré demain jeudi à Camaret, à dix heures du matin, se trouvait sur le front depuis le début des hostilités, comme d'ailleurs son jeune frère Lorédan qui est cavalier au 3e dragons.)
- 29 janvier. - Bien chers parents... Cette lettre est à la fois l'écho de mon pauvre cœur attristé par la mort de quatre frères d'armes, le 20 courant, dans une tranchée de petit poste, et l'apologie de la lutte idéoréaliste, entreprise par mon pays depuis bientôt six mois... De même qu'autrefois Jésus gardait son divin sourire en offrant son corps en holocauste pour l'humanité, vos petits soldats d'aujourd'hui à l'âme infiniment bonne versent gaiment le sang de leur chair juvénile pour l'honneur de leurs lois et votre indépendance...
Je sais, aux Indes mystérieuses, un grand poète qui haussa sur un piédestal magnifique la Beauté au cours des superbes envolées d'un volume : L'Offrande lyrique ; or je me demande si les humbles combattants que nous sommes n'entreprenons pas d'écrire une œuvre sublime que l'on pourrait appeler : L'Offrande charnelle ? Allez, on y va bravement de nos beaux vingt, ans, sans relâche, heureux et fiers, car nous sentons que nous refaisons le vieux monde avec nos tout-petits printemps... Et puis, en ce qui nous concerne plus particulièrement, je ne cesserai de vous le répéter, nous voulons honorer chaque jour davantage notre cher Midi que d'embusqués menteurs tentèrent d'obscurcir. Si, le long de cette formidable guerre, nous devons mourir, nous les enfants du 141e, ce sera pour l'entière et pure gloire du 15e corps, ce sera pour le soleil sans tache de notre adorable Marseille !...
Je m'en voudrais de ne pas vous narrer dans quelles circonstances furent tués mes braves amis que j'ai trouvés pantelants dans la boue de la tranchée. Ma section avait, à fournir, pour préserver sa première ligne, un petit, poste d'une demi-section détaché à une cinquantaine de mètres en avant entre les tranchées française et allemande. Ce petit poste devait se garder à gauche, en avant et à droite par deux sentinelles doubles pendant la nuit ; pendant le jour il devait éviter de se trop faire voir car des batteries de 77 ennemies pouvaient le prendre d'enfilade. La nuit du 19 au 20 se passa ibien pour mes pauvres héros, le début, de la matinée promettait également d'être calme lorsque, vers onze heures, une trentaine d'obus tirés à faible portée arrosa la tranchée. Le même obus, un percutant à mélinite, en tua quatre, et blessa cinq. Les malheureux survivants se cachèrent de leur mieux sans abandonner le poste, attendant jusqu'au soir la relève
qui demanda du secours pour dégager les morts ensevelis sous la terre.
Le lendemain, j'ai pris à mon tour avec ma demi-section. 24 heures de garde dans cette tranchée tragique ; heureusement, pour nous le canon ennemi se tut, sans doute contrarié par le feu convergent de nos 75. Par contre, nous en sommes sortis absolument transis et couverts de boue. - Le 22, j'ai rendu les derniers honneurs aux bien-aimés camarades tombés le 20 en ornant leurs tombes de branches de sapin et de bordures de mousse...
La nuit dernière, j'ai encore passé six heures avec une escouade, en petit poste à 20 mètres des boches, par un froid terrible et un clair de lune féerique. Une certaine fois il nous arriva d'être seulement à sept mètres. Si vous saviez les sensations éprouvées dans de telles circonstances ! Comme le cœur bat la charge lorsqu'on entend l'ennemi causer si près et que l'on se trouve une dizaine seulement!... Il faut y être pour comprendre enfin ce qui s'appelle un poste de confiance, - et quelle joie quand la relève arrive et qu'il n'y a pas de mal !
Oui, quel bonheur lorsque las, épuisés par une huitaine de jours en première ligne nous allons cantonner au hameau le plus proche. On se retrouve alors presque chez soi, les colis contenant mille petites choses soigneusement empaquetées par des mains affectueuses nous sont distribués ainsi que les lettres, les babillardes comme Pitou les nomme, et c'est la folle noce, tous les visages si sérieux en avant-poste se dérident, enfin une universelle gaîté illumine toutes ces figures bronzées des jeunes grognards de l'an 15... Puis le soir - ô joie ineffable ! - au lieu de dormir à la brune ou de chasser le boche, chacun s'enfonce dans la
paille d'une grange après avoir savouré les friandises des bons parents qui prennent la guerre pour une chose sérieuse, alors que leurs petits en font une rigolade...
Je termine ma lettre en vous embrassant, laissant le 75, qui tape dur en ce moment, mettre le sceau à ces lignes écrites à quelques 120 mètres des boches..
- 30 janvier. -Voyant que le calme persiste je veux vous parler des "Poilus" de l'Argonne, dont je suis...
