dimanche 2 décembre 2007

"Saint-Pol-Roux et l'Inconnu" : réponse de Gilles Jouault-Mouden

On se souvient peut-être du billet que je consacrai, début juillet, au film Saint-Pol-Roux et l'Inconnu de Gilles Jouault-Mouden. Le compte rendu n'en était pas très favorable. Il exprimait mon avis, qui est d'un spectateur qui connaît le sujet, intimement, peut-être trop intimement, et qui s'est construit, à force d'étude et de recherche, une image du poète qu'il croit juste parce que fidèle à l'idée qu'il se fait de la poésie. Je n'avais pas retrouvé Saint-Pol-Roux dans ce film ou, plutôt, je n'y ai pas retrouvé mon Saint-Pol-Roux. Aussi, me paraît-il naturel de faire paraître sur ce blog, avec l'accord de l'auteur, la réponse que fit à mon compte rendu le réalisateur Gilles Jouault-Mouden. Il s'explique sur son travail et défend son point de vue avec une sincérité qui, deux avis valant mieux qu'un, mérite d'être entendue.

Je suis le réalisateur du film et je viens de découvrir votre article.

Je suis évidemment déçu que le film ne vous ait pas plu. Mais je tiens à vous remercier d'avoir pris la peine de le visionner deux fois et d'avoir ensuite fait part de son existence à vos lecteurs.

Votre critique me parait tout à fait sincère et je ne peux donc que la respecter, avec plaisir d'ailleurs.

Seul moment où je me suis trouvé un peu agressé (de suite les grands mots !), c'est lorsque vous laissez penser que je n'aurais pas su maîtriser mon montage, "trop brouillon" vous dites, je crois.

Le film a réellement été écrit sous forme de scénario (ce qui n'est pas le cas de tous les documentaires). J'ai passé plus d'un an à le faire dont quatre mois à le monter... Donc comprenez que je sois piqué et que je désire me défendre (encore un grand mot à réduire...).

Mon idée directrice depuis l'écriture était de renoncer à faire un portrait figé de SPR , et au contraire, d'organiser un chaos.

S'éloigner du scolaire, du didactisme ou de l'étude universitaire ("ismologique" ?) et au public qui découvre le poète, lui donner cette sensation de défricher un territoire laissé à l'abandon. D'où cette forme répétée dans le film : l'idée portée par telle image est révélée plus tard. L'image précède ou fait naître l'idée. Et pareil pour les images sonores...

Le chaos parce que ce territoire abandonné, ce n'est pas seulement celui de SPR et son œuvre, c'est aussi celui de toute la poésie (il n'y aurait pas que son manoir qui soit en ruine ?!). C'est encore pourquoi M. Rougerie et toutes les personnes qui interviennent dans le film sont prises dans ce chaos.

Avant de répondre à votre critique, il m'a fallu répondre à cette question : pourquoi voulez vous faire un film sur SPR, un poète mort, pas connu et pas facile à lire ? ma réponse n'ayant pas convaincu les banquiers de France 3, j'ai décidé de faire un film sur l'humanité dans un seul homme.

Les images "naïves, les ficelles, tel le Père Noel" ... oui, mais c'est pour moi l'ultime provocation contre une idée reçue d'aujourd'hui qui veut qu'un poète doit être un délinquant errant dans les caniveaux : mythe de Rimbaud, de l'adolescent révolté qui est devenu une pause, à prendre pour se sentir exister, ou attendue pour être médiatisé. Je voulais donc assumer jusqu'au bout l'image du Père Noel : on n'en est pas moins poète si on se construit un manoir et divertit les enfants. Il y va aussi et surtout de la place que la société octroie au poète et à la poésie...(j'abrège ce que vous savez déjà). Mais cette provocation ne renie pas le mythe rimbaldien pour autant, dans le souci de ne pas rajouter des barrières ! Je ne veux qu'imposer l'image et ne désire provoquer qu'une réflexion.

Le résultat est sous forme d'"essai" ? tout à fait d'accord : ni documentaire, ni fiction... je n'adhère pas aux résultats des recherches d'Averty, mais c'est bien ce geste là qui m'intéresse plutôt que de poser une voix off sur des images d'archives et autres banc titres.

Comme vous, j'attends que SPR inspire d'autres cinéastes. Ce film nous l'avons fait avec 3 euros 6 centimes, une équipe de 4, monté et mixé à 2... Heureusement, quelques spectateurs ne l'ont pas trouvé 0 !

bien respectueusement,

Gilles.

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