lundi 15 juin 2009

Une dédicace et un clin d'oeil à Eric D.

L'excellent Préfet maritime nous donnait aujourd'hui des nouvelles de l'éditeur Jacques Povolozky en son Alamblog. C'est l'occasion pour moi de présenter en vitesse une de mes dernières acquisitions, qui, dans le même temps, augmentera notre série de dédicaces amusantes ou significatives (se reporter ici & ). Il s'agit d'un recueil de Nicolas Beauduin : SIGNES DOUBLES, "achevé d'imprimer le vingt Mai mil neuf cent vingt et un par Louis Narbonne, Imprimeur à Pamiers (Ariège), pour J. POVOLOZKY, Edit. à Paris". Le volume est sous-titré "Poèmes sur 3 plans". Il ne serait sans doute pas inutile de rappeler qui fut Nicolas Beauduin, poète d'avant-garde et animateur de belles revues (Les Rubriques Nouvelles, La Vie des Lettres), animateur du paroxysme, qui s'essaya, après-guerre, au simultanéisme. Mais différemment de Fernand Divoire ou d'Henri-Martin Barzun. SIGNES DOUBLES en est un exemple assez étrange. Oui, il faudrait s'y arrêter plus longuement, mais je n'en ai guère le loisir aujourd'hui.


Je me contenterai donc d'en signaler les particularités bibliophiliques. Mon exemplaire est le n°174 des 300 tirés sur papier pur fil Lafuma (seul papier), numérotés et signés à la main par l'auteur. Il est adorné d'une dédicace tout à fait intéressante, puisque l'ouvrage fut adressé par Nicolas Beauduin "A André Breton / En sincère sympathie". L'envoi peut étonner car on ne rencontre guère, me semble-t-il, le nom de Beauduin dans les écrits de Breton, et à peine plus dans les histoires du surréalisme. Il apparaît toutefois à deux reprises dans l'incontournable Dada à Paris de Michel Sanouillet (Flammarion, 1993) ; d'abord comme directeur de La Vie des Lettres, écrivant à Picabia les 3 et 19 janvier 1921 : "J'ouvre franchement ma revue au mouvement Dada qui est le plus vivant, le plus agissant de tous. C'est un courant, ce n'est pas une école, il est mondial et il emportera toute la génération. Croyez à ma prophétie" ; puis comme signataire de la résolution de défiance à l'égard de Breton, alors maître-organisateur du congrès de Paris, le 17 février 1922. L'envoi de SIGNES DOUBLES intervient entre ces deux dates, soit dans une période au cours de laquelle l'auteur de Mont de Piété s'éloigne progressivement de Tzara et du mouvement Dada.

Que put bien penser André Breton de SIGNES DOUBLES ? Nicolas Beauduin l'intéressait-il seulement ? Une première indication : le recueil ne fut pas coupé, donc, pas lu. Deuxième indication : l'exemplaire porte l'ex-libris de Marcel Bekus, qui mourut en 1938 - sous-entendant que SIGNES DOUBLES fut cédé ou vendu au collectionneur par Breton entre 1921 et 1936. Non, décidément l'avant-gardiste Nicolas Beauduin devait avoir pour l'imminent surréaliste une avant-garde de retard. Le simultanéisme, que, d'une certaine manière, purent investir certains dadaïstes, n'était pas une voie que le Surréalisme allait à son tour emprunter.

Nota : Pour plus de renseignements sur Nicolas Beauduin (mais je ne manquerai pas d'y revenir moi-même), qu'on lise Devanciers du Surréalisme. Les groupes d'avant-garde et le mouvement poétique 1912-1925, par Léon Somville (Droz, 1971), ouvrage capital.

Nota' : Je signale, battant ma coulpe de ne pas l'avoir fait dans mon billet consacré aux bibliographies des petites revues, que l'Alamblog donna aussi d'importantes bibliographies de revues (Bizarre, Roman) et d'éditeurs, dont une, in progress, de Jacques Povolozky. SIGNES DOUBLES y figure déjà, avec Les Enfants des Hommes, mystère & L'Homme cosmogonique, mais signalons un autre recueil de Nicolas Beauduin, édité par Povolozky, qui manque au relevé effectué jusqu'ici : Rythmes et Chants dans le Renouveau (signalé dans la liste des ouvrages "du même auteur").

Nota'' : Je rappelle que vous pouvez toujours m'envoyer vos dédicaces ou envois étranges, cocasses, amusants, pertinents, etc., à harcoland(at)gmail.com.

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