Ce ne sont plus les petits pioupious qui déambulent le dimanche en temps de paix sur les boulevards le visage jeunet, souriant, et les godillots cirés comme une armoire ; non, mais bien de véritables guerriers dignes des anciens héros de la Vieille Gaule, couverts comme eux de peaux de bête afin de se garantir du froid rigoureux et le visage caché par une barbe hirsute, visage dont on n'aperçoit que deux petits yeux luisants comme des étoiles et furtifs comme des cailles... C'est qu'ils en ont vu les yeux des Poilus, qu'ils sont méfiants et perçants, en un mot de véritables percutants à faire frémir les boches.
Qu'ils appartiennent aux fusiliers-marins, à la Légion Garibaldienne ou aux autres corps disséminés dans les forêts qui s'étendent de la Woëvre jusqu'aux abords de Verdun, en Argonne enfin, ils sont tous les mêmes. N'ont-ils pas, tous, les mêmes occupations, les mêmes désirs, les mêmes souffrances et les mêmes heures héroïques?... Allez, ils pourront, vous en raconter plus tard, les Poilus de l'Argonne, et vous pourrez les croire sur parole, car ils n'auront pas besoin d'inventer pour vous intéresser.
La vie des tranchées a beau déprimer l'homme, elle ne lui enlève cependant pas sa mobilité d'esprit qui fait la force du soldat - les heures gaies succèdent ainsi sans transition aux heures tristes - et l'ingéniosité qui fait de la guerre une chose, infiniment complexe et variée on ne peut plus. C'est ainsi que, à côté des 120 et 155 longs, suprêmes bijoux du génie destructeur moderne voisinent et luttent avec succès, dans un rôle bien différent, bien entendu, les mortiers analogues aux désuètes couleuvrines qu'employaient les artilleurs de François Ier à la bataille de Pavie, et les bombes, grenades et autres projectiles que l'on se lance, les uns aux autres des tranchées de première ligne en faisant bien souvent plus de bruit que de mal. Ces mortiers, presque tous taillés dans des cœurs de chêne encerclés de fer, ou ceux-là plus modernes, tout de bronze coulés, sont surtout, employés la nuit par le génie qui, de la première, lance ainsi de grosses bombes remplies de ferrailles qui font un bruit infernal et affolent l'ennemi. - Les grenades à mains et bombes analogues à celles employées par les nihilistes sont lancées par des Poilus qui s'approchent à la faveur de l'obscurité le plus près possible des tranchées boches, les allument à l'aide d'un tire-feu et les jettent dans les tranchées.
Un autre moyen de destruction très fréquemment, employé, c'est la sape à la mélinite qui produit des ravages effrayants. Voici brièvement, en quoi consiste ce travail assez long et pénible. Des sapeurs creusent une sape à une profondeur de deux ou trois mètres au pied de leur tranchée et la continuent par un souterrain qui va afboutir sous la tranchée ennemie ; ils y déposent, quelques centaines de kilos de mélinite et la font exploser de leur tranchée à l'aide d'un cordon Bidkford. Au moment de l'explosion, une ou deux compagnies d'infanterie massées et cachées s'élancent sur l'ennemi qui, affolé par l'explosion, fuit, en toute hâte, abandonnant ses positions. Il arrive très souvent, que l'on sape des deux côtés à la fois, c'est alors à qui arrivera le premier.
Voilà les petits jeux des Poilus de l'Argonne. A quand le déclic pour la frontière ? Avec quelle joie l'on quittera "Tranchée-Ville" pour le grand choc !...
- 31 janvier. - Encore le temps aujourd'hui de vous écrire une babillarde !... Quel sujet attaquer, si ce n'est, celui des Poilus dont hier déjà je vous contais la vie ?... Aujourd'hui donc je vais vous parler des villages nègres, des poilus cuisiniers, des poilus cantonniers et des poilus charbonniers.
Au début de la campagne nous partions le cœur léger pour une lutte à découvert, manière de combattre qui convient bien à notre caractère primesautier et téméraire. Seulement, si une telle raçon de combattre mérite l'admiration, elle coûte cher en vies humaines et ne tarde pas d'ailleurs en dépit de ses multiples péripéties à épuiser les troupes. De plus, les boches se sentaient perdus en terrain plat, sans abris, après leur retraite de la Marne, ce qui fait qu'ils se terrèrent aussitôt, nous amenant à les imiter. Cette nouvelle tactique nous était, non pas inconnue, mais presque étrangère, ce qui nous obligea pour ainsi dire à une instruction quasi totale, à une véritable adaptation de la guerre de tranchées. Comme nous nous trouvions précisément en Argonne, aucun terrain ne pouvait mieux nous être utile pour nous mettre, en quelques jours à niveau des boches et rivaliser avec eux d'ingéniosité dans la construction d'abris de toutes sortes et de tranchées nouveau modèle dont les plans n'étaient à coup sûr point prévus sur nos manuels d'instruction.
