Le Grognard, imperturbablement, creuse son chemin loin des sentiers (re)battus, indifférent aux modes, mais brochant bel et bien ses pages au dos du réel. Voici déjà le onzième numéro, riche de ses récurrentes rubriques, les American Rebels de Mitchell Abidor, consacrés cette fois-ci à l'anarchiste Lucy Parsons, les Contingences de Stéphane Beau :
21e siècle : on sait tout en temps réel, on voit tout, du petit trou où se cache tel taliban en cavale jusqu'au plus infime détail de la planète la plus lointaine. On analyse tout, on décortique tout, on comprend tout... et on meurt quand même ! C'est assez con, non ?
Riche aussi de textes rares, qui furent publiés aux temps héroïques des petites revues, et qui résonnent avec une familière étrangeté en notre actualité, telle, de Jules Huret, cette "enquête", moins connue que celle qui le sacra, dès 1891, journaliste célèbre, où il n'est point question d'évolution littéraire - encore qu'indirectement - mais de la réforme de l'ortografe, débat qui occupa nos gendelettres et autres savants Belle-Epoque, et qui, périodiquement, resurgit. On s'amusera, en pensant à Queneau et à nos modernes sms, de cette réflexion de M. Louis Havet, apôtre du phonétisme, qui prophétisait à Huret : "dans cinq cents, dans mille ans, que sais-je ! on écrira kelke ou kelk au lieu de quelque".
Et riche enfin, combien riche, de la présence, en ses pages, du peintre et caricaturiste Gustave-Henri Jossot, dont Henri Viltard - qui lui consacra sa thèse de doctorat et lui dédie un site excellent : Goutte à goutte - nous rappelle la vie et le parcours d'homme et d'artiste libre dans un entretien avec le non moins excellent maître-entoileur du blog Han Ryner, C. Arnoult. Suit un bel article inédit de Jossot :
Je vis en dehors du troupeau ; je vous fuis tous, vous, vos bergers et vos chiens.
"En dehors du troupeau", c'est son titre. Voilà qui ferait une juste devise au Grognard.J'ai dit adieu à tout ce qui vous passionne ; j'ai rompu avec vos traditions ; je ne veux rien savoir de votre société maboulique ; ses mensonges et son hypocrisie me dégoûtent. Au milieu de votre fausse civilisation je m'isole ; je me réfugie en moi-même ; je ne trouve la paix que dans la solitude...
C. Arnoult nous fit la joie de rendre compte du dernier BASPR sur son site et de verser au copieux dossier de "l'impossible représentation de la Dame à la Faulx", une pièce toute rynérienne qui nous avait échappé. Nous ferons, prochainement, à notre tour, un addendum aux relations entre le Magnifique & le Prince des Conteurs.
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