dimanche 21 octobre 2007

Une bibliographie monumentale : Panorama des revues littéraires sous l'Occupation (Juillet 1940-Août 1944) & présence de SPR en icelles

J'aime - d'un amour un peu pervers - les bibliographies. Ce sont, avec les index des noms cités, les premières pages que je consulte avant d'acheter un ouvrage. Alors imaginez un peu mon état lorsque je découvre dans un recoin de rayonnage peu visité de librairie - de ceux qui nous obligent à l'accroupissement et à la contorsion mais ousqu'on trouve généralement le bouquin espéré - un volume tout entier bibliographique... C'est ce qui m'est arrivé hier, lors de ma visite hebdomadaire de la librairie Tonnet, après avoir déposé dans mon panier la réédition d'Alfred Jarry, le surmâle des lettres, de Rachilde, établie par Paul Gayot et présentée par Edith Silve. J'ignorais l'existence de ce Panorama des revues littéraires sous l'Occupation (Juillet 1940-Août 1944) d'Olivier Cariguel, livre gros de 608 pages, paru pourtant en mars, sous l'égide de l'IMEC (1).


Elle est fort bien réalisée, cette bibliographie. Olivier Cariguel a dépouillé 65 revues littéraires légales métropolitaines, 5 revues littéraires clandestines, 6 revues littéraires d'Afrique du Nord, 5 revues littéraires des Amériques, 2 revues politico-littéraires franco-allemandes et 4 revues littéraires de prisonniers français. Il leur a consacré de riches notices; il a détaillé le sommaire de chacune de leurs livraisons, publiées pendant l'Occupation. Voilà qui manquait et dont l'existence me ravit.

Il y est, bien évidemment, question de Saint-Pol-Roux. Les violences perpétrées entre juin et août, contre l'univers que, durant quarante ans, il s'était construit, en ce bout du monde camarétois, avaient précipité sa mort et l'avaient désigné comme un symbole de la France occupée, pour les uns, de la poésie martyrisée, pour d'autres. Les revues, moins timorées que les journaux - et plus libres, sans doute -, se firent l'écho de la tragédie, dénonçant ce que les quotidiens taisaient : la responsabilité criminelle de l'occupant. Il y eut une exception, cependant : la Nouvelle Revue Française, dont Drieu la Rochelle récupéra la direction après la défaite. Etrangement, la revue de Gide n'avait, depuis sa création en 1908, jamais accueilli de textes de Saint-Pol-Roux - trop éloigné probablement de ce classicisme moderne que ses fondateurs tentaient alors de définir -, et son nom n'y fut presque pas cité en trente ans. Il fallut donc attendre Drieu, qui admirait pourtant peu la poésie du Magnifique, pour que ce dernier, par quelque ironie du sort, entrât à la NRF, avec la publication, dans le n°325 du 1er mars 1941, de "La Magdeleine aux parfums". André Rolland de Renéville aura peut-être encouragé le nouveau directeur à rendre ce discret hommage au poète assassiné. Il me semble avoir lu, en feuilletant le journal de Drieu dans une bibliothèque, que ce geste était une sorte de soutien à Divine, qui, après la mort de son père, s'était retrouvée dans une situation précaire. Il me faudra relire ces pages, déjà lointaines. Quoi qu'il en soit, "La Magdeleine aux parfums" ne fut précédée d'aucune précision sur la fin de l'auteur; et, un an plus tard, de Renéville, dans son étude sur "l'idéoréalisme de Saint-Pol-Roux" (n°342, 1er août 1942), n'y fit pas davantage allusion. Il ne pouvait en être politiquement question dans la Nouvelle Revue Boche - ainsi que la baptisa Esprit.

C'est dans les revues de la zone libre et hors-métropole qu'apparaît surtout le nom du Magnifique. Dressons, grâce au Panorama, la liste des textes de ou sur Saint-Pol-Roux, parus au cours de cette période :
  • AGUEDAL, Poésie, essais, jugements. Revue des lettres françaises au Maroc (dir. Henri Bosco) : "La complainte de Morwen le Gaëlique" (n°1-2, 1944, numéro spécial : Tombeau de Max Jacob)

  • FONTAINE, anciennement MITHRA, cahiers bimestriels de culture et d'information poétiques (dir. Max-Pol Fouchet, Alger) : "Saint-Pol-Roux", par Roger Lannes et Max-Pol Fouchet; "Triptyque sur la cime (Hôpital militaire de Briançon)" (n°11, octobre-novembre 1940); "L'assassinat de Saint-Pol Roux", Henri Hell (n°25, décembre 1942)

  • CAHIERS DE L'ECOLE DE ROCHEFORT, Série dirigée par Henri de Lescoët (pseud. Henri Barbier), "Cinq poètes d'aujourd'hui" : "Adieu à Saint-Pol Roux", Alain Borne (n°4, achevé d'imprimer le 10 novembre 1943)

  • CAHIERS DU SUD, Poésie. Critique. Philosophie. (dir. Jean Ballard, Marseille) : "Note de la rédaction" [annonce de la mort de Saint-Pol Roux] (n°228, octobre 1940)

  • LES ETOILES, à reproduire et faire circuler (dir. Louis Aragon, Georges Sadoul, Georges Ternet, et sans doute aussi en 1944, Pierre Emmanuel) : "Un poète [Saint-Pol-Roux]" (n°3, 1er mars 1943)

  • LE GOELAND, feuille de poésie et d'art (dir. Théophile Briant, Paramé) : Photographie de Saint-Pol-Roux; "Le magnifique", Germaine Beaumont; "Adieu à Saint-Pol Roux", Théophile Briant; "Le style c'est la vie (fragment)" (n°52, février 1942); "Prière à la mer" (n°65, mai 1943)

  • MESSAGES, Cahiers de la poésie française (dir. Jean Lescure) : "Lazare (version originale)" (n°5, 23 août 1943, "Domaine français")

  • POESIE 40, Ancienne revue des Poètes casqués. Revue bimestrielle de la poésie (dir. Pierre Seghers, Villeneuve-lès-Avignon) : Hommage à Saint-Pol Roux : "Portrait de Saint-Pol Roux [photographie de Jean Denoël]"; "A Fancis Jammes [autographe]"; "Saint-Pol Roux, ou l'espoir", Louis Aragon; "Adieu à Saint-Pol Roux", Alain Borne (n°2, décembre 1940-janvier 1941)

  • PROFIL LITTERAIRE DE LA FRANCE, Ancienne revue Septembre. Revue trimestrielle (dir. : Henri Barbier, Nice) : "Epithalame" (n°15, octobre 1943)
La présence de Saint-Pol-Roux dans ces revues littéraires, la plupart animées par des résistants, marque un tournant dans la réception de l'oeuvre du poète. La lecture surréaliste, dominante jusqu'aux premières heures de la guerre, a fini par céder la place au martyrologe qu'Aragon, Eluard, et quelques autres - pour beaucoup d'anciens du surréalisme -, composèrent en ces années d'occupation. Le nom du Magnifique initie la litanie des poètes martyrs; on le grava sur du marbre et on se transmit la légende au détriment de l'oeuvre que, peu à peu, on oublia de lire. Les hommages de cette période furent sincères, d'une haute tenue lyrique souvent, mais, s'inscrivant dans la lutte contre le nazisme, ils firent de Saint-Pol-Roux un symbole dont l'éclat historique étouffa, pour longtemps, les radiations de son véritable message poétique. Victime de la rhétorique de la poésie engagée. Honneur(s) et déshonneur(s) des poètes.

(1) Son pendant, le Panorama des revues à la Libération (Août 1944-Octobre 1946), par Caroline Hoctan, a été publié l'an dernier par l'IMEC. J'en parlerai lorsque je me le serai procuré.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Les choses promises n'étant plus ce qu'elles étaient, je m'efforce de perpétrer la délicieuse tradition des promesses tenues. Je viens donc de vous envoyer un lien pour un album photo de répétition de la Dame à La faulx. Il devrait y en avoir d'autres si je parviens à persuader l'auteur des quelques 500 photos prises durant la derniére semaine que les mettre sur le net n'a franchement rien de compliqué. par contre, vous devez vous inscrire pour y accéder... Faîtes-le, si vous cochez les bonnes cases ils ne vous ennuieront jamais.
salutations magnifiques,
Théophile Dubus