vendredi 10 juillet 2009

Villiers de l'Isle-Adam, comte révolutionnaire : le "Tableau de Paris sous la Commune" réédité (Sao Maï, éditeur)

Je ne crois pas me tromper en affirmant que les éditions Sao Maï sont toutes jeunes, nées il y a un ou deux ans à peine, et que leur catalogue ne propose encore que trois (ou quatre) titres. Et je ne me tromperai pas davantage si j'avance que ces toutes jeunes éditions Sao Maï ont bien de l'audace et du panache. La parution, il y a quelques mois, du Tableau de Paris sous la Commune, en fait preuve.

Je dois avouer que, bien que possédant les OEuvres Complètes de Villiers de l'Isle-Adam - les deux volumes Pléiade - et bien que les parcourant souventefois, cette histoire des cinq articles parus dans le Tribun du Peuple et signés du pseudonyme Marius m'avait complètement échappé. Faut dire aussi, à ma décharge, que l'attribution de cet ensemble à l'auteur des Contes cruels était assez péremptoirement contestée par les spécialistes qui composèrent l'édition sur papier bible. Du coup, ce Tableau de Paris sous la Commune n'avait pas connu de réimpression depuis une vingtaine d'années et avait fini par entrer dans l'oubli, jusqu'à ce que les vaillants de Sao Maï l'en tirent avec fracas.

C'est Victor-Emile Michelet qui, le premier, avait attribué la paternité du Tableau, peinture enthousiaste de la révolte populaire de 1871, à son maître Villiers de l'Isle-Adam. On en douta assez vite, opposant à cette attribution le monarchisme notoire du Comte et on refila aussi sec le bébé révolutionnaire à Catulle Mendès. L'argument était un peu court. Ceux, développés par Sao Maï dans la préface de 45 pages, sont autrement plus développés et, partant, plus convaincants. Nul doute que les rédacteurs connaissent leur Villiers parfaitement, et intimement. Il serait vain de tenter une paraphrase de cette fougueuse démonstration, qui n'évite pas la polémique et appellera probablement une réponse de villiéristes patentés ; mais alors ceux-ci n'auront pas assez d'un article et il leur faudra au moins publier un livre, car en plus de devoir réfuter un à un les arguments exposés dans la préface, il leur faudra aussi - avec quelle difficulté et contorsion d'esprit - balayer tous les éléments intertextuels, qui relient le Tableau aux autres oeuvres du Comte, détaillés dans les nombreuses notes.

Ma certitude, toutefois, c'est que cette dispute, si elle a lieu, un jour, n'ôtera rien à la beauté et à la haute tenue de ce texte, dont je veux citer l'ouverture, qui est incontestablement d'un poète :
"Paris a survécu. Le soleil brille sur la Révolte. L'indomptable Liberté s'est relevée, chancelante, mais appuyée sur tous ses drapeaux rouges et défiant les spectres meurtriers de Berlin et Versailles. Au fond de l'horizon, l'Arc de Triomphe se voûte sur la guerre civile. Les éclats de fer sillonnent les rues sans troubler les jeux des enfants nouveaux, les bombes, couleur de pourpre, ont remplacé les ballons rouges, et, quand les billes font défaut, ce sont de beaux éclats de rire en courant ramasser les balles mortes."
D'un poète et d'un homme, qui connut l'humiliation de la pauvreté et qui, par là, fut, contre sa classe, du côté du peuple et du rêve.
VILLIERS DE L'ISLE-ADAM, TABLEAU DE PARIS SOUS LA COMMUNE suivi du DESIR D'ÊTRE UN HOMME, Sao Maï éditeur, 2009 (108 pages, 6 €).
Nota : Vient de paraître, chez le même éditeur, LE BOURGEOIS MIS EN PIECES, recueil de contes choisis de Villiers de l'Isle-Adam (70 pages, 7 €). En des temps où l'embourgeoisement est, non pas seulement social, mais essentiellement intellectuel et moral, que salubre est la lecture du Comte Jean-Marie-Mathias-Philippe-Auguste Villiers de l'Isle-Adam !

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