Les gens qui visiteront l'Argonne après la guerre, verront, à tout instant de curieux vestiges de la grande épopée que nous écrivons en ce moment à coups de baïonnette et riront de l'ingéniosité des Robinsons gaulois et boches.
Lorsque nous nous sentons les reins solides sur une belle position, les tranchées de première ligne étant déjà faites, nous commençons la construction de huttes et cases aux formes infiniment variées avec les arbres que nous abattons sur place puisque nous sommes dans les bois. Avec des rondins aux dimensions diverses, nous faisons des tables, des chaises ; avec les branches souples, des claies que nous mettons sur les toits recouverts par la suite de terre. La forme de ces abris est laissée au goût des constructeurs, lesquels affectionnent soit la hutte du peau-rouge, soit la case genre maori ou calédonien. Il existe aussi les maisons souterraines qui ont l'avantage d'être à l'abri des obus et des balles et qui conservent mieux la chaleur.
Toutes ces cases portent des noms à faire rougir les splendides villas de la côte d'Azur et de la côte d’Émeraude : Villa Joffrette, Villa des Pinsons, Au boche à la mode, Elysée-Palace, etc..., et quoique leurs tentures soient plus modestes on y passe des heures douces lorsque l'on est relevé des tranchées de première ligne.
Comme bien vous pensez, l'on mange de bon appétit sur le front et l'on n'a pas à sa disposition les maîtres-queux de l'arrière. Aussi sont-ce de bons bougres de l'escouade, des débrouillards - les cuistots - qui font la popote des copains qui surveillent l'ennemi dans la première tranchée et l'apportent la nuit avec des allures de nègres échappés pour un moment de leur enfer où mijote le riz sous les regards attendris d'une vestale - lisez le cuisinier de garde - car... pas de femme ! tel est l'ordre du colonel, comme dans l'opérette.
Les laies forestières sont en si mauvais état qu'il a fallu employer à leur entretien des poilus - les poilus cantonniers - qui, à coups de pioche et de pelle, enlèvent la boue pendant que les copains de la tranchée qui guignent le boche regrettent de n'avoir pu chopper cette "combine", comme ils disent.
Les poilus charbonniers, eux, sont les plus veinards. En effet, à deux ou trois kilomètres en arrière au fond d'un bois, ils coupent les branches qui serviront à la confection de leurs meules, recouvrent le tout de terre et allument, attendant que le charbon de bois soit prêt pour le porter aux tranchées...
- D'une lettre à ses cousines de Marseille. - La guerre est une triste chose, quand même, et quand je songe aux jolis yeux semblables aux vôtres qui pleureront, je ne puis contenir mon émotion ; aussi joignez bien vos petites mains blanches pour ceux qui luttent ici pour la défense du sol sacré, et demandez à Dieu d'être clément pour leurs âmes !...
- Dernières cartes, 28 février. - Heures ultraglorieuses en Argonne. Ça barde on ne peut plus et nous grignotons le boche. Bonne santé toujours et état moral de premier ordre. Gros baisers et bon courage !
- 1er mars. - Toujours dans les tranchées de V... où nous en faisons voir de cruelles aux boches. Bien portant et gaillard malgré la maudite pluie qui ne cesse de nous inonder. Ah ! les beaux jours et la poursuite vers le Nord !
- 2 mars. - Toujours dans les tranchées des abords de V..., où ça barde à perpète. Mauvais temps, mais esprit toujours aussi calme. Je vous écris de ma tranchée de poste avancé où je suis détaché pour 24 heures avec mes hommes afin d'écouter les boches et je confie ma carte au cuisinier qui viendra nous porter la cuistance une fois la nuit venue...
- 3 mars. - Quelques coups durs cette nuit, mais tout va bien pour moi : X... est pris après une lutte héroïque. Grande confiance dans la lutte finale...
Cœcilian ROUX.
Ce sont là de beaux documents qui intéresseront autant ceux que l'histoire de la Grande Guerre passionne que les amateurs de Saint-Pol-Roux. Ces lettres ne se contentent pas de donner un assez riche aperçu de la vie dans les tranchées, elles ajoutent les dernières touches à notre portrait de Cœcilian en fils héroïque, en héros chez qui le patriotique courage le dispute ici à l'humour et à la légèreté. Sans doute, ne doit-on pas être dupe de cette légèreté et de cette confiance affichées dans une correspondance destinée aussi à rassurer des parents inquiets. Car "la guerre est une triste chose, quand même". Cet aveu, dans la "lettre à ses cousines de Marseille", cousines qu'il était probablement moins urgent de préserver, n'est-il pas le contrepoids humain au dernier cri lancé par le jeune homme : "la victoire quand même !" ?

Aucun commentaire: