C'est là une fatalité de la recherche : elle ne s'achève jamais. Et les documents, parfois, surgissent quand on ne les attend plus, ou pas, car rien n'en laissait supposer l'existence. Un exemple. On sait que le dernier numéro du Bulletin des Amis de Saint-Pol-Roux, qui vient de paraître, relate les tentatives malheureuses du poète de faire représenter La Dame à la Faulx sur plusieurs scènes importantes et sur la première d'entre elles : la Comédie-Française. Poussé par une pétition que signèrent près de 500 artistes et écrivains, Jules Claretie, son administrateur, accepta l'idée - c'était dans les premiers mois de 1909 - mais non sans avoir au préalable demandé au Magnifique de revoir son drame afin de le rendre jouable en quatre heures, et non sans avoir, profitant que l'ouvrage fût remis sur le métier, oeuvré au rétablissement du Comité de Lecture, supprimé quelques huit ans plus tôt. Inutile de dire quel fut le sort réservé à La Dame à la Faulx après que Saint-Pol-Roux eut essuyé les plâtres du Comité restauré. Le bon Claretie, bien sûr, se fendit d'un communiqué élogieux à la presse regrettant toutefois que ce "poème dramatique" demeurât "irréalisable". Ce que j'ignorais et que m'apprend une trouvaillette récente dont la présence dans le BASPR4 aurait été pertinemment cocasse, c'est que le bon Claretie était très bon et que son refus programmé de jouer la damalafalcique tragédie lui avait étrangement donné mauvaise conscience - preuve que le bon Claretie en avait une. Ne s'entremit-il pas, en effet, auprès des autorités, alors qu'un mois plus tôt il avait opposé une fin de non recevoir à Saint-Pol-Roux, pour que ce dernier obtînt (en compensation ?) la légion d'honneur. La première page du Figaro du 14 décembre 1910 relate cette "initiative" avec, va sans dire, un meilleur esprit que le mien :
"Une démarche...
Au nom de la Comédie-Française et par une élégance personnelle d'artiste qui ne surprendra aucun de ceux qui le connaissent. M. Jules Claretie vient de faire "quelque chose de tout à fait joli", pour employer l'expression de Cyrano. Un groupe de littérateurs et d'artistes a demandé la croix de la Légion d'honneur pour le poète Saint-Pol-Roux, l'auteur de la Dame à la faulx, dont le comité de lecture reconnaissait le génie, en regrettant les obstacles matériels qui ne lui permettaient pas de retenir son oeuvre.
L'excellent "avocat" qui plaida si vivement la cause du chef-d'oeuvre idéoréaliste devant le comité de lecture dut défendre avec autant d'efficacité cette nouvelle cause puisqu'on épingla bel et bien une croix sur le revers du veston magnifique... en juillet 1932.Parmi ces littérateurs, on peut citer MM. Maurice Donnay, Marcel Prévost, Jules Lemaître, Paul Margueritte, J.-H. Rosny, Henry Bataille, Emile Verhaeren, comtesse Mathieu de Noailles, Henri de Régnier, Laurent Tailhade. A leur suite, tous les jeunes littérateurs groupés par M. Figuière, les plus hardis, de Paul Fort à Alexandre Mercereau... Or, M. Jules Claretie, qui fut l'avocat du poète Saint-Pol-Roux devant le comité de lecture, a fait une démarche personnelle auprès du bienveillant ministre de l'instruction publique, a exposé ce labeur de quinze années dans la modestie et le silence, si éloquemment, que tous les artistes espèrent fêter prochainement la croix de l'auteur de la Dame à la faulx."
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